Le tribunal des conflits dans le système judicaire algérien

Publié le Modifié le 24/06/2017 Vu 8 160 fois 1
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L'article traite du tribunal des conflits dans le système judiciaire algérien

L'article traite du tribunal des conflits dans le système judiciaire algérien

Le tribunal des conflits dans le système judicaire algérien

Très souvent le justiciable est confronté à un dilemme quand la nature du litige susceptible d’être porté devant la justice soulève des difficultés au niveau de l’ordre de juridiction compétent pour le juger.Faut-il assigner son adversaire devant le juge appartenant à l’ordre judicaire c'est-à-dire devant l’une des sections du tribunal ou bien l’affaire est-elle du ressort de l’ordre administratif (tribunal administratif ou Conseil d’Etat)?S’il ya erreur sur le choix de la juridiction compétente le demandeur aura créé à son corps défendant un conflit de compétence et risquera de se retrouver dans un labyrinthe de procédures. Il aura alors à gérer un long et couteux procès qui ne s’achèvera  que lorsqu’une décision sera rendue sur ce  conflit.La juridiction chargée de résoudre ce genre de situation  est  le tribunal des conflits.

Avant d’aborder les mécanismes de règlement des conflits de compétence applicables devant  le tribunal des conflits  qui n’a été créé en Algérie qu’en 1996 , il est utile de revenir sur les règles en vigueur avant cette date.

Posons d’abord un cas concret qui soulève un conflit  de compétence et qu’a dû trancher récemment le tribunal des conflits :

Pour réaliser un projet d’utilité publique financé sur concours définitif de l’Etat, la société nationale de l’électricité et du gaz (Sonelgaz) qui est une entreprise publique à caractère économique et commerciale créée sous forme de société par actions , a érigé des pylônes   portant des câbles électriques à haute tension sur un terrain appartenant à un particulier sans l’accord de ce dernier. Le propriétaire du terrain , et à bon droit , décide d’intenter une action en indemnisation contre cette société en réparation du préjudice causé par l’occupation de son terrain.La question qui se posait en matière de compétence était de fixer l’ordre de juridiction compétent.Cette action en indemnisation doit-elle être portée devant la juridiction  de l’ordre judiciaire c'est-à-dire la section foncière ou civile du tribunal du moment qu’elle est intentée par un particulier contre une société à caractère commercial quant bien elle est une entreprise publique, ou au contraire doit-elle être portée devant un tribunal administratif du moment qu’il s’agit d’une entreprise publique et que les pylônes mis en cause ont été érigés dans le cadre d’un projet d’utilité publique financé sur concours définitif de l’Etat ?  

Dans cet exemple plusieurs cas de figure en relation avec la compétence peuvent se présenter.

A supposer que le propriétaire du terrain décide de porter l’affaire devant le tribunal  de l’ordre judiciaire et que ce dernier maintient sa compétence et tranche le fond litige , la question du conflit de compétence ne se pose pas à ce niveau et il y aura lieu au cas où le jugement intervenu ne convient pas à l’une des parties d’utiliser les voies de recours habituels (opposition, appel, pourvoi en cassation).

Par contre si le tribunal saisi se déclare incompétent au motif que le litige a un caractère administratif au motif par exemple que les pylônes en cause ont été réalisés dans le cadre d’un projet d’utilité publique , le demandeur débouté aura deux options : il peut faire appel de ce jugement devant la cour d’appel pour faire censurer cette décision.Si la cour d’appel à son tour suit l’avis du tribunal et confirme l’incompétence il restera au demandeur la voie du pourvoi en cassation devant la Cour suprême.Mais si la Cour suprême rejette le pourvoi   confirmant ainsi le jugement d’incompétence, il ne restera plus au demandeur que de réassigner son adversaire devant le tribunal administratif. L’autre option est qu’au lieu de faire appel de la décision du tribunal civil , il pourra directement saisir le tribunal administratif ce qui lui fera gagner du temps mais dans ce cas de figure il faudrait attendre que le jugement du tribunal soit définitif et non susceptibles des voies de recours.

Le problème peut donc être résolu en recourant à la juridiction que le premier juge a considéré comme étant seule compétente c'est-à-dire dans notre exemple le tribunal administratif .Mais le conflit peut persister. Dans l’exemple cité et à supposé même que la décision d’incompétence de la juridiction de l’ordre judicaire a été confirmée par la Cour suprême donc devenue irrévocable, le tribunal administratif saisi du même litige  n’est absolument pas tenu d’appliquer la décision de la Cour suprême et peut à son tour déclarer son incompétence  au motif que  le litige est de nature civile du moment que pylônes électriques ont été réalisés par  une entreprise publique à caractère commerciale. Dans un pareil cas  , le demandeur ne peut plus revenir devant la juridiction de l’ordre judicaire puisque une décision irrévocable d’incompétence est déjà intervenue et de ce fait il ne pourra donc qu’utiliser les voies de recours contre la décision du tribunal administratif c’est à dire l’appel devant le Conseil d’Etat ( anciennement  devant la chambre administrative de la cour suprême).Si le Conseil d’Etat censure la décision du tribunal administratif et maintient sa compétence, le conflit de compétence sera ainsi réglé. Mais dans l’hypothèse où le Conseil d’Etat  confirme la décision d’incompétence du tribunal administratif, naîtra  alors  un conflit qu’il faudra résoudre sous peine de déni de justice car le justiciable ici n’a plus aucune juridiction à sa disposition pour faire valoir ses droits. Il s’agit dans notre exemple d’un conflit négatif de compétence puisque les deux ordres de juridiction se sont déclarés incompétents. Nous verrons que les  deux ordres de juridictions peuvent se déclarés non pas incompétents mais au contraire compétents pour trancher le litige, ce qui peut provoquer des décisions contradictoires .Il s’agit dans ce cas de conflit positif de compétence ou de contrariété des décisions .Ces conflits sont actuellement réglés par le tribunal des conflits mais sous l’ancien système où seul un seul ordre de juridiction existait ,la résolution de ces conflits posait problème à cause d’un vide juridique que la doctrine a essayé en vain de combler.

