Il convient tout d'abord de distinguer les types d'expertises:
- une expertise extra-judiciaire ou officieuse est une expertise diligentée en dehors d'un ordre donné par une juridiction.
- Une expertise judiciaire est une expertise ordonnée par une juridiction.
- Une expertise extra-judiciaire peut être amiable ou unilatérale.
Elle est amiable lorsque les deux parties se sont accordées sur la désignation de l'expert. Elles peuvent avoir aussi assister à l'expertise. L'expertise est alors contradictoire: réalisée en la présence des parties qui ont pu débattre sur chaque élément relevé.
Elle est unilatérale lorsqu'une seule partie a initié l'expertise.
- Une expertise judiciaire est contradictoire. L'expert est tenu de convoquer les parties, qu'elles soient présentes ou non lors de l'expertise, ayant été avisées l'expertise sera contradictoire à leur égard. Elles pourront ensuite formuler des dires à expertise pour formuler des observations ou contestations.
La Cour de cassation adopte les mêmes règles vis-à-vis des expertises officieuses et celles judiciaires, règles qui peuvent être résumées ainsi :
Selon une jurisprudence ancienne, les juges du fond peuvent, sans violer les règles de la preuve, ni les dispositions relatives aux expertises judiciaires, puiser les éléments de leur conviction dans le rapport d’un expert officieux, régulièrement versé au dossier et ayant fait l’objet d’un débat contradictoire : Civ. 1ère, 6 nov. 1963, Bull. n° 481 ; Civ. 2, 16 janv. 1964, Bull. n° 62.
Ainsi, bien que l'expertise ait été faite dans un cadre extra-judiciaire, la Cour semble considérer les informations présentées par cette pièce dès lors qu'elle a pu faire l'objet d'un débat contradictoire. L'idée de débat contradictoire renvoie au temps de l'audience. Cela laisse ainsi à penser qu'une expertise unilatérale, diligentée par une seule des parties, est appréciée régulièrement par le juge, le contadicteur (autre partie) pouvant en contester sa valeur dans ses conclusions (écrit remis au juge et à la partie adverse valant argumentation et demandes) et lors de l'audience.
La jurisprudence récente est sur la même ligne puisqu’elle décide que tout rapport d’expertise amiable peut valoir à titre de preuve dès lors qu’il est soumis à la libre discussion des parties, même si l’expertise n’avait pas été réalisée contradictoirement : Civ. 1ère, 13 avr. 1999, Bull., I, n° 134, p.87 ; 24 sept. 2002, Bull., I, n° 220, p.169 ; 11 mars 2003, Bull., I, n° 70, p.53, R.G.D.A. 2003, p.583, note J. Beauchard. (Les deux derniers arrêts sont des arrêts de cassation, prononcée au visa de l’article 16 du nouveau code de procédure civile) ; Com. 10 juill. 2001, pourvoi n° 98-18.188.
Mais cette jurisprudence doit être appréciée au vu d’autres arrêts qui pourraient laisser à penser que les opérations d’expertise amiable ou officieuse devraient elles-mêmes être réalisées contradictoirement, bien que les arrêts de rejet ne soient pas tous significatifs à cet égard :
Dans un litige de construction, une cour d’appel avait condamné, au vu des conclusions d’une expertise amiable, un constructeur à rembourser à un assureur l’indemnité réglée par celui-ci à son assuré, maître de l’ouvrage, en retenant qu’il suffisait que l’expertise amiable diligentée à l’initiative de l’assureur ait pu être portée à la connaissance de la partie adverse, afin que cette dernière soit à même d’organiser sa défense.
La troisième chambre civile, par un arrêt du 3 octobre 1991 (Bull., III, n° 221, p.130) a cassé cet arrêt, au visa de l’article 1315 du Code civil, reprochant à la cour d’appel de n’avoir pas recherché si le constructeur avait pu faire valoir son point de vue au cours de l’expertise amiable.
Par un arrêt du 6 nov. 2001 (pourvoi n° 99.10.510), la première chambre a rejeté un pourvoi contre un arrêt ayant retenu que l’expertise amiable invoquée n’était pas contradictoire et qu’elle était de ce fait inopposable à une partie.
Dans un litige impliquant des compagnies d’assurances, la troisième chambre a, par un arrêt du 29 octobre 2003 (pourvoi n° 01-11.004), rejeté un pourvoi après avoir relevé que la cour d’appel avait retenu que toutes les parties avaient été convoquées aux opérations d’expertise amiable et y avaient participé, de sorte que celles-ci s’étaient déroulées de manière contradictoire, que la responsabilité d’une société avait été retenue comme totale et qu’aucune réserve n’avait été émise par les parties quant à cette responsabilité.