L’utilisation des moyens informatiques de l’entreprise par ses salariés est, de longue date, sujette à de nombreuses jurisprudences et articles de doctrines. Rappelons que s’il peut sembler évident qu’un salarié ne peut pas faire ce qu’il veut avec l’ordinateur et la connexion à internet mis à sa disposition par son employeur, tout n’est pas si simple pour l’employeur lorsque le salarié en abuse.
En effet, il est généralement admis par la jurisprudence qu’un salarié peut, dans la mesure du raisonnable, faire une utilisation personnelle des moyens informatiques mis à sa disposition. Reste que lorsqu’un tel usage dépasse la limite du raisonnable, voire se contente d’embarrasser l’employeur, celui-ci, s’il entend licencier son salarié, devra impérativement avoir respecté un certain nombre de règles. Notamment, l’employeur devra avoir préalablement et individuellement informé ses salariés du fait que des dispositifs de contrôle de l’utilisation des moyens informatiques sont mis en place dans l’entreprise, et consulté les représentants du personnel (délégués du personnel ou comité d’entreprise).
Par ailleurs, ces moyens de contrôle devront avoir été déclarés à la CNIL, dès lors qu’ils impliquent un traitement de données à caractère personnel au sens de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978.
Au vu de ces obligations, dont le non-respect peut tout à fait remettre en cause la validité d’un licenciement motivé par l’utilisation abusive des moyens informatiques de l’entreprise, il est le plus souvent recommandé à l’employeur de mettre une charte informatique, laquelle sera intégrée au règlement intérieur de l’entreprise.
L’adoption d’une telle charte s’avère d’autant plus opportune à la lecture des arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation le 8 décembre 2009 (pourvoi n° 08-42097), puis le 15 décembre 2010 (n° de pourvoi 09-42691).
Ainsi, dans son arrêt du 8 décembre 2009, la Cour de cassation a considéré que la seule conservation par le salarié, sur son poste informatique, de trois fichiers contenant des photos à caractère pornographique (sans caractère délictueux) ne constituait pas, en l’absence de constatation d’un usage abusif affectant son travail, un manquement du salarié aux obligations résultant de son contrat susceptible de justifier son licenciement. Dans cette affaire, des notes de services proscrivaient pourtant ce type de fichiers, mais aucune charte informatique n’avait été mise en place.
Un an plus tard, dans une affaire sensiblement différente, puisqu’une charte informatique interdisait le téléchargement de fichiers pornographiques, la Cour de cassation a, cette fois, considéré que l’utilisation de la messagerie professionnelle pour la réception et l’envoi de fichiers à caractère pornographique et la conservation sur son disque dur de tels fichiers, constituent un manquement délibéré et répété du salarié à l’interdiction posée par la charte informatique mise en place dans l’entreprise et intégrée au règlement intérieur. La Cour en conclut que les juges du fond ont pu valablement considérer que ces agissements sont constitutifs d’une faute grave justifiant le licenciement immédiat de l’intéressé.
L’intérêt de la charte informatique ne fait dès lors pas de doute. Sa rédaction devra évidemment être minutieuse et ne devra pas se contenter d’interdire le téléchargement ou l’envoi de fichiers pornographiques. Propos diffamatoires, téléchargement illégal, incitation à la violence ou à haine raciale – cette énumération n’étant pas exhaustive - sont autant d’éléments à prévoir pour préserver les intérêts de l’entreprise.
Benjamin JACOB
Cabinet PDGB
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