1- La résolution du conflit de compétence avant la création du tribunal des conflits

C’est la  constitution de 1996 qui a supprimé le système de l’unité juridictionnelle et a institué le système du dualisme juridictionnel , ce qui a eu pour conséquence la création du tribunal des conflits chargé de résoudre les conflits de compétence entre les juridictions relevant de l’ordre judicaire et les juridictions relevant de l’ordre administratif.Avant cette date le règlement de ces conflits relevait de procédures particulières et non moins laborieuse contenues dans l’ancien code de procédure civile de 1966.

L’ancien code de procédure civile de 1966  comme d’ailleurs le nouveau code de procédure civile et administrative de 2008 a retenu le critère organique pour fixer la compétence de la juridiction de l’ordre administratif , aussi les conflits de compétence  entre les tribunaux civils et les tribunaux administratifs sont rares mais pas inexistants. Ainsi la compétence d’une chambre administrative d’une cour ( actuellement le tribunal administratif) pouvait entrer en concurrence avec le tribunal civil ou une autre chambre de la cour statuant par exemple en matière sociale.

Comme nous l’avons souligné, l’utilisation  des voies de recours ordinaires ou extraordinaires  contre l’une ou l’autre des décisions peut résoudre ce conflit.Mais souvent ces recours ne règlent pas le problème.Ainsi Si le conflit opposait la chambre administrative de la Cour suprême  avec un tribunal civil ou une chambre de la cour ou plus encore si le conflit oppose la chambre administrative de la Cour suprême  avec  les autres chambres de la même Haute Cour, le mécanisme de résolution de ces conflits n’a pas été détaillé par l’ancien   code de procédure civile. Pour combler ce vide juridique certains jurisconsultes ont proposé des solutions qui  étaient loin de résoudre le problème.

Ainsi le professeur Ahmed Mahiou proposa le recours  à la procédure de règlement des juges de l’ancien article 207 du code de procédure civile pour régler les conflits du premier palier c’est à dire opposant la chambre administrative de la cour aux autres chambres  ou la chambre administrative de la Cour suprême aux  chambres civiles de la cour.Cette solution n’était pas satisfaisante et n’était pas conforme ni à la lettre ni à l’esprit de l’article 207 car cette disposition n’autorise le règlement des juges   que pour les juridictions « de même ordre » ce qui exclut le conflit  opposant deux ordres différents (l’ordre administratif et l’ordre judicaire). Le même problème se posait en cas de conflit avec la chambre administrative de la Cour suprême. Là encore la doctrine proposait la même solution ,c'est-à-dire le recours à la procédure de règlement des juges mais du fait qu’il n’existe pas de juridiction supérieure à la Cour suprême, cette dernière serait juge et partie de sa propre cause.

Le conflit de compétence pouvait aussi opposer  la chambre administrative de la Cour suprême aux autres chambre de la même Haute Cour.Là aussi ce qui est proposé par la doctrine c’est à dire la résolution du conflit par le recours aux chambres réunies  ou  aux chambres mixtes n’est pas convaincant et ce en l’absence d’une disposition légale expresse autorisant ce mécanisme.

Pour notre part nous pensons que le recours à l’article 300 de l’ancien code de procédure civile était plus à même de régler ces conflits puisqu’il disposait que :«  la demande en règlement de juges  entre juridictions n’ayant au dessus d’elles  aucune juridiction commune autre que le Cour suprême est recevable dans un délai d’un mois à compter de la notification de la dernière décision ». Enfin il faut signaler que l’article 34 de la loi du 3 juin 1998 instituant le tribunal des conflits dispose expressément qu’à titre transitoire  et en attendant la mise en place de ce tribunal ,les conflits de compétence demeurent régis par les dispositions  du code de procédure civile relative aux règlement des juges.Il n’en demeure pas moins qu’en l’absence d’autres dispositions  expresses propres au conflit de compétence entre les deux ordre de juridictions, l’article 300 était pratiquement inapplicable.

Aussi c’est avec soulagement que les praticiens du droit notamment les avocats ont accueilli la promulgation de la loi du 3 juin 1998 qui institua un tribunal chargé spécialement de régler ce genre de conflits : LE TRIBUNAL DES CONFLITS

2- la résolution des conflits de compétence devant le tribunal des conflits

Créé lors de la révision constitutionnelle intervenue en 1996, le tribunal des conflits a été institué par  l’article 152 de la constitution et mis en œuvre par la loi organique n° 98-03 du 3 juin 1998.Le tribunal des conflits est une juridiction paritaire qui a pour mission de résoudre les conflits de compétence entre les juridictions de l’ordre judiciaire et les juridictions de l’ordre administratif.Cette loi du 3 juin 1998 est très largement inspirée de loi française du 24 mai 1872 modifiée et complétée mais le législateur algérien a innové en prenant en compte les critiques formulées à l’encontre système français de règlement des conflits de compétence.

Alors que les parties peuvent indistinctement lever le conflit au tribunal des conflits quelle que soit la nature du conflit ( positif ou négatif), la loi française du 24 mai 1872 ne permet l’élévation du conflit positif qu’au profit du représentant de l’Etat.Et si la loi algérienne ,dans un souci d’équité et d’impartialité a confié la présidence du tribunal des conflits à un magistrat , en France ce tribunal était présidé par le garde des sceaux (vestige de la justice retenue et d’une époque où il s’agissait essentiellement en France de protéger l’administration contre les empiètements du juge judiciaire ) ,et il  a fallu attendre en France la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation de la justice  pour que la présidence du tribunal soit confié à un magistrat.

2-1- Règles d’organisation et de fonctionnement du tribunal des conflits

Le tribunal des conflits est composé de sept magistrats dont le président ,tous soumis au statut de la magistrature.Ils sont nommés par le Président de la République sur proposition du ministre de la justice après avis du Conseil supérieur de la magistrature ,de  moitié parmi les magistrats de la Cour suprême et de moitié parmi les magistrats du Conseil d’Etat. Quant au président du tribunal des conflits, il est nommé par le  Président de la République  pour une période de trois ans parmi les sept magistrats alternativement parmi les magistrats de la Cour suprême  ou  du Conseil d’Etat.Un commissaire d’Etat  et un commissaire d’Etat-adjoint sont aussi nommés selon la même forme  pour une durée de 3 ans.

