Protection de la maternité contre le licenciement : les apports de la Jurisprudence

Publié le 07/01/2016 Vu 4 085 fois 0
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La salariée enceinte bénéficie d’une protection contre le licenciement qui s’étend au-delà de son retour de congé maternité. (Articles L.1225-4 et L.1225-4-1 du Code du travail). Les contours de la protection contre le licenciement (I), ainsi que les sanctions en cas de violation des règles protectrices (II) sont précisés au fil de la Jurisprudence.

La salariée enceinte bénéficie d’une protection contre le licenciement qui s’étend au-delà de son ret

Protection de la maternité contre le licenciement : les apports de la Jurisprudence

La salariée enceinte bénéficie d’une protection contre le licenciement qui s’étend au-delà de son retour de congé maternité (Articles L.1225-4 et L.1225-4-1 du Code du travail). Les contours de la protection contre le licenciement (I), ainsi que les sanctions en cas de violation des règles protectrices (II) sont précisés au fil de la Jurisprudence. 

       I.  La salariée enceinte bénéficie de plusieurs périodes de protection

1/ avant et après le congé maternité : interdiction de licencier sauf pour deux motifs

Hypothèse 1 : l’employeur a connaissance de la grossesse

Dès lors que l’employeur a connaissance de la grossesse d’une salariée, il ne peut licencier la salariée pendant la période qui précède le congé maternité.

Par exception, le licenciement est cependant possible, si l’employeur justifie :

  • D’une faute grave non liée à la grossesse
  • Ou de l’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif non lié à la grossesse, à l’accouchement ou l’adoption

Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve des motifs du licenciement.

Exemple d’une faute grave non liée à la grossesse : le fait pour la salariée de porter des accusations mensongères de harcèlement à l’encontre de son supérieur hiérarchique constitue une faute grave justifiant le licenciement. (Cass. Soc. 28 Janvier 2015 n°13-22378).

Exemple de l’impossibilité de maintenir le contrat de travail de travail pour un motif non lié à la grossesse, à l’accouchement ou l’adoption : un motif économique. Toutefois, la Cour de Cassation exige que les motifs soient clairement précisés. Ainsi, le seul énoncé dans la lettre de licenciement des motifs économiques n’est pas suffisant. (Cass. Soc. 10 mai 2012 n°10-28.510).

Le redressement judiciaire de l’entreprise ne suffit pas à caractériser l’impossibilité de maintenir le contrat. (Cass. Soc. 28 septembre 2004 n°02-40.055).

En dehors de ces deux motifs, tout licenciement est exclu. (Article L.1225-4 du Code du travail).

Pour bénéficier de cette protection, la salariée doit informer son employeur de sa grossesse en lui remettant un certificat médical attestant de son état et de la date présumée de son accouchement. (Article R. 1225-1 du Code du travail).

Le certificat doit être adressé en RAR ou remis contre récépissé.

Si la salariée n’a pas encore adressé le certificat médical de grossesse et est licenciée : elle peut toutefois contester le licenciement en démontrant que l’employeur avait connaissance de son état de grossesse avant le licenciement.

La salariée est protégée même si elle se trouve en congé parental pour une précédente grossesse. (Cass. Soc. 4 Février 1988 n°86-40044).

Cette protection dite relative (interdiction de licencier sauf pour deux motifs) perdure pendant les 4 semaines qui suivent l’expiration du congé maternité.

Hypothèse 2 : l’employeur notifie le licenciement sans avoir connaissance de la grossesse

Si l’employeur ignore l’état de grossesse de la salariée et lui notifie son licenciement ; la salariée peut encore faire annuler cette mesure, à la condition d’envoyer un certificat médical de grossesse dans les 15 jours qui suivent la notification de son licenciement.

Le licenciement est alors nul de plein droit, sauf si le licenciement a été prononcé pour faute grave non liée à la grossesse ou pour impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif non lié à la grossesse ou à l’accouchement. (Article L.1225-5 du code du travail et R. 1225-2).

Hypothèse 3 : la salariée se retrouve enceinte après le licenciement

La jurisprudence considère que le licenciement est nul même si la salariée s’est retrouvée enceinte après le licenciement (Cour de cass. 2 Juillet 2014 n°13-12496).

Pour être annulé, la salariée dispose d’un délai de 15 jours à compter de la notification de son licenciement pour adresser à son employeur le certificat de grossesse.

