Des conditions d’ouverture de l’action précises
Introduite en France à la suite de la transposition d’une directive du 25 juillet 1985[1], la garantie des produits défectueux apparaît particulièrement utile dans un contexte de multiplication des échanges commerciaux à l’échelle mondiale.
Les articles 1245 et suivants du code civil instaurent un régime aussi précis qu’efficace, permettant aux acquéreurs de produits défectueux de pouvoir défendre leurs droits et d’obtenir réparation.
Le défaut constaté doit en premier lieu concerner un produit, tel que défini très largement à l’article 1245-2 du Code civil. Selon cet article, constitue un produit « tout bien meuble, même s'il est incorporé dans un immeuble, y compris les produits du sol, de l'élevage, de la chasse et de la pêche ».
Ce produit doit avoir causé un dommage. Là encore, l’article 1245-1 du Code civil définit la notion de dommage très largement. Il peut s’agir d’un dommage causé à la personne, ou à un bien, à condition dans ce cas qu’il s’agisse d’un bien autre que le produit défectueux lui-même. Il s’agit en effet d’indemniser ici les conséquences de la défectuosité du produit sur l’utilisateur ou ce qui l’entoure, non la valeur du produit défectueux.
Le produit défectueux doit encore avoir été mis en circulation. Autrement dit, le producteur doit s’être dessaisi volontairement de son produit, au sens de l’article 1245-5 du Code civil.
Lorsque ces deux conditions sont remplies, l’utilisateur va alors pouvoir agir contre le producteur du produit défectueux[2], selon certaines conditions.
Les conditions de mise en œuvre de l’action rigoureuses
L’action en responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit par 3 ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur[3]. Un second délai butoir vient toutefois doubler ce premier, puisqu’en tous les cas, aucune action n’est plus possible au-delà de 10 ans à compter de la mise en circulation du produit. Encore faut-il que le producteur n’ait commis aucune faute ayant pu mener à la réalisation du dommage, sans quoi il se trouvera déchu du droit d’invoquer ce délai de forclusion[4].
Lorsque l’ensemble de ces conditions sont remplies, la victime d’un produit défectueux peut agir en prouvant le défaut du produit, un dommage ainsi qu’un lien de causalité entre les deux. Le régime de la responsabilité des produits défectueux est exclusif de tout autre régime de responsabilité. Le recours au régime général de responsabilité du fait des produits défectueux ou à la responsabilité contractuelle est notamment prescrit[5], sauf si un tel recours repose sur des fondements juridiques différents, comme par exemple la garantie des vices cachés ou la faute[6].
Là encore, le code civil définit la notion de défectuosité en évoquant l’idée d’une atteinte à la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre[7]. Autrement dit, le produit est devenu inutilisable sans risques. Cette sécurité s’apprécie en tenant compte de toutes les circonstances, et notamment de la présentation du produit et de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu au moment de sa mise en circulation[8].
Le producteur a alors la possibilité de s’exonérer de sa responsabilité, soit en prouvant que l’un des éléments constitutifs du régime des produits défectueux fait défaut[9], soit en prouvant la faute de la victime ou le fait d’un tiers. Il peut enfin se prévaloir de son incapacité à faire face au risque de développement lorsque la défectuosité concerne un produit dont les connaissances scientifiques ne parviennent pas à appréhender toute la complexité.
Karim Jakouloff
Docteur en droit
Sources :
[1] Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux.
[2] Le vendeur, lui, n’est pas visé par l’action : Civ. 1ère, 15 mai 2007, n° 5-17.947.
[3] Article 1245-16 Code civil.
[4] Art. 1245-15 du Code civil.
[5] Civ. 1ère, 11 juillet 2018, n° 17-20.154.
[6] CJCE, 25 avril 2002, aff. C-183/00, González Sánchez.
[7] Art. 1245-3 Code civil.
[8] La défectuosité peut ainsi résulter d’un défaut de mise en garde ou d’information : Civ. 1ère, 7 novembre 2006, n° 05-11.604.
[9] Art. 1245-10 Code civil.
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