Pour délibérer valablement le tribunal des conflit doit comprendre au moins 5 membres dont 2 relevant de la Cour suprême et 2 relevant du Conseil d’Etat, et en cas d’empêchement du président le tribunal de conflits est présidé par le magistrat le plus ancien.Ses décisions sont prises à la majorité des voix .En cas de partage des voix, la loi du 3 juin 1998 a prévu un mécanisme particulier qui évite un blocage  : la voix du président est prépondérante.

2-2-Mode de règlement des conflits

La procédure de règlement des conflits  prévue par la loi organique du 3 juin 1998 joue dans 4 cas distincts : conflit négatif , conflit positif,contrariété des décisions et conflit sur renvoi.

2-2-1-conditions de saisine du tribunal des conflits

Comme son nom l’indique le tribunal des conflits ne peut être  saisi que des questions se rapportant à des conflits de compétence ( article 15)

 L’article 16 alinéa 1 donne une définition du conflit de compétence : « Il ya conflit de compétence lorsque deux juridictions, l’une de l’ordre judicaire, l’autre de l’ordre administratif se sont déclarées soit compétentes, soit incompétentes pour juger un même litige ». La notion de même litige a été définie par le même article dans son alinéa 2 : « Il y a même litige lorsque les mêmes parties agissent en la même qualité dans les deux instances, la demande est fondée sur la même cause et la question posée au juge est identique ».

L’article 17 alinéa 1 dispose de son coté que :«  le tribunal des conflits peut-être saisi par toute partie intéressée dans les deux mois à compter du jour où la dernière en date des décisions n’est plus susceptible d’aucun recours devant les juridictions ,soit de l’ordre administratif ,soit de l’ordre judicaire ».

La loi organique du 3 juin 1998 a aménagé une procédure particulière  qui permet au juge de saisir lui-même le tribunal des conflits s’il estime que sa propre décision  entrainerait une contrariété de décision de justice. En vertu de l’article 18 : « Si dans une instance, le juge saisi constate qu’une juridiction s’est déjà  déclarée compétente ou incompétente et que sa propre décision entrainerait une contrariété de décision de justice de deux ordre différents, il renvoie par décision motivée qui n’est susceptible d’aucun recours, au tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence. »

Une abondante jurisprudence du tribunal des conflits a clarifié les conditions  de recevabilité du recours en règlement du conflit de  compétence prévu par les articles 15 à 18 de la loi organique du 3 juin 1998.

2-2-2-Le tribunal des conflits n’intervient pas dans les conflits de compétence entre les juridictions relevant d’un même ordre

En vertu de l’article 3 de la loi du 3 juin 1998 :«  le tribunal des conflits est compétent pour le règlement des conflits de compétence entre les juridictions relevant de l’ordre judicaire et les juridictions relevant de l’ordre administratif » .Pour conforter cette règle impérative l’alinéa 2 de la même loi dispose que : « le tribunal des conflits  ne peut intervenir dans les conflits de compétence entre les juridictions relevant d’un même ordre ».

Cette condition de recevabilité du recours  en conflit de compétence  est d’ordre public et est soulevé par le  tribunal des conflits d’office. Ainsi a été rejeté le recours  tendant à censurer un arrêt du Conseil d’Etat et annuler la  décision de licenciement au motif qu’un tel recours ne rentre pas dans la définition de l’article 3 de la loi du 3 juin 1998 (TC, 16/03/2008 ,dossier n° 54, L.M c/direction générale de la sûreté nationale ,revue de la Cour suprême ,numéro spécial ,année 2009 ,p.147). Il a aussi jugé que l’action dirigée contre des arrêts rendus par les seules juridictions administratives est irrecevable en application du même article ( TC, 16/03/2008,dossier n° 55,société COSATRAB c/ Wilaya de Laghouat ,revue de la Cour suprême ,numéro spécial ,année 2009 ,p.153 ; 15/03/2009, dossier n° 74, B.A c/ Wali de la wilaya d’El Oued , revue de la Cour suprême ,numéro spécial ,année 2009 ,p.271 ).Le recours devant le tribunal des conflits est aussi irrecevable au visa de l’article 3 alinéa 2 si le recours met en cause des arrêts rendus l’un par la chambre civile et l’autre par la chambre foncière  d’une cour ou de la Cour suprême   (TC, 09/01/2012,dossier n°109,W.A c/Banque de l’agriculture ,revue de la Cour suprême,Année 2012,n°1 p. 412 ; 12/06/2012 , dossier n° 130 , revue de la Cour suprême,  année 2013,n°1 p.427) ou si les arrêts contradictoires ont été rendus par la même chambre civile d’une cour (TC ,12/06/2012 , dossier n° 124,héritiers D.B c/ Wali de Laghouat , revue de la Cour suprême,  Année 2013,n°1 , p. 412).

2-2-3-Le conflit négatif (les deux juridictions relevant d’ordre différend  se sont déclarées  incompétentes)

Le tribunal des conflits peut être saisi en vertu de l’article 16 de la loi organique du 3 juin 1998 quand deux juridictions relevant d’ordre différend se sont déclarés incompétentes pour juger un même litige. Il s’agira en espèce d’un conflit négatif de compétence puisque chacune de ces deux juridiction s’est déclarée incompétente pour statuer sur le fond du litige au motif que c’est la juridiction de l’autre ordre qui est compétente. La condition essentielle pour qu’il y ait conflit négatif de compétence qui peut être soumis au tribunal des conflits est qu’on soit devant deux décisions d’incompétence.

