LE DROIT DE SE TAIRE (gardes à vue, auditions libres, audiences de jugement), OUI MAIS POUR QUOI FAIRE ?
Depuis la loi du 27 mai 2014 (portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales) et afin de répondre à un objectif d’harmonisation du droit français avec le droit européen, diverses dispositions du procédure pénale ont été modifiées.
L’une d’entres elles, et pas des moindres, le droit de se taire reconnu à toute personne soupçonnée ou jugée durant toutes les phases de la procédure.
- Lors d’une l’audition libre (art. 61-1) : « La personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être entendue librement sur ces faits qu'après avoir été informée (…) du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ».
- Lors des procédures d’exécution (art. 803-6 nouveau) : « Toute personne suspectée ou poursuivie soumise à une mesure privative de liberté en application d'une disposition du présent code se voit remettre, lors de la notification de cette mesure, un document énonçant, dans des termes simples et accessibles et dans une langue qu'elle comprend, les droits suivants, dont elle bénéficie au cours de la procédure en application du présent code : (…) 2° Le droit, lors des auditions ou interrogatoires, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ».
- A propos du témoin assisté (art. 113-4), le juge d’instruction doit l’aviser de « son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire (…) ».
- A propos de la mise en examen puis des interrogatoires (art. 116), le juge d’instruction doit aviser la personne concernée « de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ».
- A propos de l’interrogatoire de l’accusé devant la cour d’assises (art. 328), le président doit « l'avoir informé de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ».
- Lors des audiences correctionnelles et avant même de procéder à l’interrogatoire du prévenu, le Président l’informe de la même manière, de son droit de se taire.
SE TAIRE, OUI MAIS POUR QUOI FAIRE ?
- Ne pas être obligé de s’exprimer. L’époque de la recherche primordiale de l’aveu est révolue. Sauf à revenir aux méthodes d’autrefois qu’étaient la violence physique ou la forte pression psychologique, personne ne peut contraindre quelqu’un à parler.
- En raison de la présomption d’innocence. Dans notre système juridique, quand une personne est soupçonnée d’avoir commis une infraction, c’est à la partie poursuivante donc au Parquet, de démontrer sa culpabilité, et non à elle de prouver son innocence.
- En raison du droit de ne pas s’auto-incriminer. Autrement, la possibilité de ne pas « se tirer une balle dans le pied » avant même que l’avocat ait pu avoir accès au dossier, l’analyser et par la suite, établir une bonne défense.
Attention, le droit de se taire ne signifie pas le droit de mentir.
Le droit de se taire, c’est le droit de ne rien dire. Mentir, c’est dire le contraire de la vérité, ce qui n’est pas la même chose !!!
Dans une stratégie de bonne défense, mieux vaut se taire plutôt que de dire quelque chose de faux, qui, une fois acté sur un procès-verbal, suivra la personne mise en cause, tout au long de la procédure.
Pareillement lors d’une audience correctionnelle, il peut être stratégiquement recommandé par l’avocat, de faire usage de ce droit, notamment lorsque celui-ci entend faire valoir des vices de procédure avant toute défense au fond.
Ainsi donc, si le tribunal fait droit aux exceptions de nullités, le fait de se taire limitera le juge des possibilités de requalification d’infraction que la loi autorise. Ceci est essentiellement vrai en matière de délits routiers (alcool au volant / conduite en ayant fait usage de produits stupéfiants).
Enfin, se taire étant un droit, aucun juge ne fera le reproche ou dans le cadre de son délibéré, ne tiendra rigueur au prévenu d’en faire usage. A condition bien sûr, que cela fasse partie d’une défense soigneusement étudiée par un avocat.