Afin de recevoir l’exequatur en France, tout jugement étranger, quelle que soit la matière dans laquelle il a été rendu, doit être motivé.
Dans un arrêt prononcé le 28 mai 2014 (Cass. Civ. 1re, 28 mai 2014, n° 13-10553), la Cour de cassation a fait application de cette règle qu’elle a consacrée il y a plus de trente ans.
En fonction du pays dans lequel le jugement a été rendu, cette condition est posée soit par un accord de coopération bilatéral liant la France avec ce pays, soit par la jurisprudence Cornelissen (Cass. Civ. 1re, 20 février 2007, n° 05-14082), sous l’angle de la conformité à l’ordre public international (D. Motte-Suraniti, La motivation de la décision de justice étrangère dans la procédure d’exequatur, Recueil Dalloz n° 1, Janvier 2009).
La règle a précisément été fixée par un arrêt de la Cour de cassation du 17 mai 1978 (Cass. Civ. 1re, 17 mai 1978, n° 76-14843) : « Est contraire à la conception française de l’ordre public international la reconnaissance d’une décision étrangère non motivée lorsque ne sont pas produits des documents de nature à servir d’équivalent à la motivation défaillante et à permettre de s’assurer que cette décision remplit les conditions exigées pour sa reconnaissance notamment quant au respect de l’ordre public ».
Les faits de l’espèce qui ont amené la haute juridiction à appliquer récemment cette jurisprudence ont concerné le litige opposant la République d’Argentine au fond spéculatif NML CAPITAL.
NML CAPITAL avait obtenu en 2006 un jugement d’une District Court à New York condamnant la République d’Argentine à lui payer la somme de $ 284.184.632 au titre du remboursement d’obligations.
Le fond spéculatif a dès lors saisi la justice française afin d’obtenir l’exequatur du jugement américain, sur le fondement de la jurisprudence Cornelissen, aucune convention internationale ne liant la France et les Etats-Unis en matière d’exequatur. Il a obtenu gain de cause dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris en 2012.
L’Argentine a dès lors formé un pourvoi en cassation sur le moyen, composé de deux branches, de l’absence de motivation du jugement américain.
Selon l’Etat, d’une part, le juge américain se serait limité à faire référence à une précédente décision de justice, sans en préciser les motifs et sans que celle-ci n’ait été communiquée dans le cadre du procès. D’autre part, l’Argentine reproche au juge américain de ne pas avoir analysé l’ensemble des arguments qu’elle avait soutenu devant lui, en s’abstenant notamment de répondre à sa demande d’enquête préalable au prononcé d’un jugement.
Sur ce pourvoi, la Cour de cassation constate néanmoins que le juge new-yorkais, rappelant les prétentions de la société NML, avait énoncé les faits de la cause, identifié précisément les titres de créance dont le paiement était poursuivi et s’était référé à des précédents détaillés.
Le juge américain s'est donc prononcé expressément sur les deux questions spécifiques sur lesquelles portait exclusivement la défense de la République d’Argentine.
Dès lors, la Cour d'appel de Paris a souverainement estimé que la motivation du jugement américain ne pouvait être regardée comme défaillante, et que l’exequatur en France pouvait donc lui être accordé.