Il n’y a donc pas de conflit négatif de compétence quant l’une des juridiction prononce son incompétence et l’autre juridiction maintient sa compétence et tranche le litige (TC, 16/O3/2008,dossier n° 49,T.A  c/ agence foncière de la wilaya de Bordj Bouareridj ,revue de la Cour suprême,  n° Spécial , 2009 p. 133) , ou que l’arrêt du Conseil d’Etat déclare la juridiction administrative compétente et que l’arrêt de la Cour suprême prononce l’incompétence du juge civil  (TC, 12/06/2012 ,dossier n° 131, S.J  c/ commune de Rais Hamidou,revue de la Cour suprême, année 2013,n° 1,p.431 ) ,ou encore  quand la juridiction de l’ordre judiciaire se déclare compétente  pour juger un recours contre la décision de la commission administrative électorale et que la juridiction de l’ordre administrative prononce son incompétence ( TC, 15/10/2012, dossier n° 138 , L.M c/ président de la commission électorale de la commune de Boussaada,revue de la Cour suprême année 2013,n° 2,p.475).En outre,tout recours porté devant le tribunal des conflits et tendant à revendiquer autre chose que le règlement d’un conflit de compétence est irrecevable(TC, 09/01/2012,dossier n°109,W.A c/Banque de l’agriculture , revue de la Cour suprême,  Année 2012,n°1 , p. 412)

2-2-3-1-Les déclarations   d’incompétence  doivent se rapporter au même litige

Il ne suffit pas que les deux juridictions d’ordre différend se soient déclarées incompétentes pour qu’il y ait conflit de compétence susceptible d’être porté devant le tribunal des conflits . Il doit s’agir dans les deux instances qu’ont eu à trancher ces deux juridictions d’un même litige c’est à dire aux termes de l’article 16 alinéa 2 de la loi du 3 juin 1998 d’un litige où  les parties agissent en la même qualité et où la demande dans les deux instances est fondée sur la même cause et la question posée au juge est identique.En bref il doit y avoir une identité de partie, une identité de cause et une identité d’objet.

EXEMPLE  

TC ,12 juin 2012, dossier n° 129 , exploitation agricole collective c/ Société Sonelgaz,revue de la Cour suprême,année 2013,n°1 , p.420) : En 2013 la société sonelgaz  a érigé sur les terres d’une exploitation agricole collective qui est une société civile de personne des pylônes électriques à haute tension .A l’effet de réclamer des dommages et intérêts ,l’exploitation agricole porta l’affaire devant le tribunal de Cheraga.Le tribunal prononça son incompétence par jugement en date du 06 juillet 2005 au motif que les pylônes ont été érigés dans le cadre d’un projet d’utilité publique  et sur appel la cour de Blida confirma ce jugement par arrêt du 04 février 2006.L’exploitation agricole  introduira un pourvoi devant la Cour suprême  qui est rejeté sur la base de l’article 30 alinéa 2 de la loi n° 85-07 du 06/08/1985 relative à la production de l’énergie électrique qui dispose que /« Les contestations relatives aux indemnités réclamées par les propriétaires à raison d’expropriation, d’occupation ou de servitudes, relèvent des juridictions compétentes en matière d’expropriation »c'est-à-dire les tribunaux administratifs. Devant cette décision irrévocable de la juridiction de l’ordre judicaire ,l’exploitation agricole porta l’affaire devant la chambre administrative de la cour  de Blida ( actuellement le tribunal administratif) et réclama des dommages et intérêts  pour le préjudice causé par l’érection de pylônes électriques sur ses terres. La chambre administrative de la cour se déclara à son tour incompétente  au motif que la société sonelgaz a érigé les pylônes  sans avoir  provoqué préalablement un arrêté  du wali conformément à l’article 155 de la loi n° 02-01 du 5 février 2005 relative à l’électricité et à la distribution du gaz par canalisations qui dispose que : « Le bénéfice de l’occupation temporaire de terrains est autorisé par arrêté du wali » , et que par conséquent il s’agit d’une voie de fait commise par la société sonelgaz qui est une entreprise publique à caractère  commerciale.Sur appel de cette décision le Conseil d’Etat confirma l’arrêt de la chambre administrative.

On observe ici que les trois éléments visés par l’article 16 alinéa 2 de la loi du 3 juin 1998  sont réunis.

Il y a identité de parties puisque devant les deux juges, l’exploitation agricole collective attaque la société sonelgaz

Il y a identité d’objet, puisque , l’exploitation agricole collective demande devant les deux juges la réparation du préjudice subi suite à l’érection des pylônes  sur ses terres.

Il y a identité de cause puisque le débat juridique porte, devant les deux juges, sur la question de la voie de fait et du champ d’application de la loi n°  85-07 du 6 aout 1985 et n° 02-01 du du 5 février 2005.

Le tribunal des conflits a résolu ce conflit négatif et il a finalement renvoyé l’affaire à la Cour suprême, estimant que la société sonelgaz a érigé les pylônes électriques en l’absence d’un arrêté du wali  ce qui aurait permis à la requérante de présenter ses observations et d’introduire les recours éventuels devant le juridiction administrative et le non respect de cette procédure fait que la société sonelgaz qui est une société commerciale régie par le code de commerce a commis une voie de fait sur l’exploitation agricole et la juridiction compétente dans ce cas est la juridiction relevant de l’ordre judicaire.

2-2-3-2-Le TC doit être saisi  dans les deux mois à compter du jour ou la dernière en date des décisions n’est plus susceptible d’aucun recours

En vertu de l’article 17 de la loi organique du 3 juin 1998 : «  Le tribunal des conflits peut être saisi par toute partie intéressée dans les deux mois à compter du jour où la dernière en date des décisions n’est plus susceptible d’aucun recours devant les juridictions, soit de l’ordre administratif, soit de l’ordre judicaire ».

De cette disposition ressortent deux conditions pour que la demande de règlement du conflit de compétence soit recevable :tout d’abord les deux décisions en conflit (et pas seulement l’une d’elle ) ne doivent plus être susceptible de recours c’est à dire doivent être des décisions irrévocables non susceptible ni des voies de recours ordinaires ni des voies de recours extraordinaires. S’il s-agit d’un jugement d’un tribunal civil par exemple , ce jugement doit être irrévocable c'est-à-dire il ne peut plus être attaqué soit parceque que toutes les voies de recours ont été épuisées soit  qu’ils aient expiré et cette règle a été rappelée par le Tribunal des conflits dans plusieurs arrets ( T.C 09/10/2000, dossier n° 10, A.F. c/ exploitation agricole,revue du Conseil d'Etat , année 2002,n° 1, p. 158) .

