La meilleure manière d’étudier ces droits consiste ici à suivre la structure du code de procédure pénale:
- A. le droit à l’information,
- B. le droit de faire prévenir un tiers,
- C. le droit d’être examiné par un médecin,
- D. le droit de s’entretenir avec un avocat et de bénéficier de l’assistance de ce conseil
- E. le droit de garder le silence.
Tous ces droits ont été l’objet de modifications et ajouts par la loi du 14 avril 2011.
A. LE DROIT A L'INFORMATION (art. 63-1 du CPP).
La personne placée en garde à vue a, tout d’abord, le droit de connaître la nature des faits qu’on lui reproche. Elle doit, ensuite, être informée de certains droits dont elle peut bénéficier pendant l’exécution de la mesure. Elle peut enfin, dans certaines circonstances, interroger les autorités sur les suites de la procédure.
1.La connaissance de la nature de l’infraction.
Le troisième alinéa de l’article 63-1 dispose que « toute personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire (.. .) de la nature et de la date présumée de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ».
Ainsi, la personne gardée à vue est désormais immédiatement informée, non seulement de la nature de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre, comme prévu sous l’empire de l’ancien article 63-1, mais également de la date présumée de l’infraction.
a.La nature de l’infraction
Bien que fondamental – pour ne pas dire naturel – ce droit à être informé est limité puisqu’il n’oblige pas les enquêteurs à exposer dans le détail les soupçons pesant sur la personne concernée. Ceci afin de ne pas compromettre le bon déroulement de l’enquête.
L’expression « nature de l’infraction » implique donc une information générale se référant à l’intitulé de l’infraction telle qu’elle figure dans la loi, sans qu’il y ait lieu de préciser les circonstances.
En réalité, cette information permet de l’aviser de la qualification juridique de l’infraction, telle qu’elle peut être appréciée à ce stade de l’enquête. Lorsque la personne est soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre plusieurs infractions, les différentes qualifications juridiques doivent être mentionnées.
Il doit être aussi rappelé que, dans l’hypothèse où le procureur de la République modifie la qualification des faits en application du nouvel article 63 alinéa 2, la personne gardée à vue doit être immédiatement informée de cette nouvelle qualification.
b.La date présumée de l’infraction
L’information sur la date présumée de l’infraction constitue une disposition nouvelle : elle vise à compléter l’information donnée à la personne gardée à vue sur la nature de l’infraction, et permet de faire référence à une date ou à une période de temps.
Une date imprécise notifiée à ce stade de la procédure ne saurait faire grief à la personne, dès lors qu’elle résulterait des éléments de la procédure au moment du
placement en garde à vue.
2. La notification des droits inhérents à la garde à vue.
a. information par un OPJ ou par un APJ sous le contrôle d'un OPJ
Les 4ème et 5ème alinéas de l’article 63-1 précisent que la personne gardée à vue est immédiatement informée par un OPJ, ou sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire « du fait qu’elle bénéficie (…) du droit de faire prévenir un proche et son employeur, conformément à l’article 63-2, du droit d’être examinée par un médecin, conformément à l’article 63-3, du droit d’être assistée d’un avocat, conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 (…) ».
Il apparaît, à la lecture de ce texte, que la personne placée en GAV peut être avisée de ses droits par un OPJ mais aussi par un APJ agissant sous son contrôle. Cette disposition doit être bien comprise, en ce que seul l’OPJ décide de la mesure de GAV et prescrit simplement à l’APJ de procéder aux notifications obligatoires. L’APJ doit alors établir un procès verbal de notification des droits en visant les instructions de l’OPJ.
b. formalisme de la notification
En pratique, une simple notification orale des droits peut être effectuée dès le placement en GAV ou dans un temps très court (une demi-heure), la transcription par procès-verbal pouvant n’intervenir qu’ultérieurement (dans un délai de trois heures). Il est toutefois indispensable que ce PV, signé par l’intéressé, précise expressément que celui-ci a été avisé de ses droits dès le placement en GAV.
Les articles 63-2 et 63-3 prévoient que les diligences incombant aux enquêteurs au titre des droits reconnus au bénéfice de la personne gardée à vue doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne en a formulé la demande « sauf en cas de circonstances insurmontables ». La jurisprudence de la Cour de cassation est venue préciser les raisons très précises justifiant de telles circonstances.
c. notification dans une langue que le gardé à vue comprend
Ainsi en est-il de l’indisponibilité d’un interprète. Il faut cependant démontrer que les diligences effectuées n’ont pas permis de faire venir un interprète et caractériser la circonstance insurmontable justifiant l’impossibilité pour l’OPJ de notifier immédiatement l’intégralité des droits. L’OPJ doit donc acter toutes les initiatives prises et les difficultés rencontrées dans l’exécution des droits notifiés.
