1/La mise en demeure de reprendre l’exécution du chantier
Le maître d’ouvrage doit mettre l’entrepreneur en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception, de reprendre les travaux en lui fixant un délai déterminé.
Un délai de 8 à 15 jours à compter de la réception de la mise en demeure est raisonnable.
Ce courrier rappellera la date précise de livraison et l’application d’éventuelles pénalités de retard si cela a été prévu contractuellement
Ce courrier précisera qu’en cas d’inexécution, vous ferez constater l’abandon de chantier par un huissier de justice.
En cas de procédure collective, la mise en demeure sera en fonction des situations adressée à l’entrepreneur lui-même, à l’administrateur judiciaire qui représente la société ; en cas de liquidation judiciaire auprès du liquidateur judiciaire dont vous pourrez obtenir les coordonnées auprès du greffe du Tribunal de Commerce du siège de l’entreprise. Ce dernier a un mois pour vous répondre, son silence dans ce délai étant considéré comme un refus de poursuivre le chantier et le contrat résilié.
2/La preuve : Le procès-verbal de constat de l’arrêt de chantier par un huissier
Si l’entreprise n’a pas bougé suite à la mise en demeure dans le délai imparti ou ne vous a fourni aucune explication valable, il est urgent alors de faire constater l’arrêt de chantier par un huissier de justice.
L’huissier dressera un procès-verbal de constat détaillant les travaux déjà exécutés et ceux qui ne sont pas terminés, il signale l’absence d’ouvriers et recense le matériel abandonné sur place.
Outre l’intérêt probatoire, ce constat sera une base de réflexion si vous décidez par la suite de confier l’achèvement du chantier à un autre professionnel.
Dans le cadre de sa mission, l’huissier s’appuiera sur le devis d’origine, et indiquera en dire le montant des acomptes déjà versés à l’entreprise défaillante.
3/les solutions
A ce stade, depuis la réforme du droit des contrats, la palette de solutions ouvertes au maître d’ouvrage est plus large.
A/ La procédure contentieuse
Le maître d’ouvrage peut prendre la voie du tribunal par voie d’assignation.
- Une procédure de référé pour demander au juge d’ordonner à l’entreprise défaillante (exclusion faite de celle en procédure collective) l’achèvement des travaux sous astreinte de x € par jour de retard.
- Une procédure d‘urgence en référé expertise suite au constat d’huissier afin de faire constater l’abandon de chantier, faire chiffrer la reprise des éventuelles malfaçons et des travaux restant à effectuer et d’obtenir l’autorisation du juge de poursuivre les travaux avec une autre entreprise de votre choix et ce aux frais de l’entrepreneur ayant abandonné votre chantier
Il faut alors demander au juge de condamner l’entreprise défaillante à vous verser une provision correspondant au chiffrage effectué par l’expert.
Le fondement juridique de cette action est l’article 1221 du code civil :
« Le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier.
- Une procédure au fond pour demander la résiliation du contrat et obtenir des dommages et intérêts, en application de l’article 1224 du Code civil.
La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
B/ l’achèvement par le maître d’ouvrage, la résiliation unilatérale et la réduction du prix
L’établissement préalable du constat d’huissier reste une étape cruciale pour ces démarches
La réforme des contrats est venue améliorer sensiblement la situation du maître d’ouvrage confronté à un abandon de chantier.
L’achèvement des travaux par le maître d’ouvrage résulte de l’article 1223 du code civil :
« Après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l'obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. Il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin.
Il peut aussi demander en justice que le débiteur avance les sommes nécessaires à cette exécution ou à cette destruction. »
Le maître d’ouvrage pourra ainsi dans ce cadre, faire dénoncer par voie d’huissier une copie du procès-verbal constat à l’entreprise défaillante tout en lui faisant sommation d’avoir à achever les travaux dans un délai et à coût raisonnable.
La résiliation unilatérale résulte de l’article 1226 du code civil :
Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.
Le maître d’ouvrage pourra ainsi comme dans la solution précédente, faire dénoncer par voie d’huissier une copie du procès-verbal constat à l’entreprise défaillante tout en lui faisant sommation d’avoir à achever les travaux dans un délai et à coût raisonnable.
Au terme de ce délai, en cas de défaillance persistante, il pourra lui notifier la résiliation du contrat. On conseillera le recours à l’huissier de justice dont la signification aura une date certaine et qui présentera une sécurité juridique bien plus grande qu’une lettre recommandée.
La réduction proportionnelle du prix qui résulte de l’article 1223 du code civil :
Le créancier peut, après mise en demeure (le recours à un huissier est conseillé), accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix.
S'il n'a pas encore payé, le créancier notifie (le recours à un huissier est conseillé) sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais.
A noter qu’à compter du 1er octobre 2018, une nouvelle version de l’article 1223 entre en vigueur :
En cas d'exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s'il n'a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d'en réduire de manière proportionnelle le prix. L'acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par écrit.
Si le créancier a déjà payé, à défaut d'accord entre les parties, il peut demander au juge la réduction de prix.