Cette condition de l’irrévocabilité des deux décisions en conflit acquise ,il faudrait ensuite saisir le  tribunal des conflits dans le délai de deux mois sachant que ce délai est un délai franc conformément à l'aticle 405 du code de procédure civile et administrative .Si le conflit met en cause par exemple un arrêt du Conseil d’Etat rendu le 15 août  2016 et un arrêt de la Cour suprême rendu le  27 juillet 2014 où ils se sont déclarés incompétents  et si le dernier arrêt en date c'est-à-dire l’arrêt du Conseil d’Etat du 15 août 2016 a été notifié par huissier de justice le 26 décembre 2016 , la saisine du tribunal des conflits doit intervenir au plus tard le 27 février 2017 et ce sous peine d’irrecevabilité du recours qui est d’ordre public.

Le délai de deux mois dans lequel le recours doit être introduit et l’irrévocabilité des décisions en conflit  ont été rappelés et précisés dans de nombreux arrêts du  tribunal des conflits .  

Tout d’abord le tribunal des conflits a rappelé  que la nature irrévocable  des décisions soumises au  tribunal des conflits  doit concerner toutes les décision et pas seulement la dernière décision en date ( TC,16/03/2008,dossier n° 60, revue de la Cour suprême, numéro spécial, p.189 ; TC,13/04/2008,dossier n° 58, revue de la Cour suprême , numéro spécial, p.173 ; TC,13/07/2008,dossier n° 69, revue de la Cour suprême ,numéro spécial, p.249).Quant au délai de deux mois ,le  tribunal des conflits a jugé dans de nombreux arrêts  que le recours est irrecevable passé le délai de deux mois à compter du jour où la dernière des décisions en date est devenue irrévocable  (TC,14/04/2008 ,dossier n° 63, revue de la Cour suprême ,numéro spécial, p.209 ) , mais qu’en tout état de cause ce délai ne court qu’a partir de la date de notification de la dernière décision et qu’à défaut d’une telle notification le recours demeure recevable(TC,21/12/2008 ,dossier n° 73, revue de la Cour suprême ,numéro spécial, p.263 ; TC,13/05/2013,dossier n° 147, revue de la Cour suprême ,année 2014,n°1,p.485 ).

2-2-4-La saisine du tribunal des conflits sur renvoi  

La loi organique du 3 juin 1998 a prévu un mécanisme qui permet à toute juridiction de l’ordre administratif ou judicaire de saisir le  tribunal des conflits même si l’autre ordre n’a pas décliné sa compétence dès lors qu’il ya un risque de contrariété de décisions. C’est le système de saisine du tribunal des conflits sur renvoi ou encore le système de prévention du conflit positif ou négatif. Il s’agit donc ici d’une véritable question préjudicielle portant sur la compétence que toute juridiction pourrait poser au  tribunal des conflits avant toute décision rendu au fond du litige.

C’est l’article 18 de la loi organique du 3 juin 1998  qui a prévu ce mécanisme.Ce système a été instauré dès lors que la constitution a opté pour le système juridictionnel dualiste qui a remplacé le système de l’unité juridictionnelle.Lorsqu’un juge s’est déjà déclaré compétent pour trancher le litige ou au contraire s’est déjà déclaré incompétent  au motif que l’objet du litige  relève de l’autre ordre de juridiction, toute  juridiction de cet ordre saisie du même litige peut, en cas de doute sur sa compétence et pour éviter que sa propre décision  entrainerait une contrariété de décision , renvoyer la question au tribunal des conflits.

Contrairement à la procédure du conflit négatif ou du conflit positif, le juge peut déférer la question de compétence au tribunal des conflit sans attendre que la décision de l’autre ordre de juridiction soit rendue en dernier ressort.Ainsi un juge d’un tribunal statuant en matière commerciale , foncière  ou sociale  peut saisir le  tribunal des conflits si un jugement du tribunal administratif a prononcé son incompétence  sur le même litige (TC,09/12/2007 ,dossier n° 45, revue de la Cour suprême ,numéro spécial, p.115 ; 09/04/2012 ,dossier n° 117, revue de la Cour suprême , année 2012,n° 2,p.448 ; 12/06/2012 ,dossier n° 128, revue de la Cour suprême, année 2013,n° 1,p.415 ; 08/07/2013 ,dossier n° 146, revue de la Cour suprême, année 2014,n° 1,p.478).

A l’inverse le tribunal administratif et avant de statuer sur l’affaire qui lui est soumise peut saisir le tribunal des conflits  si par exemple  un arrêt de la  chambre foncière de la Cour suprême statuant sur le même litige a cassé sans renvoi un arrêt de la cour d’appel pour incompétence ( TC ,09/04/2012 ,dossier n° 126, revue de la Cour suprême, année 2012,n° 2,p.458 ; TC ,09/04/2012 ,dossier n° 127, revue de la Cour suprême, année 2012,n° 2,p.463 ) , ou qu’une chambre foncière ou commerciale de la cour d’appel a rendu une décision d’incompétence( TC, 11/03/2013 ,dossier n° 145, revue de la Cour suprême, année 2014,n° 1,p.472 ; 12/05/2014 ,dossier n° 161, revue de la Cour suprême, année 2014,n° 2,p.471).

Pour qu’il  y ait saisine sur renvoi, il faudrait bien sûr que la deuxième juridiction saisie ordonne le  sursis à statuer jusqu’à décision du tribunal des conflits.Ainsi est irrecevable la décision de renvoi émanant d’une chambre commerciale de la  cour si  cette dernière a déjà tranché la question de son incompétence  dans un arrêt précédant rendu dans le même litige(TC, 12/05/2014 ,dossier n° 160, revue de la Cour suprême, année 2014,n° 2,p.465 ).

2-2-5- Le conflit positif

Dans les développements précédents il s’agissait principalement de conflits négatifs susceptibles de surgir entre deux juridiction appartement à des ordres differents.Mais il peut arriver que ces deux juridictions se déclarent compétentes et rendent des décisions qui peuvent être contradictoires.