2/ pendant le congé maternité : une interdiction absolue de licencier

Pendant toute la durée du congé maternité, l’employeur ne peut en aucun cas rompre le contrat de travail de la salariée.

L’employeur ne peut donc pas licencier la salariée même pour un motif valable.

La salariée bénéficie de cette protection pendant toute la durée théorique du congé maternité, même si elle a repris le travail avant la fin de son droit à congé.

  1. Sanction en cas de non-respect de la protection : le licenciement est nul

1/ le droit de la salariée à réintégrer son poste de travail 

Le licenciement prononcé en méconnaissance de la protection dont bénéficie la salariée est sanctionné par la nullité.

La salariée peut donc demander à être réintégrée dans son emploi ou à défaut, dans un emploi équivalent. Dès lors que la salariée en fait la demande, la réintégration est alors pour l’employeur obligatoire. (Cass. Soc. 30 avril 2003 n°00-44.811).

Si la salariée ne sollicite pas la réintégration, elle peut réclamer les indemnités dues au titre de la nullité du licenciement (voir ci-après).

2/ « l’obligation » pour la salariée d’accepter l’offre de réintégration

Lorsque l’employeur apprend la grossesse, il doit renoncer à sa décision de licencier la salariée et lui proposer de réintégrer son poste de travail.

Si l’employeur informe immédiatement la salariée de l’annulation du licenciement, le refus de la salariée de reprendre son poste la rend responsable de la rupture du contrat de travail. (Cass. Soc. 8 mars 1984 n°81-42.140).

3/ le refus légitime de l’offre de réintégration et l’annulation du licenciement

Toutefois, la salariée peut légitimement refuser de réintégrer son poste si :

  • L’employeur avait connaissance de son état de grossesse lorsqu’il a mis en œuvre le licenciement (Cass. 13 mars 1990 n°87-41.534)
  • Si la proposition de l’employeur de renoncer au licenciement est formulée de manière tardive (Cass. Soc. 6 octobre 2008 n°07-41.927)

Il est donc impératif pour l’employeur de procéder à la réintégration dans les plus brefs délais.

L’employeur doit proposer la réintégration à la salariée au plus vite, même si la salariée a saisi la Justice afin d’obtenir l’annulation du licenciement et l’octroi de dommages et intérêts. (Cour de cass. 6 octobre 2010 n°08-43171)

Si l’employeur tarde, la salariée peut légitimement refuser la réintégration et réclamer :

  • les indemnités de rupture (indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, indemnité de préavis…)

  • une indemnité en raison du licenciement illicite au moins égale à 6 mois de salaires (Cour de cass. 6 octobre 2010 n°08-43171)

  • les salaires qu’elle aurait perçus pendant toute la période de protection : période qui s’achève 4 semaines après la fin du congé maternité (L.1225-71 du Code du travail)

C’est ce que vient récemment de rappeler la Cour de Cassation dans un arrêt du 15 décembre 2015 n°14-10522.

Dans cet arrêt la Cour de Cassation précise que :

  • le Juge doit apprécier le caractère tardif de la décision de réintégrer la salariée au regard de la connaissance par l’employeur de son état de grossesse et non à l’expiration du préavis. Au cas présent, l’employeur avait attendu un mois et demi avant de proposer à la salariée la réintégration. Bien que la salariée était encore en préavis au moment de la proposition, ce délai a été considéré comme tardif

  • la salariée a droit aux salaires qu’elle aurait perçus pendant toute la durée de la période de protection (et non pas jusqu’à l’offre de réintégration faite par l’employeur)

  • l’absence de la visite de reprise à l’issue du congé maternité n’a pas pour effet de différer la période de protection

Le paiement des salaires dus pendant la période de protection, constitue pour l’employeur une obligation impérative.

Les salaires sont dus en totalité même en l’absence de préjudice. (Cass. Soc. 16 juillet 1987 n°84-45052). Le fait que la salariée ait retrouvé un emploi est sans incidence. Les Juges n’ont pas à rechercher si la salariée a perçu des salaires ou d’autres revenus après son licenciement. (Cass. 7 nov. 2006 n°05-42.413).

Les salaires sont également dus par l’employeur même lorsque la salariée a perçu des indemnités journalières de la sécurité sociale. (Cass. Soc. 27 mars 1996).

Il est à noter que si la salariée refuse l’offre de réintégration, l’employeur doit alors mettre en œuvre une procédure de licenciement. En effet, la salariée ne peut être considérée comme démissionnaire. (Cass. Soc. 3 Février 2010 n°08-45.105).

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