La Chambre criminelle ( Cass. crim. 26 mai 1999, BICC 498, n° 952. ) a précisé que la loi exige que la personne ait connaissance dans une langue qu’elle comprend de ses droits mais non que l’OPJ ait recours à un interprète assermenté. De même, a été jugé régulier un PV de notification des droits à une personne de nationalité chinoise mentionnant expressément qu’il lui a été remis une notice, visée par le traducteur assermenté, qui est la traduction en langue chinoise des droits (CA Douai 17 septembre 1997, Bull. Info. Cass. 1998, n° 458.).
Les droits peuvent donc être notifiés au moyen d’une traduction écrite dans la langue concernée. C’est d’ailleurs ce que prévoit l’article 63-1 du CPP : « la personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire, ou sous le contrôle de celui-ci par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend, le cas échéant au moyen de formulaires écrits (…) ».
La CEDH a également exigé que la personne soit informée des causes de son arrestation dans un langage simple et accessible (CEDH 30 août 1990 Fox, Campbell et Hartley c. R.U., série A, n° 182. Dr. pénal juillet 2000, p. 22. )
Dans l’hypothèse où les enquêteurs ne disposent d’aucun formulaire écrit dans la langue considérée, la loi n’impose pas la présence physique de l’interprète dans les locaux de police mais seulement l’intervention de celui-ci. Il en résulte donc que la traduction de cette notification peut être assurée téléphoniquement par un interprète. Sur ce point aussi, la loi est venue confirmer la jurisprudence puisque l’article 706-71 du CPP (issu de la loi du 15 novembre 2001) permet, en cas de nécessité, de recourir à l’assistance d’un interprète par l’intermédiaire d’un moyen de communication.
L’alinéa 4 de l’article 63-1 complète ce dispositif en prévoyant – hypothèse très marginale – que si la personne gardée à vue « est atteinte de surdité et qu’elle ne sait ni lire ni écrire, elle doit être assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec des sourds. Il peut également être recouru à tout dispositif technique permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité ».
d. notification lorsque le gardé à vue est sobre
Si la personne est en état d’ébriété, la notification des droits peut être différée jusqu’à complet dégrisement pour permettre à la personne placée en GAV de comprendre la portée de ce qui lui est notifié (Cass. crim. 3 avril 1995, Bull. n° 140.). Cet état peut éventuellement être constaté par un médecin requis. A contrario, si la personne, malgré son imprégnation alcoolique, est en état de répondre, ce constat doit figurer dans son audition et être confirmé par le gardé à vue (Cass. crim. 10 mai 2000, Bull. n° 181.).
Une difficulté peut se poser lorsque la personne a été placée en dégrisement, puis entendue ensuite sans mesure de GAV. Il semble, selon un arrêt de la Chambre criminelle, que soit parfaitement justifiée l’utilisation de la retenue en chambre de dégrisement pour effectuer des actes d’instruction relatifs à la commission d’infractions par la personne retenue, notamment lorsqu’il s’agit de son audition.
Il y a lieu d’observer que la retenue est ici une mesure de police et qu’elle ne peut excéder le temps du dégrisement. Dés lors, l’on pouvait penser avec certains auteurs que « lorsque la personne est trouvée en en état d’ivresse manifeste, elle ne peut être entendue sous le régime des dispositions de ce texte. La personne doit, pour son audition, être placée en GAV, à moins bien sûr qu’elle n’accepte volontairement d’être entendue » (Cass. crim 11 janv. 2001, Dr. pénal août /sept 2001, n° 107).
A cet égard, l’article 15 de la loi du 14 avril 2011 rétablit l’article L 3341-2 du code de la santé publique afin de prévoir qu’à l’issue d’une rétention pour ivresse publique et manifeste, la placement en garde à vue , s’il existe un motif prévu à l’article 62-2, est facultatif dès lors que la personne n’est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs et qu’elle a été informée qu’elle peut à tout moment quitter les locaux de police et de gendarmerie.
Le même article 15 de la loi insère à l’identique dans le code de la route, les articles
L 234-18 et L 235-5 afin de préciser que les OPJ ne sont pas obligés de placer une personne en garde à vue après l’avoir retenue le temps nécessaire à la réalisation des épreuves de dépistage et des vérifications prévus par les articles L 234-3 et L 234-5 (alcool) d’une part, et l’article L 235-2 (stupéfiants), d’autre part.
