1. Le cadre juridique du faux et l’usage de faux documents.
2. La fraude documentaire en France.
3. Expertise en écriture et documents.
1. Le cadre juridique du faux et l’usage de faux documents.
L'article 441 du Code pénal français est consacré à la falsification de documents, un délit qui peut entraîner de lourdes conséquences, tant pour les auteurs de l'infraction que pour ceux qui en sont victimes.
L'article 441 du Code pénal énonce les éléments constitutifs du faux et en précise les sanctions :
« Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques. »
Cette formulation englobe un large éventail de comportements criminels visant à interdire la production et l'utilisation de faux documents et d’informations dans un but frauduleux.
L’article 441 ne se contente pas de réprimer la simple falsification ; il s'étend également à l'usage frauduleux de documents authentiques, une précision importante pour assurer une application complète et adaptée à diverses situations de fraude.
Le Code pénal définit également les éléments constitutifs du délit de faux de manière claire, en mettant en avant trois comportements principaux :
- La fabrication de faux documents qui n’existaient pas auparavant, généralement dans le but de lui donner une apparence de légitimité et de tromper une personne ou une institution. Cela peut inclure la création d’un faux diplôme, d’une fausse attestation ou de tout autre document attestant d’une situation, d’un statut ou d’un droit.
- La modification partielle d’un document, par altération de mentions, de chiffres, de dates ou de signatures.
- L'usage frauduleux de documents falsifiés ou d’un document authentique obtenu de manière frauduleuse est pareillement réprimé par l’article 441. Cela inclut les situations dans lesquelles un individu se sert d’un document falsifié pour se procurer indûment un avantage, comme un crédit bancaire, un emploi ou des prestations sociales.
Les sanctions prévues pour la falsification et l’usage de faux documents sont sévères et visent à dissuader les individus de commettre ce type d'infraction.
La falsification de documents peut être punie d'une peine d'emprisonnement allant jusqu'à trois ans. Cette peine peut être aggravée si les circonstances de l’infraction le justifient (par exemple, en cas de récidive ou de circonstance particulière).
En complément de la peine de prison, l'infraction peut entraîner une amende pouvant aller jusqu’à 45 000 euros pour les personnes physiques. Les personnes morales (entreprises, associations, etc.) peuvent se voir infliger des amendes encore plus élevées, jusqu'à 225 000 euros.
Ces sanctions peuvent être augmentées en fonction des circonstances aggravantes.
Ainsi, l’article 441-2 du Code pénal prévoit que « le faux commis dans un document délivré par une administration publique aux fins de constater un droit, une identité ou une qualité ou d'accorder une autorisation est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. »
Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende lorsque le faux ou l'usage de faux est commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice de ses fonctions.
Même la détention de l'un des faux documents définis dans le cas précédent est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, pouvant aller jusqu’à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende en cas de détention frauduleuse de plusieurs faux documents.
Lorsque la falsification documentaire est présente dans une écriture publique ou authentique ou dans un enregistrement ordonné par l'autorité publique, elle est punie de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende.
L'usage du faux mentionné est puni des mêmes peines (ART.441-4 du Code pénal), mais elles peuvent être portées à quinze de réclusion criminelle et à 225 000 euros d'amende lorsque le faux ou l'usage de faux est commis par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice de ses fonctions ou de sa mission.
2. La fraude documentaire en France.
La fraude documentaire est un phénomène qui touche une grande variété de secteurs en France, allant de l'administration publique aux entreprises privées, en passant par les transactions financières et commerciales.
Ce type de fraude implique l'utilisation de faux documents ou la falsification de documents authentiques dans le but de tromper les autorités, les institutions ou les individus pour obtenir un avantage illégal ou frauduleux.
Le phénomène de la fraude documentaire devient de plus en plus préoccupant dans un contexte actuel, dans lequel les échanges numériques et les transactions à distance se multiplient, rendant les contrôles plus complexes.
