Depuis le 22 juillet 2015, la pratique de l’obsolescence programmée est enfin condamnée par 2 ans d’emprisonnement et 300 000€ d’amende.
Si l’idée de créer un délit d’obsolescence est remarquable, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte a perdu certaines qualités du fait des navettes entre l’Assemblée Nationale et le Sénat.
En effet, le projet de loi dans sa version du 14 octobre 2014 définissait l’obsolescence programmée comme le fait de « raccourcir délibérément la durée de vie ou d’utilisation potentielle de ce produit afin d’en augmenter le taux de remplacement ».
Tandis que l’article définitif de la loi adoptée en juillet dispose : « L’obsolescence programmée se définit par l'ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d'un produit pour en augmenter le taux de remplacement » (Art. L. 213-4-1., code de la consommation)
Ce qui est regrettable dans le projet de loi définitif relatif à la transition énergétique pour la croissance verte c’est de voir notamment disparaitre la notion de « durée d’utilisation potentielle ».
Quelle différence entre durée de vie et utilisation potentielle ?
A mon sens, il ne faut pas confondre « durée de vie » et « durée d’utilisation », qui sont, deux notions distinctes en matière d’obsolescence programmée.
Si beaucoup ne considéreront pas la différence entre les deux textes, certes très similaires, il faut admettre que la disparition de la notion « d’utilisation potentielle » est préjudiciable pour l’interprétation qui est faite du texte définitif.
La durée de vie, telle que pensée dans le texte, est une durée moyenne de vie de biens estimée selon des tests faits par les fabricants, probablement en usine dans des conditions spécifiques et optimales.
Mais est-ce que les consommateurs vivent dans des conditions spécifiques et optimales ?
En prenant en exemple une batterie de smartphone, si un fabricant affirme que son produit peut durer 5 ans parce que les tests sur ce téléphone ont simulé une utilisation d’1H par jour, cela ne reflètera pas la réalité des habitudes de consommation des foyers français si ces habitudes sont plutôt de l’ordre de 2H par jour, voire plus.
Cette donnée de « durée de vie » est donc faussée par le fait que les tests effectués dans les usines par les fabricants pour déterminer cette durée de vie ne correspondent pas du tout à la façon dont les consommateurs utilisent leur appareil : il est évident qu’un lave-linge dure plus longtemps s’il est peu utilisé.
C’est pourquoi, le projet de loi 1ère version était à mon sens plus avantageux pour les consommateurs : la notion de « durée d’utilisation potentielle » nous permettait de compter plutôt en quantité d’usage.
A ce titre, les fabricants auraient dû finalement présenter la quantité d’usage que peut supporter a minima leur produit.
Par exemple : le nombre de cycle de lavage pour un lave-linge ou un lave-vaisselle, le nombre de cycle de séchage pour un sèche-linge, le nombre d’heures de visionnage et / ou de veille pour les téléviseurs, le nombre d’impressions pour une imprimante, le nombre d’heures d’utilisation pour un lecteur DVD, un ordinateur, un lecteur MP3… .
Bien évidemment cela ne concerne que les appareils électroménagers ou électriques. Il serait bien difficile de déterminer la quantité d’usage d’un logiciel ou d’un vêtement !
Cela permettrait aux consommateurs de connaître le coût réel d’usage du produit qu’il souhaite acheter. Ainsi, chaque consommateur saura combien de temps durera le produit qu’il achète et ce, en fonction de la fréquence d’utilisation du produit.
Par exemple, toujours pour le lave-linge, si la durée d’utilisation ou quantité d’usage est de 500 cycles de lavage, les consommateurs, connaissant leur fréquence de lavage pourront compter et déterminer la durée de vie en fonction de leurs habitudes de consommation.
Aussi, en cas d’utilisation hebdomadaire d’un lave-linge avec une quantité d’utilisation de 500 cycles de lavage, le consommateur saura que le bien durera environ 9 années alors qu’en cas d’utilisation quotidienne, le consommateur saura que son bien durera à peine 2 ans.
La durée d’utilisation ou quantité d’usage a l’avantage de se servir de données modulables selon les habitudes de chacun afin de renseigner le consommateur sur la fiabilité du produit ce qui lui permettra de choisir en connaissance de cause et ainsi peut-être changer les habitudes de consommation (moins de lavage) ou les habitudes d’achat (choix d’un produit qui permet plus de cycle de lavage et donc une plus grande durabilité).
De ce fait, la notion de durée de vie laisse une marge de manœuvre aux industriels pour l’établir sur des critères qu’ils sont libre de choisir, tandis que la notion de durée d’utilisation oblige à intégrer les habitudes des consommateurs.