Trois décrets d’application, tous datés du 30 août 2019, définissent les modalités de la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance. Le premier, le décret n° 2019-912, a pour vocation d’organiser cette fusion. Le second, le décret n° 2019-913, tire les conséquences de cette fusion en définissant notamment les compétences matérielles et territoriales des tribunaux judiciaires et du nouveau juge des contentieux de la protection. Quant au troisième, le décret n° 2019-914, il fixe les compétences matérielles et territoriales des nouvelles chambres de proximité des tribunaux judiciaires. La mise en application de l’ensemble de ces règles est reportée au 1er janvier 2020.
La compétence matérielle des tribunaux judiciaires
La création des nouveaux tribunaux judiciaires opère une redistribution complète des rôles aujourd’hui dévolus aux anciens tribunaux de grande instance et d’instance. Ainsi, si la compétence matérielle des tribunaux judiciaires est la même que celle des TGI, jusqu’ici, le montant de la demande entraînait une ventilation des contentieux entre TI et TGI, il n’y a désormais plus de distinction à opérer au sein du contentieux des tribunaux judiciaires.
Les tribunaux judiciaires statueront donc en première instance en matière civile et pénale. Dans le second cas, ils statueront sous la dénomination de tribunal correctionnel ou de police. Pour ce qui est plus spécifiquement de la matière civile, les tribunaux judiciaires seront compétents dans tous les cas où la loi ne désigne pas un autre tribunal comme compétent. Cette règle entraînait jusqu’alors, notamment, une ventilation des compétences entre TI et TGI, en fonction du montant en jeu dans le cadre des litiges soumis aux tribunaux. Désormais, il n’en est plus rien, puisque les affaires relevant de la compétence des tribunaux judiciaires seront jugées par eux, peu importe le montant de la somme en jeu.
La compétence matérielle du juge des contentieux de la protection
Avec les tribunaux judiciaires sont instaurés de nouveaux juges, intitulés juges des contentieux de la protection. Ces nouveaux juges, exerçant au sein des tribunaux judiciaires, se sont vus attribuer l’ensemble des compétences matérielles jusqu’ici détenues par les tribunaux d’instance.
Le juge des contentieux de la protection exercera donc, au sein des tribunaux judiciaires, les fonctions de juge des tutelles des majeurs, ce qui, en soi, lui confèrera déjà un panel de missions assez étendu. Mais au-delà, il sera compétent pour toutes les actions tendant à l’expulsion des personnes occupant des immeubles d’habitation sans droit ni titre. Sa mission l’amènera également à statuer sur les contentieux relatifs aux crédits immobiliers ainsi que sur les situations de surendettement ou encore les demandes de rétablissement personnel.
Ce juge à tout faire aura pour finir compétence pour connaître des actions relatives à l’exercice du mandat de protection futur, ou encore des actions relatives à l'inscription et à la radiation sur le fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement.
Pour l’ensemble de ces compétences, les juges des contentieux de la protection statueront à juge unique, mais auront la possibilité de renvoyer certains demandeurs devant la formation collégiale du tribunal judiciaire.
La compétence territoriale des chambres de proximité
Dans le cadre de la réforme des tribunaux judiciaires, le législateur a souhaité maintenir une formation de proximité, afin de ne pas éloigner les justiciables de leurs juges. Des chambres de proximité, appelés tribunaux de proximité, ont ainsi été mises en place en dehors du siège des tribunaux judiciaires.
Ces chambres de proximité, dont les compétences sont fixées par décret, récupèreront les missions anciennement dévolues aux tribunaux d’instance. Toutefois, de nouvelles missions pourront leur être attribuées, sur décision des chefs de cour, après avis des chefs de juridiction, en fonction des besoins de justice sur un territoire donné.
Conclusion
La réforme du 23 mars 2019 est donc une réforme de simplification de l’accès à la justice. Sans remettre en cause le maillage territorial, elle réduit considérablement la variété de juges sur notre territoire, tout en maintenant leur nombre. L’accès à la justice n’est donc pas réduit.
Misant sur la création de super-juges compétents en presque tout, la réforme cherche à permettre aux justiciables de mieux s’orienter dans ce qui était avant une jungle de compétences éparses, en leur permettant de saisir une juridiction unique pour une très nombreuse variété de litiges. Reste à attendre les premiers bilans de cette réforme, qui ne manqueront pas d’être scrutés à la loupe.
Karim Jakouloff
Docteur en Droit
Source :
[1] JORF, 1er septembre 2019.
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