Cette modalité criminelle désigne toute manipulation de documents dans un objectif frauduleux. Cela peut concerner différents types de documents : administratifs, financiers, commerciaux ou encore d’identité.
La falsification de documents administratifs comprend la création ou la modification de documents officiels tels que des cartes d’identité, des passeports, des permis de conduire, des diplômes, des certificats de travail, etc. L’objectif est généralement d’obtenir un statut ou un privilège auquel la personne n’a pas droit.
Dans le secteur économique, la fraude documentaire peut se manifester par l’émission de faux contrats, factures, bons de commande, lettres de crédit ou déclarations fiscales. Ces pratiques visent à tromper les partenaires commerciaux, à éviter des obligations fiscales ou à détourner des fonds.
Les faux documents financiers peuvent se manifester sous forme de falsification de bilans comptables, de rapports de gestion, de déclarations fiscales ou de documents bancaires. Cette fraude est particulièrement présente dans le milieu de l’entreprise et cherche fréquemment à manipuler les chiffres pour dissimuler des profits, contourner des régulations fiscales ou encore obtenir des prêts.
Les fraudeurs utilisent diverses méthodes pour falsifier des documents. Ces techniques varient en fonction du type de document à falsifier.
L’avènement des technologies numériques a facilité la falsification documentaire. Les logiciels de traitement d’images, de création de documents et d’édition peuvent être utilisés pour créer de faux documents très réalistes. Les imprimeurs professionnels sont parfois engagés pour produire des faux documents en grande quantité.
Mais, la manipulation de vrais documents est également possible grâce aux nouvelles technologies. Cette modalité faussaire consiste à altérer ou à substituer un document authentique par un document falsifié. Par exemple, un individu peut obtenir un document administratif légitimement, par un moyen légal, pour ensuite le modifier et s’en servir à des fins frauduleuses.
L’utilisation de documents authentiques volés, comme des cartes d'identité, des diplômes et des contrats, soit pour effectuer des transactions frauduleuses illégales, soit dans le but de les revendre à d'autres personnes intéressées, constitue une pratique très répandue en France.
Enfin, certains fraudeurs fabriquent des témoignages ou des justificatifs qui semblent authentiques, mais qui sont entièrement inventés. Cela inclut la création de faux témoignages dans le cadre de procédures judiciaires ou la fabrication de fausses déclarations pour obtenir des avantages sociaux ou financiers.
3. Expertise en écriture et documents.
Plusieurs administrations publiques françaises disposent de moyens très conséquents de lutte contre la fraude documentaire, tant au niveau humain que technologique et scientifique.
Toutefois, la victime d’un faux document, le citoyen, le particulier ou une entreprise n’ont pas accès à ces moyens dans tous les cas.
Pire encore, la victime est souvent invitée par la justice à produire l’élément de preuve permettant d’établir la falsification, l’usage d’un faux document et les conséquences liées à cette modalité criminelle.
C’est pourquoi, l'expertise judiciaire en écritures et en documents est une procédure essentielle dans le cadre du droit pénal, civil et commercial, car elle permet de déterminer l’authenticité d’un document, d’analyser des écritures, des signatures ou des documents qui sont soumis à des contestations dans le cadre d’une procédure judiciaire.
L'expertise en écritures et documents fait appel à des experts spécialisés, appelés « experts en écritures », chargés de vérifier la véracité des documents ou de déterminer la présence d’une falsification totale ou partiale du document suspect.
L’expertise judiciaire, en général, désigne l’intervention d’un professionnel agréé auprès des tribunaux, nommé par le juge, pour examiner un élément de preuve dans le cadre d’une procédure judiciaire.
Concernant les écritures et les documents, l'expert judiciaire se spécialise dans l’analyse de la validité des documents, de la signature d’un individu, ou encore de la conformité des documents aux normes juridiques.
