D’après l’adage populaire, un paysan rachète à l’Etat son exploitation agricole toutes les quatre générations.
Il est vrai que contrairement à d’autres pays, l’impôt sur la transmission du patrimoine est France d’une importance singulière ; il oscille entre 5% et 60% du montant des biens transmis en fonction du lien de parenté avec le bénéficiaire.
Pourtant de nombreux dispositifs existent pour organiser et optimiser la transmission de son patrimoine. Il convient alors d’analyser la situation avant de choisir les outils adaptés à la situation.
Analyser la situation
Préalablement à toute transmission de patrimoine, il faut procéder à l’analyse juridique et fiscale de la situation.
Tout d’abord, il faut tenir compte de la situation matrimoniale du donateur, le nombre de ses enfants, le lien de parenté entre celui-ci et le ou les donataires, ainsi que les éventuelles donations ayant déjà été réalisées.
Il faudra aussi procéder à une évaluation du patrimoine du donateur.
En effet, de ces éléments dépendront l’existence et le montant de la réserve héréditaire, le taux d’imposition et le montant des abattements fiscaux.
Il faudra également de procéder à une analyse juridique des biens donnés afin de vérifier qu’il n’existe aucune restriction à la donation (réserve d’usufruit, engagement de conservation du bien, location des biens…).
Enfin, un dialogue sera nécessaire entre le donataire et les donataires afin d’anticiper les projets de chacun.
Par exemple, si le donateur a 2 descendants, l’un souhaitant reprendre l’exploitation et l’autre ayant d’autres projets professionnels et personnels (achat d’une maison, création d’une entreprise…), il serait certainement intéressant de transmettre l’exploitation au repreneur et de donner à l’autre héritier tout ou partie du foncier, lequel serait préalablement loué à l’exploitant.
Ainsi, ce dernier possédera tous les outils nécessaires à son installation alors que l’autre descendant percevra les fermages qu’il utilisera pour développer ses projets personnels.
Utiliser les outils adaptés
Le législateur a mis de nombreux outils au service de la transmission du patrimoine au profit des descendants et de la transmission des entreprises de manières générales, et des exploitations agricoles en particulier.
D’une part, l’article 779 du Code Général des impôts accorde un abattement de 100.000€ tous les 15 ans par enfant, lors de donation ou succession.
Cet avantage fiscal peut être cumulé avec celui de l’article 790 G du même code, qui prévoit un abattement de 31.865 euros par enfant en cas de donation de somme d’argent.
Afin de favoriser les transmissions d’entreprises, le législateur a mis en place le célèbre « Pacte Dutreil ».
Ainsi l’article 787 B du Code Général des impôts prévoit une exonération de 75% des droits de mutation lors de donation de parts sociales d’une société professionnelle.
Conscient des spécificités agricoles, le législateur a également mis en place des dispositifs favorisant la transmission des exploitations.
A cet effet, l’article 793 du même code prévoit une exonération de 75% des droits de mutation lors de la transmission à titre gratuit des parts sociales d’un Groupement Foncier Agricole (GFA) ou d’un groupement forestier, dont les terres sont louées par bail à long terme.
De même, la loi prévoit une exonération de 75% de la fiscalité lors de la transmission à titre gratuit des terres louées par bail à long terme (art. 793 Code Générale des Impôts).
Toutes ces exonérations constituent une palette d’outils que l’on peut utiliser ou non au gré des circonstances afin de réduire le coût fiscal des donations.
Sécuriser la transmission
La première étape primordiale pour sécuriser la transmission de son patrimoine consiste à impliquer les donataires, son éventuel conjoint ou partenaire et l’ensemble de ses héritiers afin de prendre en compte leurs avis et d’éviter toute incompréhension et malentendu qui pourraient déboucher sur un contentieux familial et/ou judiciaire.
Pour sécuriser la transmission de son patrimoine, il est également important d’anticiper la nature des donations projetées.
En effet, aux termes de l’article 843 du Code civil, les donations faites au profit d’un héritier sont rapportables, c’est-à-dire qu’au jour du décès du donateur, le bien donné sera imputé sur la part revenant au donataire.
Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation (Art. 860 Code Civil).
Il pèse donc un risque sur le donataire, qui accepte une donation sans savoir ses incidences sur ses droits sur la succession future.
Il est cependant possible de déroger à ces règles du rapport et des réductions des donations, à condition de l’avoir prévu dans les actes de donation.
Avant toute transmission de son patrimoine, le donateur devra également veiller à continuer de percevoir tout ou partie des revenus de son patrimoine pour lui garantir un certain niveau de vie et d’anticiper le coût de la fin de sa vie.
De même, il est important de penser à protéger le conjoint survivant (domicile, maison de retraite, frais de santé etc.), notamment en présence d’enfants d’un premier lit.
Cette brève prospective révèle que s’il existe de nombreuses possibilités, pour organiser, optimiser et sécuriser la transmission du patrimoine, chaque situation est unique et nécessite une analyse détaillée afin d’éviter les nombreux écueils et les risques de contentieux.
Alexandre DUCROCQ
Avocat
SCP NONNON & FAIVRE
www.nonnonfaivre-avocats.fr
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