À moissonner ne t'aventure, que la récolte ne soit mûre
Cette citation riche de sens nous permet d'envisager les récoltes sous 2 catégories:
-1° Les récoltes appartiennent au propriétaire du fond:
l'article 520 du code civil dispose:
Les récoltes pendantes par les racines et les fruits des arbres non encore recueillis sont pareillement immeubles.
Dès que les grains sont coupés et les fruits détachés, quoique non enlevés, ils sont meubles.
Si une partie seulement de la récolte est coupée, cette partie seule est meuble.
-2°Les récoltes du fermier, bien que toujours fixées aux arbres et attachées au sol, restent dans la catégorie des meubles.
L'article R221-57 du code des procédures civiles d'exécution vient permettre une appropriation distincte de la récolte de l'immeuble avant son détachement physique.
il prévoit ainsi:
Les récoltes sur pieds appertenant au débiteur peuvent être saisies dans les six semaines qui précèdent l'époque habituelle de la maturité.
Que vise cette saisie? Il s'agit d'une saisie portant sur des récoltes ou des fruits pendants par branches ou racines.Envisagé comme meubles par anticipation, durant ce laps de temps, le législateur autorise leur saisie.
Les récoltes sur pieds doivents appartenir au débiteur. Tout propriétaire d'une récolte peut donc être l'objet d'une telle saisie, peu important qu'il soit propriétaire du fonds, locataire, fermier, métayer ou usufruitier. Il suffit que les fruits lui appartiennent.
Quid lorsqu'un changement de propriétaire intervient durant l'année culturale?
- en l'absence de locataire:
- en cas de démembrement de propriété (usufruit), l'article 585 du code civil vient résoudre la situation:
"Les fruits naturels et industriels, pendants par branches ou par racines au moment où l'usufruit est ouvert, appartiennent à l'usufruitier.
Ceux qui sont dans le même état au moment où finit l'usufruit appartiennent au propriétaire, sans récompense de part ni d'autre des labours et des semences, mais aussi sans préjudice de la portion des fruits qui pourrait être acquise au métayer, s'il en existait un au commencement ou à la cessation de l'usufruit."
- Lorsqu’une parcelle est vendue au cours de l'année culturale, la récolte à venir l’est avec, sauf convention contraire
- en présence d'un locataire:
La récolte revient au locataire en place au moment où elle est levée.
L'article L415-1 du code rural vient régir les rapports entre fermiers entrant et sortant:
Les obligations réciproques des fermiers entrant et sortant relatives au maintien de l'état des lieux sont régies par l'article 1777 du code civil.(Le fermier sortant doit laisser à celui qui lui succède dans la culture, les logements convenables et autres facilités pour les travaux de l'année suivante ; et réciproquement, le fermier entrant doit procurer à celui qui sort les logements convenables et autres facilités pour la consommation des fourrages, et pour les récoltes restant à faire.Dans l'un et l'autre cas, on doit se conformer à l'usage des lieux.)
La Cour de Cassation chambre civile 3 Audience publique du mardi 29 avril 1986 (N° de pourvoi: 85-10261 ) est venu rappeler le principe suivant:
"Mais attendu que l'arrêt qui rappelle exactement que l'article 1777 du Code civil ne s'applique pas lorsque l'occupation des lieux se poursuit à la suite d'une décision de justice ordonnant une expulsion et qui constate que le départ des preneurs avait été ordonné pour le 1er mai 1982, en déduit justement qu'à compter du lendemain de ce jour les bailleurs étaient propriétaires des produits de leur terre ;"
La saisie doit avoir lieu dans les six semaines (délai maximum) qui précèdent l'époque habituelle de la maturité.Le juge de l'exécution est libre de fixer le point de départ du délai de six semaines, sans être lié par les usages locaux.
Sont soumis à la saisie des récoltes sur pieds tous les fruits produits naturellement par le fonds et tous ceux qu'il produit du fait de sa culture par l'homme, donc tous les fruits visés à l'article 583 du C.civ, qui sont destinés à devenir meubles après leur récolte, et uniquement s'ils sont encore attachés au fonds c'est-à-dire au sol.
Sont exclus:
- Les produits des mines et carrières qui ne sont pas des fruits et qui seront saisis par saisie immobilière s'ils ne sont pas encore détachés du sol, et par saisie-vente s'ils ont déjà été détachés du sol. Ne peuvent non plus être saisis sur pieds les fruits civils (c'est à dire les revenus périodiques d'un capital), qui ne pourront donner lieu qu'à saisie-attribution.
- L'herbe à pâturer, à la différence de l'herbe à faucher, qui elle peut en faire l'objet.
La jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur du code des procédures civiles d'exécution a admis que les bois-taillis et les futaies organisés en coupes réglées et donc mobilisées par anticipation étaient susceptibles de saisie des récoltes sur pieds, l'organisation en coupe réglée permettant de déterminer la période de six semaines pendant laquelle la saisie était possible. En revanche, les futaies non aménagées ne peuvent faire l'objet d'une saisie des récoltes sur pieds et ne sont donc saisissables que par saisie immobilière du fond, ou par saisie-vente du produit de la coupe déjà effectuée et non encore enlevée.
- Les récoltes encore pendantes, mais qui, une fois détachées du sol, deviennent immeubles et non pas meubles, telles les pailles et foins destinés à l'exploitation de la ferme, qui ne peuvent être saisies que par saisie immobilière (C. civ., art. 524).
- A partir de la publication du commandement de saisie immobilière, les fruits transformés en immeubles, joints au prix de la vente sur saisie immobilière au profit des seuls créanciers hypothécaires.
- Les fruits et récoltes vendus sur pieds par leur propriétaire à un acquéreur de bonne-foi, sans fraude de la part du vendeur. Cependant si le saisissant établissait une fraude à la charge du vendeur, la vente lui serait inopposable, quelque soit la bonne-foi de l'acquéreur.
- Sont insaisissables par saisie sur pieds ou par toute autre saisie les denrées indispensables à l'élevage des animaux nécessaires à la subsistance du saisi (CPC exéc., art. R. 112-2) et les biens mobiliers nécessaires à la vie du saisi et de sa famille (CPC exéc., art. L. 112-2).
Procédure de saisie des récoltes sur pieds
La saisie des récoltes sur pied figure dans le Code des procédures civiles d'exécution à la section 5 "Section 5 : Dispositions particulières à la saisie des récoltes sur pieds" du chapitre 1er "la saisie vente".Variante de la saisie vente, elle en adopte le schéma avec certaines particularités.
Procès-verbal de saisie
a. Forme
À peine de nullité, le procès-verbal de saisie est établi conformément aux dispositions en matière de saisie-vente, mais comporte au lieu de la désignation détaillée des biens saisis, la description du terrain sur lequel sont situées les récoltes saisies, avec sa contenance, sa situation et l'indication de la nature des fruits (CPC exéc., art. R. 221-58).
Il devra comprendre la référence du titre du saisissant, la déclaration du saisi sur les éventuelles saisies antérieures, la mention de l'indisponibilité, de la garde confiée au saisi et des sanctions pouvant frapper celle-ci, l'indication que le saisi dispose d'un mois pour procéder à la vente amiable des biens saisis, l'indication de la juridiction compétente pour les contestations sur la saisie, l'identification des personnes ayant assisté à la saisie, et la reproduction des textes du code pénal applicables, et des articles sur la vente amiable (CPC exéc., art. R. 221-16).
L'huissier pour dresser son procès-verbal,se rend sur les lieux où sont situés les récoltes à saisir.
b. Gardien de la récolte
Le procès-verbal désigne le débiteur en tant que gardien des récoltes, sauf si le saisissant sollicite du juge de l'exécution la désignation d'un gérant à l'exploitation des parcelles portant les récoltes saisies (CPC exéc., art. R. 221-59). Cette désignation sera faite par le juge de l'exécution, le débiteur entendu ou appelé, conformément à la procédure prévue aux articles R. 121-11 et suivants du CPC.exéc.
- Si le saisi n'est pas présent lors de l'établissement du procès-verbal de saisie, celui-ci lui sera signifié par l'huissier, selon la procédure prévue à l'article R. 221-18 du CPC.exéc.
- S'il est présent lors du procès-verbal, l'huissier devra appliquer les dispositions de l'article R. 221-17 du CPC. exéc en lui rappelant verbalement les conséquences juridiques de la garde à lui confiée, et les possibilités et procédure de la vente amiable.
Le saisi, après l'établissement du procès-verbal, ne peut plus disposer seul des biens saisis, ni les récolter, sans commettre le délit de détournement d'objets saisis prévu à l'article 314-6 du code pénal.
Jusqu'à la vente amiable ou forcée, le saisi reste propriétaire des fruits saisis. En conséquence, les risques continuent à être à sa charge, sans que l'on puisse reprocher au saisissant de n'avoir pas pris les mesures nécessaires à leur conservation.
Vente des récoltes saisies
Trois solutions sont possibles après l'établissement du procès-verbal de saisie en matière de récolte sur pieds : soit aboutir à une vente amiable, soit aboutir à la vente sur saisie, soit envisager une solution après l'expiration du délai de six semaines, et donc après la maturité de la récolte.
a. Vente amiable
La saisie d'une récolte sur pieds étant une saisie-vente, le législateur a prévu la possibilité pour le saisi de rechercher un acquéreur amiable et de le proposer au créancier saisissant. Cette possibilité est cependant difficilement conciliable en pratique avec la règle selon laquelle la saisie des récoltes doit avoir lieu dans les six semaines précédant l'époque habituelle de leur maturité.