La Cour de cassation prend soin de contrôler la pertinence des circonstances qui ont entraîné la tardiveté de la notification des droits. Pourtant, la pratique montre souvent que les PV ne sont pas suffisamment explicites. Les enquêteurs pourraient expliquer précisément en quoi ont consisté les circonstances de fait ayant conduit à un tel retard afin d'éviter tout vice de procédure.
3. Le droit d'être informé des suites de la procédure
L’article 63-8 précise qu’à l’issue de la garde à vue, la personne est, sur instruction du procureur de la République sous la direction duquel l’enquête est menée, soit remise en liberté, soit déférée devant ce magistrat. Quelle que soit l’option retenue, la personne est en droit de connaître la suite donnée à la procédure pour laquelle elle a été placée en garde à vue.
L’article 77-2 prévoit que « toute personne placée en garde à vue au cours d’une enquête préliminaire ou de flagrance qui, à l’expiration d’un délai de 6 mois à compter de la fin de la garde à vue, n’a pas fait l’objet de poursuites, peut interroger le procureur de la République (…) sur la suite donnée ou susceptible d’être donnée à la procédure. Cette demande doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception. ».
La loi du 9 mars 2004 a cependant retiré ce droit aux personnes ayant fait l’objet d’une garde à vue dans le cadre d’une enquête concernant une des infractions visées à l’article 706-73 (délinquance organisée). Cette exclusion est maintenue dans le cadre de la réforme de la garde à vue.
Pour assurer l’effectivité de ce droit, le dernier alinéa de l’article 63-8 impose aux enquêteurs, lorsqu’aucune décision n’a été prise par le parquet sur l’action publique, de porter à la connaissance de la personne qui a fait l’objet de la GAV les dispositions de l’art. 77-2.
B. LE DROIT DE FAIRE PREVENUR UN TIERS (art. 63-2 du CPP).
L’article 63-2 accorde le droit à toute personne placée en garde à vue de faire prévenir – et non de prévenir elle-même – par téléphone une personne avec laquelle elle vit habituellement ou un membre de sa famille (parents en ligne directe, frères et sœurs), ou son curateur ou son tuteur et son employeur.
Il en ressort que la personne gardée à vue peut, depuis la loi du 14 avril 2011, faire prévenir deux personnes à la fois de la mesure dont elle fait l’objet : d’une part, un proche, d’autre part, son employeur.
La communication doit avoir pour unique objet d’informer sur la situation dans laquelle se trouve la personne gardée à vue et de mettre ainsi notamment la famille en mesure d’exercer le droit de solliciter un examen médical, en application de l’article 63-3, ou de désigner un avocat conformément à l’article 63-3-1 alinéa 3.
Si cette information paraît susceptible de nuire au bon déroulement de la procédure, l’OPJ en réfère sans délai au procureur de la République qui décide s’il y a lieu ou non de la différer. Une lecture a contrario de l’alinéa 2 de l’article 63-2 permet d’affirmer, en effet, que le PR peut, en raison des nécessités de l’enquête, faire obstacle à l’exercice de ce droit.
Le nom et le numéro de téléphone de la personne informée seront utilement transcrits sur le procès-verbal.
Selon l’article 63-2 alinéa 3, les enquêteurs disposent d’un délai de 3 heures pour exécuter une telle demande. Ce délai commence à courir à compter du moment où le gardé à vue a exprimé la volonté.
d’exercer son droit de faire prévenir un tiers et non plus, comme sous l’empire des anciens textes, à compter du placement en garde à vue.
C. LE DROIT D'ETRE EXAMINE PAR UN MEDECIN (art. 63-3 du CPP).
L’article 63-3 fait de l’examen médical un droit pour la personne gardée à vue dont elle est informée et qu’elle peut exercer dès le début de la mesure. Rappelons, cependant, l’existence d’un délai de trois heures pour mettre en œuvre ce droit (art.63-3), l’OPJ ou le PR désignant le médecin habilité à pratiquer l’examen.
Pour l’exercice de ce droit, la personne gardée à vue n’est pas tenue de se décider rapidement. On admet, en effet (Circulaire du 1er mars 1993), qu’elle peut faire valoir ce droit dans le cours du délai de 24 heures. Mais ce droit ne peut alors être exercé qu’une seule fois. Cela signifie que, si l’intéressé peut toujours formuler une nouvelle demande, l’OPJ peut lui opposer un refus si un deuxième examen ne lui paraît pas justifié.
Cependant, dans l’hypothèse d’une prolongation, l’intéressé peut demander à être examiné une seconde fois. Dès lors, même s’il estime qu’un tel examen est superflu, l’OPJ doit y faire droit.
