Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 29 décembre 2013, a invalidé plusieurs dispositifs de la loi de finances pour 2014, et non des moindres. C'est ainsi qu'ont été déclarés contraires à la constitution (i) l'élargissement de la notion d'abus de droit qui ne sera donc pas un motif principalement fiscal, (ii) l'obligation déclarative préalable des schémas d'optimisation fiscale sous peine de lourdes sanctions, (iii) la pénalité de 0,5% du chiffre d'affaires en cas de remise (ou d'absence) de documentation des prix de transfert pour les entreprises qui y sont soumises, (iv) l'obligation de justifier de la contrepartie financière perçue en cas de transfert de fonction ou de risque à une entreprise liée, (v) la prise en compte du crédit d'impôt recherche dans le calcul de la participation des salariés.
A la suite de ces censures, les principales dispositions applicables aux entreprises par le vote de la loi de finances pour 2014 sont les suivantes.
I. HAUSSE DE LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE SUR L'IMPÔT SUR LES SOCIETES
Autant voir grand : une hausse d'une imposition, fût-elle exceptionnelle, de 114% cela laisse songeur.
Certes, la contribution est censée être exceptionnelle (elle s'applique jusqu'aux exercices clos le 30 décembre 2015). Certes, elle ne vise pas toutes les entreprises mais "seulement" celles dont le chiffre d'affaires excède 250 M€. Il n'en demeure pas moins que ceux qui la subissent sont désormais imposés à un taux global de 38% (objectif affiché du Président Hollande) soit l'un des plus élevés. C'est probablement ce qui s'appelle l'attractivité et la compétitivité pour certains.
On rappelle que pour les malheureux élus, la contribution exceptionnelle est versée en deux fois : la première lors du versement du dernier acompte d'IS (le versement anticipé correspond à 75% du montant de la contribution estimée au titre de l'exercice en cours si le chiffre d'affaires est compris entre 250 M€ et 1 Md€, et à 95% si le chiffre d'affaires est supérieur à 1 Md€), le solde étant payé lors de la liquidation du solde de l'IS.
II. NON DEDUCTION DE CERTAINS INTERETS D'EMPRUNT VERSES A DES ENTREPRISES LIEES
La lutte contre la fraude, nouvel acte : chasse aux hybrides et chasse aux optimisants.
Il n'est désormais plus possible pour une société de déduire fiscalement les intérêts versés à une société du même groupe si cette dernière supporte un impôt sur les bénéfices sur la perception desdits intérêts pour un montant au moins égal à 25% de l'impôt sur les bénéfices déterminé dans les conditions de droit commun. En pratique, la société débitrice des intérêts supportera la charge de la preuve pour justifier la déductibilité des intérêts versés; il lui reviendra de démontrer que la société créancière a supporté, sur ce seul flux d'intérêt (flux brut) une imposition au moins égale à 8,33% (soit 25% de 33.1/3%).
Si le texte légal prévoit l'application de ce mécanisme tant dans des relations franco-françaises qu'internationales, pour ne pas être déclaré contraire aux principes communautaires, nul n'est dupe : il vise les relations internationales en pratique.
Le texte est d'application immédiate puisqu'il vise les exercices clos à compter du 25 septembre 2013, date de la présentation du projet de loi de finances en Conseil des Ministres.
III. JEUNES ENTREPRISES INNOVANTES
Le dispositif (d'exonération totale puis partielle et temporaire d'impôt sur les bénéfices; exonération facultative en matière d'impôts locaux) est reconduit pour les entreprises créées jusqu'au 31 décembre 2016.
IV. TAXE SUR LES HAUTES REMUNERATIONS
Acte II de la fameuse taxe dite de 75% mais en réalité de 50% non censurée par le Conseil Constitutionnel, et par conséquent applicable aux diverses formes de rémunérations qui excèdent 1 M€ acquises ou attribuées en 2013 et en 2014. La taxe est "toutefois" plafonnée à hauteur de 5% du chiffre d'affaires (de la société qui supporte la taxe) réalisé l'année au titre de laquelle elle est due.