Exemple

Dans le cadre de loi 81-01 du 7 février 1981 relative à la cession des biens de l’Etat, le sieur M.L a introduit auprès de la commission de daïra prévue à cet effet une demande de cession d’un logement bien de l’Etat qu’il occupait. Cette demande a été acceptée par une décision   du 9 mars 1983. Cinq  ans plus tard cette commission a annulé sa décision suite au recours formé par le wali au motif que le contrat de location du demandeur de la cession a été annulé  par décision du 15 novembre 1982.Suite à cette nouvelle décision de la commission rejetant sa demande de cession du logement qu’il occupait, le sieur M.L introduit un recours auprès de la commission de wilaya qui le rejeta .Pour faire valoir son droit , le sieur M.L saisit le tribunal d’Oran qui rend un jugement en sa faveur daté du 29 juin 1991 confirmé par un arrêt de la cour d’appel en date du 13 juin 1992.Le sieur M.L exécuta ce jugement  et l’acte de cession lui fit délivré en date du 11 avril 1997. Plusieurs années après  que la cour d’appel ait rendu son arrêt du  13 juin 1992, le wali d’Oran introduit contre ledit arrêt un recours en rétraction  devant la même cour  qui a débouché sur un arrêt en  date du 16 avril 2002  prononçant l’annulation de son arrêt du 13 juin 1992 et par conséquent l’annulation du jugement du 29 juin 1992 et statuant à nouveau prononça son incompétence. Le sieur  M.L se pourvoit en  cassation contre ce dernier arrêt et la Cour suprême par arrêt du 21 décembre 2005 casse l’arrêt de la cour d’appel du 16 avril 2002 sans renvoi. Le jugement du 29 juin 1992  faisant droit à la demande du sieur M.L devint ainsi irrévocable.

Le wali d’Oran saisit la chambre administrative de la cour d’Oran d’une action tendant à faire annuler la décision de la commission de daira portant cession du logement au sieur M.L.La chambre administrative fait droit à cette demande par arrêt en date du 03/04/2005 .L’arrêt de la chambre administrative fut confirmé en appel par un arrêt du Conseil d’Etat  en date du 10 mai 2006.

On se retrouve donc ici devant un conflit positif de compétence : les deux juridictions relevant d’ordre différent (Cour suprême et Conseil d’Etat) se sont déclarés compétentes pour trancher le litige et ont rendu des décisions contradictoires. Comment trancher un tel conflit s’il est porté devant le tribunal des conflits ? Il ne s’agit pas de la seule question de compétence mais il s’agit aussi d’une contrariété de décisions devenus irrevocables.On serait tenté de recourir à la procédure de l’alinéa 2 de la article 17 qui dispose que : « nonobstant les dispositions de l’alinéa 1er ,lorsque des décisions définitives déférées au tribunal des conflits présentent des contrariété ,le tribunal des conflits saisi, statue  à posteriori sur la compétence ».

Dans l’exemple cité le sieur M.L. a porté le conflit devant le tribunal des conflits et demanda à ce que le la juridiction de l’ordre judiciaire  soit désignée comme seule juridiction compétence pour trancher le litige. Le tribunal des conflit et par arrêt du 18 mai 2008 jugea la requête recevable en la forme et au fond déclara l’existence d’un conflit positif entre l’arrêt de la Cour suprême du 21 décembre 2005 et l’arrêt du Conseil d’Etat du 10 mai 2006 et déclara que la juridiction administrative  est seule compétence et par conséquent déclara l’arrêt de la Cour suprême comme étant nul et sans effet ( TC,18/05/2008,dossier n° 67,revue de la Cour suprême ,numéro spécial,p.227).

Bien que s’agissant d’une contrariété de décisions, le tribunal des conflits dans l’exemple cité n’a pas visé expressément l’alinéa 2 de l’article 17 , mais par contre a visé l’article 15 alors que cet article dispose que :«  le  tribunal des conflits ne peut être saisi que des questions se rapportant à des conflits de compétence » et ce alors même que les décision en cause se sont prononcées sur le fond du litige et pas seulement sur la compétence. Il est à remarquer que de tous les arrêts rendus par le tribunal des conflits et publiés seul un seul arret que nous commenterons ulterieurement  fait expressément référence à l’alinéa 2 de l’article 17.

Les mêmes conditions imposés pour  la recevabilité du recours en conflit négatif sont applicables au conflit positif.Mais si pour le conflit négatif le tribunal des conflits  annule la décision d’incompétence qu’il juge inopportune et renvoie l’affaire à la juridiction compétente pour y être jugée , en cas de conflit positif la décision censurée est annulée sans renvoi puisque la juridiction compétente a déjà tranché le litige(( TC,09/01/2012,dossier n° 114,revue de la Cour suprême,2012,n°2,p.468 ).

2-2-6-Cas particulier de la  contrariété de décisions :L’article 17-2 de la loi organique du 3 juin 1998

Un cas particulier de conflit positif quoique très rare peut se presenter.Il s’agit du cas où les deux juridictions ,l’une de l’ordre judicaire l’autre de l’ordre administratif, ont statué sur le fond du litige et que les deux décisions ainsi rendues  présentent entre elles une contrariété équivalent à un déni de justice.Ce cas particulier est illustré dans la jurisprudence française par l’affaire Rozay.Le  sieur Rozay avait pris place en tant que passager dans un véhicule particulier.Ce dernier est blessé lors de la collision de ce véhicule avec un véhicule de l’armée. Il intente une action en justice en dommages et intérêts devant le juge civil contre le conducteur du véhicule civil.Le juge confirme sa compétence mais statuant au fond il déboute le demandeur au motif  que l’accident est imputable au conducteur du véhicule militaire.Le sieur Rozay assigne l’Etat  devant le juge administratif qui s’estime lui-aussi compétent mais le déboute au motif que c’est le chauffeur de la voiture civile qui est responsable de l’accident.Le sieur Rozay a subi ici incontestablement un dommage mais il n’a obtenu aucun dedommagement.Les deux jugements admettent que la victime à un droit à indemnisation ,mais ils portent sur les circonstances de l’accident des appréciations contradictoires qui rendent l’indemnisation impossible .Il ne peut user de la procédure du conflit négatif  car il n’y a pas de double déclaration d’incompetence.Il ne peut pas non plus user de la procédure du conflit positif car la loi française ne permet cette procédure qu’au profit de la seule administration.Aussi le législateur français a promulgué une loi spécial pour régler ce genre de conflit, la loi du 20 avril 1932.

