Contexte
Prise sur le fondement de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, l’ordonnance du 11 septembre 2019 crée la partie législative du nouveau code de la justice pénale des mineurs ayant vocation à remplacer à compter du 30 septembre 2021 l’ordonnance relative à l’enfance délinquante du 2 février 2015, devenue illisible en raison des multiples modifications intervenues depuis son entrée en vigueur.
Quels sont les amendements apportés par le nouveau code de la justice pénale des mineurs ?
Sur la notion du discernement du mineur
Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant est inscrit à l'article préliminaire du nouveau code de la justice pénale des mineurs.
La notion du discernement du mineur y est précisée en ces termes :
« Est capable de discernement le mineur qui a compris et voulu son acte et qui est apte à comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l’objet »
L’article L. 11-1 dudit code dispose en outre :
« Lorsqu'ils sont capables de discernement, les mineurs, au sens de l'article 388 du code civil, sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils sont reconnus coupables.
Les mineurs de moins de treize ans sont présumés ne pas être capables de discernement. Les mineurs âgés d'au moins treize ans sont présumés être capables de discernement »
L’article 388 du code civil précise en effet que « le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis. »
Toutefois, si l’article L.11-1 susmentionné affirme le principe de non-discernement des mineurs âgés de moins de treize ans, il ne s’agit là que d’une présomption simple qui par extension ne suffit au demeurant pour empêcher d’engager la responsabilité pénale du mineur.
Sur la primauté de l’éducatif
L’article préliminaire du code de la justice pénale des mineurs dispose encore que :
« Le présent code régit les conditions dans lesquelles la responsabilité pénale des mineurs est mise en œuvre, en prenant en compte l’atténuation de cette responsabilité en fonction de leur âge et la nécessité de rechercher leur relèvement éducatif et moral par des mesures adaptées à leur âge et leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées ».
L’article L.421-1 dudit code dispose :
« A l'égard d'un mineur, le procureur de la République apprécie les suites à donner conformément aux dispositions de l'article 40-1 du code de procédure pénale, en tenant compte de la personnalité du mineur et de ses conditions de vie et d'éducation.
Quelle que soit l'orientation qu'il retient sur l'action publique, le procureur de la République apprécie s'il y a lieu de saisir les autorités compétentes en matière de protection administrative ou judiciaire de l'enfance, cette saisine pouvant être considérée comme une réponse suffisante. »
L’article L. 11-2 prévoit quant à lui que « les décisions prises à l'égard des mineurs tendent à leur relèvement éducatif et moral ainsi qu'à la prévention de la récidive et à la protection de l'intérêt des victimes ».
L’on comprend donc qu’au-delà même de la possibilité que soit retenue la responsabilité pénale du mineur, il n’en demeure pas moins que l’ordonnance a pris le soin de rappeler cette nécessité de prendre en compte le relèvement éducatif, moral et donc social du mineur.
Sur la culpabilité du mineur
L’ordonnance prévoit que le mineur sera jugé sur sa culpabilité dans les trois mois suivant la commission des faits puis suivi par un éducateur, sous le contrôle du juge, pendant une période de mise à l’épreuve éducative de six à neuf mois.
La sanction sera alors prononcée à l’issue de ce délai, en prenant en compte les faits commis mais également les progrès accomplis ou la commission de nouvelles infractions.
L’ordonnance simplifie donc la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants sur ces différents points :
- Dans les 3 mois maximum suivant l’infraction, le juge des enfants ou le tribunal pour enfants statue sur la culpabilité du mineur et sur l’indemnisation du préjudice des victimes ;
- Si le mineur est déclaré coupable, une mise à l’épreuve éducative, nouvelle mesure unique, est prononcée. Sous le contrôle du juge, le mineur est suivi par un éducateur, pendant 6 ou 9 mois ;
- À l’issue de cette période, le juge ou le tribunal pour enfants rend un jugement sur la sanction. Il peut prononcer une mesure éducative ou une peine, en tenant compte des faits commis, de la personnalité du mineur, de son évolution ou des nouvelles infractions survenues depuis la première audience.
Cela consacre sans nul doute la suppression de la phase d’instruction conduite par le juge des enfants et l’introduction du mécanisme de césure du procès pénal avec deux audiences distinctes : l’une sur la culpabilité et l’autre sur la sanction
Tant il ressort de ces dispositions :
- la tenue d’une première audience devant le juge des enfants ou le tribunal pour enfants portant sur l’examen de la culpabilité du mineur, à l’issue de laquelle s’ouvre une période de « mise à l’épreuve éducative » pour une durée de six mois, renouvelable une fois pour trois mois.
- à l’issue de laquelle s’ouvre une deuxième audience portant sur la sanction devant le juge des enfants ou le tribunal pour enfants.
Sur la détention provisoire
· L’article L334-1 dudit code dispose que :
« Le mineur de moins de treize ans ne peut être placé en détention provisoire. »
Toutefois, le placement en détention est possible « que si cette mesure est indispensable et s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure et des éléments de personnalité préalablement recueillis, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un des objectifs mentionnés à l'article 144 du code de procédure pénale et que ces objectifs ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou en cas d'assignation à résidence avec surveillance électronique. » Article L334-2 dudit code
Encore que « lorsque le mineur est placé en détention provisoire, le juge des enfants, le tribunal pour enfants ou le juge des libertés et de la détention peut prononcer une mesure éducative judiciaire provisoire. » Article L334-3 dudit code
· Concernant les mineurs âgés de moins et d’au moins seize ans :
La détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsqu’ils encourent une peine criminelle, une peine correctionnelle (article L.334-4 alinéa 2), une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à trois ans ou si le mineur s'est volontairement soustrait aux obligations d'un contrôle judiciaire ou d'une assignation à résidence avec surveillance électronique (article L.334-5 alinéas 2 et 3)
Sur l’indemnisation de la victime
L’exposé des motifs du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs précise que
« La prise en compte des victimes est améliorée. Dès l’audience d’examen de la culpabilité, la victime pourra être entendue et il sera statué sur sa constitution de partie civile et son préjudice. Elle pourra donc voir sa demande d’indemnisation tranchée dans un délai de trois mois suivant la saisine de la juridiction, contre dix-huit mois en moyenne actuellement. Même indemnisée, la victime sera avisée de l’audience de prononcé de la sanction et pourra, si elle le souhaite, assister aux débats et y être entendue […] ».
Jean Emmanuel KOTTIA