En effet, si l'article L. 221-3 du CPC. exéc. prévoit que la vente des biens aux enchères publiques a lieu après un délai d'un mois à compter du jour de la saisie, et que pendant ce délai, le débiteur peut procéder à une vente amiable, l'article R. 221-31 du CPC.exéc énonce que le débiteur informe l'huissier par écrit des propositions amiables qu'il a obtenues, et que l'huissier communique ces indications au créancier saisissant et aux créanciers opposants, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Les créanciers disposent d'un délai de quinze jours pour prendre parti, ajoutant qu'à défaut de vente amiable, il ne peut être procédé à la vente forcée qu'après l'expiration du délai d'un mois prévu à l'article R. 221-30 du CPC.exéc (pour la faculté de rechercher un acquéreur amiable) augmenté s'il y a lieu du délai de quinze jours imparti aux créanciers pour donner leur réponse.
L'option d'une vente amiable, qui implique la mise en œuvre d'un délai maximum d'un mois et demi, risque de conduire au dépassement de la maturité de la récolte, voire à son dépérissement d'autant que les opérations de saisie effective ne peuvent intervenir que dans les 6 semaines précédant cette maturité. Le risque est doublement encouru en cas d'avis défavorable puisqu'il faudra organiser la vente forcée. Dans de telles hypothèses, la vente effective peut se voir à plusieurs reprises différée. Or, certaines denrées s'accommodent mal du temps qui passe et doivent être récoltées dans des délais brefs pour éviter une perte du produit de la récolte. En outre, s'ajoute l'hypothèse dans laquelle le débiteur peut se désintéresser de la récolte et rester passif en attendant l'échéance de la vente forcée.
b. Vente amiable postérieure au délai de six semaines
Si le saisi a des difficultés pour trouver un acquéreur amiable, et ne le trouve qu'à l'expiration du délai, ou s'il agit volontairement à la limite du délai dans un but dilatoire, il conviendra de prendre des mesures pour éviter le dépérissement de la récolte.
Il appartiendra au juge de l'exécution, sollicité par la partie la plus diligente, d'autoriser soit que la récolte soit effectuée par un tiers qu'il désignera (qui sera le plus souvent le gérant de l'exploitation, lorsqu'il en aura été désigné un dans les conditions de l'article R. 221-59 du CPC.exéc), et qui la conservera comme séquestre jusqu'à la décision à intervenir sur la vente, soit même de commettre un tiers pour faire la récolte et la vendre, la distribution du prix alors produit par la vente étant assurée après l'apurement de la procédure.
Toutefois, les frais de l'intervention du tiers récoltant, du séquestre de la récolte ou du prix de la vente risquent de grever de manière importante le prix de réalisation.
c. Vente forcée
Elle obéit aux règles générales applicables en matière de saisie vente auxquelles s'ajoutent des dispositions particulières propres aux saisies de récoltes sur pieds développées ci-après.
1° Publicité
La vente de la récolte sur pieds est annoncée selon l'article R. 221-60 du CPC.exéc, par des affiches apposées à la mairie, et au marché le plus proche du lieu où se trouvent les récoltes. L'huissier doit certifier l'accomplissement de la publicité.
2° Lieu de la vente
La vente a lieu soit sur place, au lieu où se trouve la récolte, soit sur le marché le plus voisin (CPC exéc., art. R. 221-61).
Les affiches indiquent le jour, l'heure et le lieu de la vente, en précisant le terrain sur lequel est située la récolte à vendre et la nature des fruits composant cette récolte (CPC exéc., art. R. 221-60).
La vente ne peut avoir lieu avant l'expiration du délai d'un mois accordé au débiteur pour rechercher un acquéreur amiable.
Le débiteur pourrait renoncer valablement à cette faculté, pour permettre une mise en vente plus rapide, ou simplement un plus grand intervalle entre la publicité et la vente, afin de parvenir à de meilleurs résultats d'enchères.
En cas de vente sur place, c'est l'adjudicataire qui achète la récolte sur pieds qui se charge de la coupe ou de la cueillette et du transport.
En cas de vente sur le marché, la récolte et son acheminement peuvent être effectués par le saisi (sous la direction de l'huissier), s'il dispose du matériel approprié. A défaut, ces opérations peuvent être assurées par un tiers à la demande de l'huissier et aux frais du saisi.
Comme toute saisie-vente, la saisie de récolte sur pieds est susceptible d'intervention d'autres créanciers opposants, munis de titres exécutoires, ainsi que de contestations sur la propriété des récoltes saisies, ou sur la saisissabilité de la récolte, ou sur la validité de la saisie pour l'opposition à saisie-vente antérieure et pour la procédure d'opposition à poursuite).