Dans cet arrêt du Conseil d'Etat, Mademoiselle A, professeur de musique, a été reconnue coupable d'un délit d'atteinte sexuelle sur mineure par un arrêt de la Cour d'Appel de VERSAILLES du 23 juin 2003.
A la suite de cette condamnation, elle a fait l'objet le 16 mars 2004 d'une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée d'un an.
Mademoiselle A a demandé l'annulation de cette sanction devant le Tribunal Administratif qui a accédé à sa demande en raison d'une irrégularité dans la procédure disciplinaire engagée par l'Administration.
La Cour d'Appel a également annulé la sanction disciplinaire de Mademoiselle A sur une irrégularité procédurale.
Le Conseil d'Etat, quant à lui, a validé la procédure disciplinaire engagée mais a estimé que la sanction disciplinaire du Ministre de l'Education Nationale était manifestement disproportionnée.
Dans le corps de son arrêt, le Conseil d'Etat rappelle que l'Administration a deux possibilités quant au moment d'engager des poursuites disciplinaires lorsque l'agent public est par ailleurs poursuivi pénalement pour les mêmes faits.
I- L'administration peut sanctionner sans attendre l'issue de la procédure pénale
Si l'administration et le juge administratif sont liés par les décisions du juge pénal ayant acquis force de chose jugée, ils conservent pour autant une large marge de manoeuvre pour qualifier les faits au regard de l'action disciplinaire intentée.
En effet, l'autorité de la chose jugée au pénal se limite aux seules constatations de fait effectuées par le juge répressif.
Le Conseil d'Etat estime ainsi que la constatation des faits, opérée au cours d'une instance judiciaire s'impose à l'Administration chargée de régler la situation d'un fonctionnaire poursuivi.
En revanche, l'autorité disciplinaire et le juge administratif n'ont pas à s'attacher aux conséquences juridiques que le juge pénal a pu tirer des faits qu'il a retenu.
Ainsi, le classement sans suite d'une information pénale, en raison de l'état mental de l'agent, ne lie pas l'appréciation de l'Administration, qui peut valablement estimer que la gravité de cet état n'est pas de nature à exonérer la responsabilité de l'agent pour la faute qu'il a commise et à faire obstacle à la sanction qui lui a été infligée.
Le fait pour l'Administration de sanctionner un agent public sans attendre l'issue de la procédure pénale comporte un risque si la sanction est exclusivement fondée sur l'existence d'une infraction pénale qui ne serait pas confirmée par une condamnation pénale.
Dans ce cas, l'Administration doit en tirer les conséquences et notamment procéder à un nouvel examen de la situation du fonctionnaire pour décider si, compte tenu du fait nouveau que constitue le jugement pénal, l'agent peut être rétabli dans ses fonctions.
II- L'administration peut différer sa décision jusqu'à ce que le juge pénal ait statué
Si l'administration attend la décision pénale pour sanctionner le fonctionnaire, le Conseil d'Etat rappelle dans l'arrêt précité qu'elle doit prendre en considération les faits ultérieurs à l'infraction pénale pour apprécier l'existence de la faute disciplinaire mais aussi le degré de la sanction à infliger.
L'administration a une véritable obligation d'examiner la situation d'ensemble de l'agent à la date à laquelle la sanction est décidée.
Cela paraît légitime dans la mesure où la condamnation pénale intervient généralement de nombreuses années après la commission des faits reprochés.