Le travail de l’expert judiciaire peut porter sur la vérification de l’authenticité d’un document, sur la comparaison d’écrits et de signatures, mais également sur la détection de falsifications, l’examen des conditions de rédaction d’un document ou la datation d’un document, parmi d’autres.
Les experts en écritures et documents utilisent plusieurs méthodes pour mener à bien leur mission. Ces méthodes peuvent être regroupées en deux grandes catégories : les techniques visuelles et les techniques scientifiques.
Les méthodes visuelles sont constituées par une analyse visuelle directe des documents. Cela consiste à observer les caractéristiques visibles de l’écriture, de la signature, du papier et de l’encre. Par exemple, l’examen à l’œil nu de la régularité des lettres et des différences de pression dans les traits d’écriture peut fournir des indices sur l’authenticité d’une signature.
Parmi les techniques scientifiques utilisées, on peut évoquer :
- L’examen microscopique, qui permet l’analyse de la texture, de l’apparence et de la structure du papier et de l’encre. Il peut révéler des indices permettant de distinguer une écriture manuscrite authentique d’une falsifiée ou reproduite par une imprimante.
- L’examen sous radiation ultraviolette (UV) permet l’étude des réactions spectrales de certains types de papier et d’encre, ainsi que la détection de manipulations chimiques présentes sur un document.
- L’examen sous radiation infrarouge (IR) et l’analyse des luminescences infrarouges permettent l’identification et la discrimination des encres, de même que l’analyse de la pression du graphisme.
- L’analyse de la composition chimique assure l’identification de la nature exacte de l’encre utilisée, ainsi que la datation chimique, dans certains cas.
- Plusieurs outils numériques et des logiciels spécialisés facilitent l’analyse et la confrontation du graphisme en analysant la géométrie, la proportionnalité, la conception spatiale de l’auteur, comme la biométrie scripturale, à l’aide de tablettes tactiles.
L’expertise en écritures et documents peut intervenir dans de nombreux types d’affaires judiciaires, qu'elles soient civiles, commerciales ou pénales.
- Depuis la pandémie liée à la COVID-19, de nombreux faux testaments olographes ont été expertisés en justice. Dans le cadre d'un héritage, des contestations peuvent surgir concernant la validité d'un testament, notamment lorsqu’un héritier émet des doutes à propos de la date, de l’écriture ou de la signature du testateur.
- Les fraudes bancaires sont également fréquentes, spécialement la falsification de signatures sur des chèques subtilisés et sur des contrats de crédit.
- L’expertise en écritures et documents intervient aussi dans les affaires de fraude dans les transactions commerciales, comme les faux contrats, les factures falsifiées ou les abus dans la signature de documents juridiques.
- Les litiges d’usurpation d’identité nécessitent régulièrement le concours d’un expert en documents, dans le but de déterminer le ou les documents falsifiés, mais aussi du procédé faussaire. Ce type de fraude est de plus en plus courant, et l’expertise en écritures et documents permet d’en établir la preuve.
- Les affaires de contrefaçon de documents officiels, tant de documents administratifs que de pièces d’identité, de diplômes, de permis de conduire et d’actes de naissance, constituent une modalité criminelle très présente en France, nécessitant de l’expertise judiciaire.
L’expertise judiciaire en écritures et documents présente des enjeux importants dans le cadre des affaires judiciaires. Tout d’abord, elle permet d’assurer la vérité dans les procédures judiciaires en fournissant une analyse technique et objective des documents. La confiance dans l’intégrité des documents est fondamentale dans le système juridique, car la falsification de documents peut nuire à la justice et entraîner des décisions erronées.
Cependant, cette expertise présente aussi des défis, notamment en raison de la complexité des documents et de l’évolution des techniques de falsification. Les fraudeurs utilisent des méthodes de plus en plus sophistiquées pour falsifier des documents, ce qui exige des experts judiciaires de se tenir constamment à jour avec les nouvelles technologies.
Par LFD Criminalistique.fr