Sont concernées toutes les entreprises qu'elles soient assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés, y compris les entreprises étrangères qui ne disposent que d'un établissement stable en France. Sont également concernées les entreprises françaises qui ont des salariés à l'étranger. Sont en revanche exclues les filiales ou établissements stables étrangers de sociétés françaises (sous réserve que les rémunérations supportées par ces filiales ou établissements stables étrangers ne soient pas refacturés à la société française).
Sont soumises à la taxe toutes les rémunérations individuelles susceptibles d'être admises en déduction du revenu imposable de la société qui les verse, qu'elles que soient par ailleurs les dispositions qui limitent la déductibilité fiscale (cas des rémunérations dites excessives, des rémunérations différées, de la rémunération du conjoint, des jetons de présence qui sont par conséquent inclus dans le champ de la taxe pour leur totalité). Au-delà des traitements et salaires, la taxe s'étend aux jetons de présence ordinaires comme spéciaux, aux rémunérations versées à raison du départ à la retraite, à l'ensemble des avantages en nature ou en argent, aux sommes attribuées au titre de l'intéressement, de la participation ou de l'épargne salariale, aux stock-options, attributions gratuites et BSPCE ainsi qu'aux éléments de rémunération refacturés par d'autres entités du groupe. S'agissant de la détermination de la valeur des stock-options, attributions gratuites et des BSPCE, la loi retient les mêmes principes que pour la base de calcul du forfait social de l'employeur.
La taxe s'applique sur la part des rémunérations qui excède 1 M€ (en d'autres termes, le premier million d'euros n'est pas soumis à la taxe), étant entendu qu'il s'agit de la rémunération brute avant prise en compte des charges sociales.
Peu importe la date de l'année du versement : sont retenues dans le calcul de la taxe toutes les rémunérations et assimilées prises en compte pour la détermination du résultat de la société. Ainsi, par exemple, si l'entreprise prend un engagement formel inconditionnel de verser une rémunération de manière différée, cette rémunération sera prise en compte pour le calcul de la taxe si cet engagement est pris avant la clôture de l'exercice 2013 ou 2014. Quant aux stock-options, attributions gratuites et BSPCE, leur prise en compte dépend de l'année d'attribution (2013 ou 2014).
La taxe est fiscalement déductible (sauf pour le calcul de la contribution exceptionnelle à l'IS de l'article 235 ter ZAA du CGI (dont le taux est porté à 10,7%).
La taxe, exigible aux 1er février 2014 et 2015) donnera lieu au dépôt d'une déclaration spécifique au plus le 30 avril (2014 ou 2015) et son paiement interviendra lors du dépôt de cette déclaration.
V. PRIX DE TRANSFERT
La loi de finances introduit l'obligation, pour les sociétés soumises à l'obligation de produire une documentation prix de transfert, de produire les actes des administrations fiscales étrangères pris à l'égard d'entreprises liées, opposables à l'administration étrangère et qui peuvent être indépendants de la politique de prix de transfert même. Cette mesure pourra poser des difficultés si l'administration étrangère impose elle-même une obligation de confidentialité de ses décisions individuelle.
VI. STOCK-OPTIONS ET ATTRIBUTIONS GRATUITES D'ACTIONS - TAXE SUR LES SALAIRES
La loi de finances corrige une erreur de la loi de financement de la sécurité sociale : à compter du 1er janvier 2014, les gains de levée d'options sur actions et les gains d'attributions d'actions gratuites ne rentrent plus dans le champ de la taxe sur les salaires.
VII. PROCEDURE AMIABLE ET PAIEMENT DE L'IMPOT
La demande d'ouverture d'une procédure amiable ne permettra plus, pour toute procédure ouverte à compter du 1er janvier 2014, de suspendre le paiement de l'impôt.
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