L’article 1 de cette loi est ainsi rédigé : « Peuvent être déférées au  tribunal des conflits ,lorsqu’elles présentent contrariété conduisant à un déni de justice, les décisions  définitives rendues par les tribunaux administratifs et les tribunaux judicaires dans les instances introduites devant les deux ordres de juridictins,pour  les litiges  portant sur le même objet ». L'article 4 de la même loi  dispose que : « …Le tribunal des conflits juge au fond, à l’égard de toutes les parties » .Cette loi a donc clairement défini la procédure de règlement de ce genre de conflit. Le tribunal des conflits  jugera l’affaire au fond et donnera une solution définitive au litige. Le  tribunal des conflits français a rendu de nombreuses décisions en application de cette loi et a précisé certaines notions. Ainsi il précisa la notion de contrariété de décisions dans un arrêt  du 17 décembre 2000 :« Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 20 avril 1932 ,les décisions définitives rendues par les juridictions de l'ordre administratif et les tribunaux judiciaires dans les instances introduites devant ces deux ordres de juridiction pour des litiges portant sur le même objet peuvent être déférées au Tribunal lorsque lesdites décisions présentent contrariété conduisant à un déni de justice ; que ce dernier existe au sens de ladite loi lorsqu'un demandeur est mis dans l'impossibilité d'obtenir une satisfaction à laquelle il a droit, par suite d'appréciations inconciliables entre elles portées par les juridictions de chaque ordre, soit sur des éléments de fait, soit en fonction d'affirmations juridiques contradictoires ». 

 Mais comment ce genre de situation est résolu au regard de la loi algérienne du 3 juin 1998 ? Il existe une grand similitude entre les dispositions de la loi française du  20 avril 1932 et la disposition de l’article 17 alinéa 2 de la loi  du 3 juin 1998 . Il est évident que le cas d’espèce ne peut pas en droit algérien être résolu  par le recours à la procédure du conflit négatif puisque on n’est pas en présence de deux décisions successives d’incompetence.Peut-on recourir à la procédure du conflit positif suivant ce qui a été développé auparavant. On est bien devant le cas où les deux ordres de juridictions se sont déclarés compétents pour juger la demande d’indemnisation mais l’ont rejeté au motif que ce n’est pas le conducteur mis en cause qui a provoqué l’accident .Dans l’hypothèse où ce  cas de conflit est porté devant le  tribunal des conflits algérien, ce dernier ne peut pas  annuler sans renvoi l’une des décision tout en confirmant l’autre décision puisque aucune des deux décisions n’a tranché l’objet du litige , et il ne peut pas non plus  confirmer une décision et déclarer nul et sans effet l’autre décision en renvoyant l’affaire devant la juridiction dont la décision a été censurée du moment que cette juridiction a déjà rendu sa décision au fond en déclarant que c’est l’autre conducteur et non pas le conducteur mis en cause devant elle qui est responsable. Le tribunal des conflits peut-il ici comme c’est le cas pour le tribunal des conflits français juger le fond sans qu’il y ait lieu à renvoi ?La loi française permet expressément au tribunal des conflits de juger le fond dans une telle situation mai tel n’est pas le cas pour la loi algerienne.L’article 17 alinéa 2 de la loi  du 3 juin 1998 parle lui aussi de décisions définitives présentant des contrariétés  et autorise le  tribunal des conflits statuer à posteriori sur la compétence.La difficulté ici est de savoir ce que le législateur entend par statuer à posteriori sur la compétence .Le  tribunal des conflits ne peut pas se contenter de statuer sur la seule compétence en renvoyant( conflit négatif) ni maintenir l’une des deux décisions en concurrence et annuler l’autre sans renvoi (conflit positif classique).Pour éviter un déni de justice il doit incontestablement trancher le fond du litige. En l’absence de la publication des travaux et des débats parlementaires ayant précédé l’adoption de la loi organique du 3 juin 1998,  il est difficile de sonder l’esprit du législateur qui a prévalu lors de ces débats . En tout état de cause la seule procédure susceptible de régler le conflit de décisions est que le tribunal des conflits  tranche lui-même le fond du litige.

Il peut arriver aussi qu’un même litige ait fait l’objet de deux décisions irrévocables contradictoires ayant statué au fond ,l’une rendue par la juridiction de l’ordre judiciaire l’autre par la juridiction de l’ordre administratif.Dans ce cas de figure la solution préconisée par le Tribunal des conflits est que la décision jugée illégale est annulée et considérée comme nulle et sans effet et l'autre décision est confirmée ( TC ,09 octobre 2000, dossier n°11,revue du conseil d’Etat,2002,n°1,p.162).Il s’agit dans cet arrêt d’un litige tendant à l’expulsion d’un indu occupant d’un local ( garage).Devant le juge civil  qui a ordonné l’expulsion de l’indu occupant , le demandeur propriétaire du local et à l’appui de sa demande en expulsion a excipé d’un acte de vente  en date du 12/05/1986 établi par les domaines. La décision du juge civil étant devenue irrévocable par suite de l’exercice de toutes les voies de recours , le défendeur expulsé introduisit ultérieurement une action devant le juge administratif puis devant le Conseil d’Etat qui rendit un arrêt ordonnant la rectification de l’acte de vente du 12/05/1986 et en conséquence a jugé que le local litigieux ne fait pas partie de l’immeuble objet de cet acte.Statuant sur le recours en conflit, le Tribunal des conflits tout en visant expressément la disposition de l’article 17 alinéa 2 censura  la décision du Conseil d’Etat  et  jugea que l’arrêt du juge civil confirmé par la Cour suprême est seul applicable. Cette décision suscite  quelques observations.Tout d’abord le Tribunal des conflits a censuré l’arrêt du Conseil d’Etat  et l’a annulé au motif que le litige en rapport avec le local a été déjà jugé par un tribunal civil  dont le jugement est devenu irrévocable et a ainsi acquis l’autorité de la chose jugée.Le problème concernant cet arrêt du Tribunal des conflits est  que l’objet dans les deux décisions contradictoires n’est pas le même puisque devant le juge civil la demande tendait à l’expulsion de l’indu occupant et devant le juge administratif il s’agissait d’un recours en annulation d’un acte de vente établi par les domaines. Il n’ya donc pas d’identité d’objet et de cause ni d'ailleurs d'identité de parties  et par consésant il ne peut y avoir chose jugée. En outre le premier jugement civil ordonnant l’expulsion peut être exécuté sans que celui rendu par la juridiction administrative  soit un obstacle à cette exécution. A notre avis il aurait été plus judicieux et plus conforme à la loi de déclarer le recours irrecevable au motif de non identité de l’objet et de la cause du litige.

