LE HARCELEMENT MORAL DU FONCTIONNAIRE

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Le harcèlement moral constitue une atteinte au principe d'égalité de traitement, garantie fondamentale du fonctionnaire. Le harcèlement moral a pour objet ou pour effet de placer la victime dans une situation d'infériorité, d'anxiété, propice à une dégradation de son état physique et mental. Ce comportement constitue une faute disciplinaire mais peut aussi donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement de l'article 222-33-2 du code pénal.

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LE HARCELEMENT MORAL DU FONCTIONNAIRE

 

I – DEFINITION DU HARCELEMENT MORAL :

L’article 6 quinquies de la loi numéro 83-134 du 13 juillet 1983 définie le harcèlement moral de la manière suivante :

« Aucun Fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un Fonctionnaire en prenant en considération :

 1°- Le fait qu’il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ;

 2°- Le fait qu’il exerçait un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engageait une action en justice visant à faire cesser ces agissements ;

 3°- Ou bien le fait qu’il ait témoigné de tels agissements ou qu’ils les aient relatés.

 Est passible d’une sanction disciplinaire tout Agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ».

 Le harcèlement n’est ainsi caractérisé qu’en cas d’agissements répétés et uniquement si ces agissements dégradent les conditions de travail de l’Agent et entraînent une atteinte à ses droits, à sa dignité ou altère sa santé physique ou mentale ou compromet son avenir professionnel.

 Ainsi, est constitutif du harcèlement moral, le comportement d’un supérieur hiérarchique conduisant à l’isolement au sein du service d’un Agent jugé « récalcitrant » : instructions adressées par voie écrite, parfois par lettre recommandée avec accusé de réception, consignes tatillonnes, dénigrement systématique des capacités professionnelles, mise en doute de l’honnêteté, confinement dans des tâches d’un niveau inférieur, mesures vexatoires sans que soit invoqué un motif précis tiré de l’intérêt du service, situation qui a duré six ans et a conduit au placement de la victime en congé de maladie pour état dépressif pendant cinq mois (Conseil d’Etat du 24 novembre 2006 – Requête n° 256313 – Madame BAILLET).

Est en outre constitutif du harcèlement moral le fait d’affecter un Fonctionnaire dans un poste précédemment occupé par un Fonctionnaire de catégorie inférieure à la sienne, l’empêchant ainsi d’exercer effectivement les attributions auxquelles il voulait prétendre, d’autant que cette situation a duré pendant plus d’un an jusqu’à ce que l’intéressé soit mis en congé de maladie puis de longue durée, sa santé s’étant dégradée par suite de la dégradation de ses conditions de travail (Cour Administrative d’Appel de NANCY du 2 août 2007 –
n° 06NC01324
).

 Le Conseil d’Etat a rappelé dans plusieurs arrêts sa « méthode » pour déterminer s’il y a ou non harcèlement moral.

 « Il appartient à un Agent Public qui soutient avoir été victime d’agissements constitutifs d’harcèlement moral, de soumettre au Juge les éléments de faits susceptibles de faire présumer l’existence d’un tel harcèlement ;

 Il incombe à l’Administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ;

 La conviction du Juge, à qui il revient d’apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se déterminent au vu de ces échanges contradictoires, qui peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d’instructions utiles » (Conseil d’Etat sixième sous section du 11 juillet 2011 – n° 32-1225).

 La charge de la preuve ne repose ainsi sur aucune des deux parties mais implique que le demandeur fournisse un commencement de preuve de nature à faire naître un doute dans l’esprit du Juge.

 Ce doute ne pourra être obtenu que si le demandeur invoque une répétition de faits et démontre un lien entre ces faits et la dégradation de ses conditions de travail.

 Ainsi, un changement d’affectation comportant une diminution sensible des attributions et des responsabilités du Fonctionnaire n’est pas constitutif du harcèlement moral (Tribunal Administratif de DIJON du 6 mai 2003 – Requête n° 021874

La diminution des attributions ou la mise au placard sont des mesures qui souvent révèlent un harcèlement moral que le Juge sanctionne.

