En juillet 2005, la société maltaise Zeturf demandait au ministre de l’Agriculture d’abroger l’article 27 du décret de 1997 (relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel), conférant au PMU un monopole pour la gestion des paris hippiques hors hippodromes.
En l’absence de réponse, la société Zeturf a saisi le Conseil d’Etat, lequel - à la demande de cette même société - a introduit deux questions préjudicielles auprès de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) par décision du 9 mai 2008, portant sur l’interprétation des articles 49 CE et 50 CE.
Les questions posées étaient les suivantes :
1) "Les articles [49 CE] et [50 CE] doivent-ils être interprétés comme s’opposant à une réglementation nationale qui consacre un régime d’exclusivité des paris hippiques hors hippodromes en faveur d’un opérateur unique sans but lucratif laquelle, si elle semble propre à garantir l’objectif de lutte contre la criminalité et ainsi de protection de l’ordre public d’une manière plus efficace que ne le feraient des mesures moins restrictives, s’accompagne pour neutraliser le risque d’émergence de circuits de jeu non autorisés et canaliser les joueurs vers l’offre légale d’une politique commerciale dynamique de l’opérateur qui n’atteint pas en conséquence complètement l’objectif de réduire les occasions de jeu ?"
2) "Convient-il, pour apprécier si une réglementation nationale telle que celle en vigueur en France, qui consacre un régime d’exclusivité de gestion du pari mutuel hors hippodromes en faveur d’un opérateur unique sans but lucratif, contrevient aux articles [49 CE] et [50 CE], d’apprécier l’atteinte à la libre prestations de services du seul point de vue des restrictions apportées à l’offre de paris hippiques en ligne ou de prendre en considération l’ensemble du secteur des paris hippiques quelle que soit la forme sous laquelle ceux-ci sont proposés et accessibles aux joueurs ?"
La CJUE a statué sur ces questions le 30 juin 2011.
Sur la première question, la CJUE a répondu :
« L’article 49 CE doit être interprété dans ce sens:
a) un État membre cherchant à assurer un niveau de protection particulièrement élevé des consommateurs dans le secteur des jeux de hasard peut être fondé à considérer que seul l’octroi de droits exclusifs à un organisme unique soumis à un contrôle étroit des pouvoirs publics est de nature à permettre de maîtriser les risques liés audit secteur et de poursuivre l’objectif de prévention de l’incitation à des dépenses excessives liées aux jeux et de lutte contre l’assuétude au jeu d’une façon suffisamment efficace;
b) il incombe à la juridiction de renvoi [ici, le Conseil d’Etat] de vérifier que:
- les autorités nationales visaient véritablement, au moment des faits au principal, à assurer un tel niveau de protection particulièrement élevé et que, au regard de ce niveau de protection recherché, l’institution d’un monopole pouvait effectivement être considérée comme nécessaire, et
- les contrôles étatiques, auxquels les activités de l’organisme bénéficiant des droits exclusifs sont en principe soumises, sont effectivement mis en œuvre de manière cohérente et systématique dans la poursuite des objectifs assignés à cet organisme;
c) afin d’être cohérente avec les objectifs de lutte contre la criminalité ainsi que de réduction des occasions de jeu, une réglementation nationale instituant un monopole en matière de jeux de hasard doit:
- reposer sur la constatation selon laquelle les activités criminelles et frauduleuses liées aux jeux et l’assuétude au jeu constituent un problème sur le territoire de l’État membre concerné auquel une expansion des activités autorisées et réglementées serait de nature à remédier, et
- ne permettre la mise en œuvre que d’une publicité mesurée et strictement limitée à ce qui est nécessaire pour canaliser les consommateurs vers les réseaux de jeu contrôlés. »
S’agissant de la seconde question, la CJUE retient que pour « apprécier l’atteinte à la libre prestation des services par un système qui consacre un régime d’exclusivité pour l’organisation des paris hippiques, il incombe aux juridictions nationales de tenir compte de l’ensemble des canaux de commercialisation substituables de ces paris, à moins que le recours à Internet n’ait pour conséquence d’aggraver les risques liés aux jeux de hasard concernés au-delà de ceux existants en ce qui concerne les jeux commercialisés par des canaux traditionnels. En présence d’une réglementation nationale qui s’applique de la même manière à l’offre de paris hippiques en ligne et à celle effectuée par des canaux traditionnels, il convient d’apprécier l’atteinte à la libre prestation des services du point de vue des restrictions apportées à l’ensemble du secteur concerné ».
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Benjamin JACOB
Cabinet PDGB
benjamin.jacob@pdgb.com