2-3- Les règles de forme  applicables devant le tribunal des conflits

Comme c’est le cas devant la Cour suprême ou le Conseil d’Etat , le  tribunal des conflits est saisi par requête déposée au greffe .L’article 19 de la loi organique du 3 juin 1998 parle de requête accompagnée d’un mémoire alors qu’en fait il s’agit d’une requête introductive d’instance régie par les   disposition de code de procédure civile et administrative.Cette requête doit impérativement être signée par un avocat agréé à la Cour suprême ou au Conseil d’Etat.Elle est notifiée au défendeur dans les formes ordinaires c’est à dire par voie d’huissier. Le défendeur est tenu de répondre  et de déposer son mémoire en défense dans un délai d’un mois à compter de la notification et de deux mois s’il réside à l’étranger.

Dès l’enregistrement de la requête ,le président du  tribunal des conflits désigne un conseiller-rapporteur parmi les membres du tribunal. Ce dernier est chargé d’instruire le dossier et à cet effet il examine les mémoires et pièces déposés par les parties et établit son rapport écrit qu’il dépose au greffe  pour être transmis au commissaire d’Etat.Au cours de l’instruction, et au cas ou l’une des parties n’a pas produit de mémoire ou les pièces invoqués, le conseiller-rapporteur lui adresse une mise en demeure de le faire dans un délai d’un mois.

La procédure du jugement est similaire à celle appliquée devant les autres hautes juridictions. Les parties et les avocats peuvent présenter des observations orales  à l’audience après lecture du rapport et ce n’est qu’ensuite que le commissaire d’Etat est entendu dans ses conclusions. Au cours du délibéré la décision est prise à la majorité des voix et en cas de partage des voix celle du président est prépondérente.Pour  éviter des retards injustifiés dans le traitement des affaires ,le  tribunal des conflits doit rendre ses décisions dans le délai maximum de six mois à compter de sa saisine.Les décisions du  tribunal des conflits doivent bien sûr être motivées et contenir  les mentions prévues pour tout jugement c’est à dire le nom des parties, le visa globale des pièces  et les textes dont il a été fait application , les conclusions des parties et les noms des magistrats et du commissaire d’Etat ayant concourus à la décision.L’expédition de la décision est remise aux parties par le greffe du tribunal sur leur demande mais si le tribunal a été saisi sur renvoi,le greffe du tribunal transmet l’expédition  de la décision à la juridiction concernée dans un délai d’un mois à compter de la date du prononcé.Enfin les décisions du tribunal des conflits ne sont susceptibles d’aucune voie de recours et s'imposent tant aux magistrats de l'ordre adminidtratif qu'aux magistrats de l'ordre judicaire.

Maitre M.BRAHIMI

Avocat à la Cour

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1 Publié par Visiteur
10/08/2018 08:52

Bonjour Maitre .
à mon grand étonnement, stupéfaction et désarroi , j'étais receveur d'un محضر إثبات تبليغ par la police d'urbanisme, suite à une correspondance du P/APC qui a établi une décision de démolition de travaux d'une habitation précaire représentée ds une porte en fer sur une impasse et cela sans permis .
cette décision de démolition est aussi suite à un rapport ( ou PV ) d’infraction rédigé et établi par l'inspecteur d'urbanisme .
l'incroyable mais vrai c'est que ds le pv de constatation supposé existant , l'inspecteur de l'urbanisme , ni l'agent qui a fait la constatation de cette fictive infraction ne m'ont jamais contactés et d'ailleurs je ne les connais pas . et fictive parce que je n'ai absolument aucune idée de cette infraction car je ne l'ai pas fait, et puis si cette impasse citée sur les pv existe alors ils font allusion à une partie mitoyenne à notre maison et qui se trouve parmi notre propriété selon le livret foncier et le plan cadastrale , et qu'on l'a récupéré par un décision de justice finale ( jugement avec copie exécutoire ). cette partie pour laquelle mon père propriétaire de la maison était en conflit judiciaire avec un voisin , et qui n'a jamais été une impasse ( comme disait souvent ce voisin ds ses requêtes durant le cours de l'affaire en justice ) , et durant , le juge foncier a désigné un expert foncier pour décrire le sujet du conflit avant qu'il prennes la décision . l'expert foncier a trouvé et mentionné cette partie comme garage , et cette désignation qui a été décidé et écrite sur le jugement foncier final .
MON IMPORTANTE QUESTION : je veux absolument porter plainte contre cet inspecteur d'urbanisme pour falsification de documents administratives officiels, car cette impasse ( ds tout les cas n'existe pas ) et je me demande sur quelle base a mentionné mon nom sur le rapport et du coup sur la décision de démolition émis par le P/APC qui ne m'a même pas adressé une mise en demeure réglementaire . Selon mes sources,cet inspecteur d'urbanisme a agi ainsi sur demande incessante du président de commission d’urbanisme de l'APC , lui aussi sur demande de ce voisin .
J'ai demandé et récupéré via l'APC ( le policier d'urbanisme a refusé de me remettre une copie ), une copie de la décision de démolition écrite en arabe de cette façon :هدم أشغال بناء فوضوي متمثلة في باب حديدي في ممر بدون منفذ بدون رخصة ......IMPASSE .
je veux aussi recupérer une copie du pv d'infraction ( imaginaire et préparé par un coup monté de toute pièce ) , mais MA QUESTION IMPORTANTE c'est quelle juridiction compétente pour prendre ma plainte , et comment procéder ? par quoi commencer ? je veux aussi porter plainte contre le P/APC qui ne m'a pas adressé une mise en demeure , et puis sur le terme : démolition de travaux d'une habitation .....Fallait plutôt rédigé et décidé ( au cas de mon inculpation !!!!! )une mise en demeure pour arrêt de travaux . On ne peut pas démolir des travaux ( comme écrit sur la décision de démolition ).
Maitre S'il vous plait , conseillez moi .
Mes sincères salutations et profonds respects .

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