 Pour autant, il ne suffit pas d’arguer de ces mesures pour que le harcèlement soit constitué.

 En effet, le Conseil d’Etat a rappelé dans un arrêt du 30 décembre 2011 que « pour être qualifié de harcèlement moral, les faits incriminés doivent excéder les limites de l’exercice normale du pouvoir hiérarchique ; que dès lors qu’elles n’excédent pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiait par l’intérêt du service, en raison d’une manière de servir inadéquate ou de difficulté relationnelle, n’est pas constitutif du harcèlement moral » (Conseil d’Etat deuxième et septième sous section réunies du 30 décembre 2011 – n° 332366).

 

 I – L’INCIDENCE DE LA FAUTE DE LA VICTIME :

 Les juridictions s’attachent à apprécier le comportement de la victime : sa faute éventuelle peut être de nature à empêcher la qualification de harcèlement moral, la dégradation des conditions de travail n’étant alors pas nécessairement imputables à un cas de harcèlement moral.

 Il n’est cependant tenu compte du comportement de la victime que pour caractériser le harcèlement moral.

 Une fois que la juridiction estime que le harcèlement moral est caractérisé, il ne peut se servir de l’éventuelle faute de la victime pour exonérer ou atténuer la responsabilité de l’Administration.

 Le Conseil d’Etat a ainsi estimé dans un arrêt du 11 juillet 2011 que : « la nature même des agissements en cause exclue, lorsque l’existence d’un harcèlement moral est établie, qu’il puisse être tenu compte du comportement de l’Agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l’Agent victime doit alors être intégralement réparé ».

  II – ENTRE OBLIGATION DE RESERVE ET DEVOIR DE DENONCIATION DU HARCELEMENT MORAL :

 La loi numéro 83-634 du 13 juillet 1983 donne le droit à l’Agent Public de relater les agissements constitutifs de harcèlement moral.

 Parallèlement, il est fait obligation au Fonctionnaire d’user de mesures et de retenues à l’occasion de l’expression publique de leurs opinions de manière à ce que l’extériorisation de ces opinions soient conformes aux intérêts du service public et à la dignité des fonctions occupées (Circulaire DAGEMO / BCG n° 99-01 du 5 janvier 1999).

  Entre ainsi en conflit le respect pour l’Agent Public de l’obligation de réserve et la mise en application à son profit de son droit de dénoncer des faits de harcèlement moral.

 La jurisprudence retient que l’obligation de réserve peut être atténuée par la mise en œuvre du droit de dénonciation que si les faits allégués sont réel et non pas issue de la seule imagination de l’Agent Public.

 Ce qui est pour le moins inquiétant c’est que plusieurs jugements des Tribunaux Administratifs estiment qu’il ne faut tenir compte que de l’effectivité des agissements de harcèlement et non de la possible bonne foi du dénonciateur.

 Ainsi, un Agent Public qui est persuadé d’être victime de harcèlement moral mais les faits qu’il dénonce, s’ils peuvent être répréhensibles, ne correspondent pas à la définition juridique du harcèlement moral, peut être sanctionné pour un manquement à son obligation de réserve.

 Il faut toutefois qu’il s’agisse d’une dénonciation publique.

 Si les faits sont avérés, l’Agent Public ne peut être sanctionné pour avoir été amené à dénoncer publiquement des faits de harcèlement moral dont il est victime, ou le témoin même, si la relation de tels faits est par elle-même de nature à jeter le discrédit sur l’Administration (Cour d’Appel de MARSEILLE du 27 septembre 2011 – n° 09MA02175).

 La Cour ajoute cependant que « cet Agent doit néanmoins veiller à ne pas accroître abusivement ce discrédit, en se livrant à des descriptions ou des critiques qui déborderaient, par leur tonalité ou leur contenu, le cadre dans lequel les faits de harcèlement moral se sont produits ».

 L’Agent Public devra ainsi agir avec une extrême prudence et modération s’il a l’intention de dénoncer publiquement des faits de harcèlement moral dont il est la victime ou le témoin.

 

 

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