1.- Le concept de blanc-seing et d’abus de confiance.
Dans certaines circonstances particulières d’absence ponctuelles, de voyages, ainsi que de situations appartenant au domaine privé ou de la santé personnelle, un individu a le droit de signer une ou plusieurs feuilles vierges dans le but d’assurer la continuité d’une société, d’un service, de son foyer, tout en servant à ratifier un document privé qui sera imprimé ou ajouté sur ces supports pendant son absence. C’est ce que l’on appelle un blanc-seing, un support blanc ou un document vierge signé au préalable, et normalement remis à un collaborateur de confiance ou un proche, qui sera le garant du respect de la volonté ainsi que des consignes particulières du signataire.
Il s’agit d’une situation exceptionnelle, mais courante dans certains postes tel le PDG d’une société, le directeur général ou toute autre fonction revêtue d’une responsabilité nécessitant d’être assurée en absence du titulaire.
Il est tout aussi fréquent que ces feuilles blanches, portant la signature d’un cadre, d’un dirigeant, soit détournées des fins auxquelles elles étaient initialement destinées, soit par négligence de la personne de confiance dépositaire, le mandataire, soit par un tiers avec la complicité de celui-ci.
Cette situation de blanc-seing peut aussi avoir lieu à tous les niveaux sociaux, dans une association privée, dans la vie de couple dans l’intimité du foyer, entre amis ou parmi les collègues de travail, si bien elle moins fréquente en absence d’un proche de confiance.
2.- Le cadre légal d’un abus de blanc-seing.
Le fait de compléter un blanc-seing en y ajoutant un contenu différent de celui qu’il est censé porter, dans le but de donner une apparente de légitimité, avec l’accord du signataire constitue un faux en écritures privé par fabrication de conventions.
Cependant, si l’auteur de ce fait est le dépositaire légitime du blanc-seing, le mandataire, la personne à laquelle le signataire a remis le blanc-seing, on peut évoquer aussi un acte punissable sur le fondement de l’abus de confiance.
« L’abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autre, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé.
L’abus de confiance est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende » (art. 314-1 du Code pénal).
Dans les deux cas, il y a faux en écriture, défini par l’article 441-1 du Code pénal comme suit :
« Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques.
Le faux et l’usage de faux sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. » (Article 441-1 du Code pénal).
Cette situation pourrait se présenter par exemple dans le cas d’un chéquier que le PDG signe d’avance pour faciliter les paiements de la société pendant un déplacement d’affaires ou de loisir, mais aussi dans le milieu familial, ou l’un des conjoints signe un ou plusieurs chèques à l’avance dans un but très précis, mais qui est détourné par la suite par son conjoint ou un proche.
Si bien la volonté du signataire est normalement l’élément le plus difficile à établir après les faits, car il faut prouver dans quel but précis le blanc-seing avait été produit, et dans quelles circonstances ce document a été remis au mandataire, l’ordre chronologique de production des différents éléments constituant un document relève du domaine des sciences criminelles, plus précisément de la physique criminelle.
3.- Le recours à un expert en écritures et documents.
Dans le cadre d’une procédure judiciaire visant ce type d’affaires d’abus de blanc-seing, d’abus de confiance, il est fréquent que la juridiction compétente ordonne une mesure d’expertise du document en question, réalisée par un expert en écritures et documents agréé auprès des tribunaux.
L’expert en écritures et documents dispose de plusieurs techniques analytiques permettant de déterminer si la signature a été apposée avant ou après le texte du document, que ce soit un texte manuscrit, tapé à la machine ou imprimé.
Ces techniques permettant d’analyser les croisements de traits entre la signature et les autres éléments constituant le document pour en déterminer l’ordre de superposition.
Certaines techniques permettent même d’en déterminer l’ordre chronologique des éléments graphiques sans superposition physique, notamment dans le cas d’un texte imprimé depuis une imprimante laser.
D’autres techniques permettent de faire une discrimination des encres, de séparer optiquement les différents types d’encre pour en déterminer l’ordre de superposition.
Si bien l’expertise en écritures et documents est normalement ordonnée par la juridiction compétente, il est tout aussi fréquent que la victime fasse expertiser le document au préalable pour confirmer scientifiquement sa version des faits, sachant qu’il s’agit de protocoles d’analyse non destructifs, c’est-à-dire, le document ne sera en aucun cas endommagé ni partiellement détruit.
Seule exception, dans le cas d’une éventuelle datation chimique d’une mention manuscrite, il sera impératif de prélever un échantillon d’encre pour l’analyse, par spectrométrie de masse ainsi que par chromatographie gazeuse. Cet échantillon est constitué d’un bouton de moins d’un millimètre, parfois il en faut deux, ne constituant en aucun cas une altération substantielle du contenu ni du document.
Dans tous les cas, il est fortement conseillé de demander l’avis technique d’un expert en écritures et documents agréé auprès des tribunaux au préalable.
Il s’agit d’un avis souvent gratuit, permettant de déterminer la faisabilité, l’exploitabilité du document, ainsi que d’envisager la suite de l’affaire dans les tribunaux.
Par LFD Criminalistique.fr
Experts en écritures et documents