La laïcité ou la fin du régime dit des « cultes reconnus »
Installé sous l’autorité de Napoléon par une série de dispositions : concordat de 1801, articles organiques de 1802 organisant les cultes catholiques et les deux principaux cultes protestants, luthérien et réformés, décrets de 1808 concernant le culte israélite, ce régime fut complété en 1831 par une loi qui marque la consécration et l’adoption du terme « reconnus »
Il s’agissait dès lors d’instaurer un lien très étroit avec ces quatre grands cultes dont l’empereur Napoléon estimait que leur enseignement contribuait au bien commun de la nation. Il en organisait les institutions en leur imposant une très forte centralisation, et en contrôlait les activités en assurant à chacune de ces grandes organisations le monopole de son culte.
En revanche, la pratique des fidèles de cultes « non-reconnus » était bien difficile tels que les baptistes ou les quakers dont les réunions étaient suspendues au bon vouloir des autorités locales.
La loi du 9 décembre 1905 dite « loi de séparation des Eglises et de l’Etat » assurait alors la liberté et l’égalité des fidèles de tous les cultes, et elle libérait l’expression des courants divers en leur sein.
Ainsi l’article premier de la loi du 9 décembre 1905 dispose :
« La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. »
L’affirmation du caractère laïc de la République est également reprise par la constitution du 4 octobre 1958 en son article premier :
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. »
Ainsi l’on comprend que le principe de laïcité ne s’impose qu’à l’Etat.
Qu’est-ce que la liberté d’expression ?
L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose :
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
L’article 4 du même texte dispose en effet :
« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées par la loi. »
La liberté d’expression permet donc à tout individu de pouvoir exprimer des idées et opinions en toute quiétude.
Toutefois, cette liberté connaît des limites qui sont précisées par la loi.
Il n’est donc pas illusoire de reprendre la citation de John Stuart Mill : « La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres »
Il existe donc un équilibre social fondamental à respecter dont les dérives sont utilement sanctionnées par la loi.
En ce sens, les abus à la liberté d’expression sont réprimés selon la loi du 29 juillet 1881 dite loi de la presse.
L’article 29 de cette loi dispose en effet :
« Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou une corp non expressément nommée, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.
Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure. »
Les peines relatives à ces différentes infractions varient en fonction du caractère public ou privé dans lequel elles sont commises.
Mais finalement qu’en est-il du droit au blasphème ?
Le droit au blasphème : entre laïcité et liberté d’expression
Il n’y a pas à proprement parler de « droit au blasphème » dans la loi française.
Cette notion est une extension à l’interprétation de la liberté d’expression qui est un principe fondamental en France.
L’article 10 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose en effet :
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »
Depuis une décision du Tribunal correctionnel de Paris les 7 et 8 février 2007, et ce en application du principe de la liberté d’expression, il est possible en France d’insulter une religion, ses figures et ses symboles, il est en revanche interdit d’insulter les adeptes d’une religion.
Toutefois, depuis un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme du 25 octobre 2018 n°38450/12, les juges de Strasbourg ont admis que l’on peut limiter la liberté d’expression en prenant des mesures restrictives proportionnées sans entrer en violation de ce principe afin de préserver la paix religieuse.
Jean Emmanuel KOTTIA