L’article 706-88 (al. 4) va même plus loin puisqu’il prévoit que la première prolongation supplémentaire intervenant dans le cadre d’une procédure concernant l’une des infractions visées à l’article 706-73 (criminalité et délinquance organisées) est nécessairement suivie d’un examen médical, même si l’intéressé n’en fait pas la demande. Cet individu est, en outre, avisé de son droit de demander de nouveaux examens, lesquels, en la matière, sont de droit.
L’article 63-3 prévoit, de plus, que le PR ou l’OPJ peut à tout moment demander d’office à un médecin d’examiner la personne gardée à vue. Enfin, si aucune demande n’est faite en ce sens, un membre de la famille peut toujours imposer un tel examen.
Le médecin examine sans délai la personne gardée à vue et se prononce sur l’aptitude au maintien en GAV, en rédigeant un certificat médical versé au dossier, et procède à toutes constatations utiles (art. 63-3 al. 1 ; art. 706-88 al. 4).
La poursuite d’une mesure de garde à vue d’une personne dans des conditions qui sont, selon le certificat médical, incompatibles avec son état de santé porte nécessairement atteinte à ses intérêts (Crim., 27 octobre 2009).
D. LE DROIT D'ETRE ASSISTE PAR UN AVOCAT DES LE DEBUT DE SA GARDE A VUE (Art 63-3-1 nouveau à 63-4-5)
La place de l’avocat durant la garde à vue est naturellement primordiale, en ce qu’il incarne les droits de la défense. Force est de constater que son rôle en tant qu’acteur de la procédure fut fortement limité avant la loi du 14 avril 2011.
La réforme de la GAV a considérablement renforcé les pouvoirs de l’avocat. Ces nouvelles dispositions le placent désormais au cœur de la procédure. Le principe est, selon l’article 63-3-1 nouveau du CPP, le droit d’être assisté par un avocat dès le début de sa GAV, sauf raisons impérieuses.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme (arrêts Dayanan c/ Turquie du 13 octobre 2009 et Adamkiewicz c/ Pologne du 2 mars 2010) prévoit la présence de l’avocat dès les premiers stades de la garde à vue et le fait que la personne gardée à vue soit mise en mesure d’obtenir « toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil » (discussion de l’affaire, organisation de la défense, recherche des preuves favorables à l’accusé, préparation des interrogatoires, soutien de l’accusé en détresse et contrôle des conditions de détention).
Les exigences de la Cour de Strasbourg sont donc très claires quant au rôle de l’avocat lors de l’interrogatoire.
Sans doute l’article 63-4-2, alinéas 1 et 2, du Code de procédure pénale tire-t-il les enseignements de la jurisprudence européenne en énonçant que :
- Le principe du droit à l’assistance d’un avocat lors des auditions et confrontations est désormais inscrit dans la loi. La première audition ne pouvant alors commencer sans lui pendant un « délai de carence » de deux heures : le temps que l’avocat arrive au local de police ou de gendarmerie (alinéa 1er).
- Si l’avocat se présente après l’expiration du délai prévu au premier alinéa alors qu’une audition ou une confrontation est en cours, celleci est interrompue à la demande de la personne gardée à vue afin de lui permettre de s’entretenir avec son avocat et que celui-ci prenne connaissance des documents utiles. Si la personne gardée à vue ne demande pas à s’entretenir avec son avocat, celui-ci peut assister à l’audition en cours dès son arrivée dans les locaux du service de police judiciaire ou à la confrontation (alinéa 2).
1. La notification du droit d’être assisté par un avocat dès le début de sa GAV.
L’article 63-3-1 encadre l’intervention de l’avocat durant l’exécution de la garde à vue en traitant principalement de sa désignation, du moment de son intervention et de son rôle.
Afin que la personne gardée à vue puisse exercer ce droit en toute connaissance de cause, les OPJ ou, sous leur contrôle, les APJ doivent explicitement notifier et acter sur le procès-verbal de notification des droits, le contenu de ce droit à l’assistance : il comprend le droit de s’entretenir avec un avocat (article 63-4) et le droit de demander que l’avocat assiste aux auditions et confrontations (article 63-4-2).
2. Désignation et information de l’avocat.
L’avocat doit être informé, par tous moyens et sans délai, de la demande d’assistance de la personne en garde à vue.
Les deux premiers alinéas de l’article 63-3-1 prévoient notamment que, si la personne gardée à vue et désireuse de s’entretenir avec un avocat « n’est pas en mesure d’en désigner un ou si l’avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu’il lui en soit commis un d’office par le bâtonnier. Le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai ».
L’intéressé qui sollicite l’assistance d’un avocat a donc la faculté de le choisir lui-même. L’OPJ a alors l’obligation de contacter cet avocat, ou plus exactement l’obligation de tout mettre en œuvre pour y parvenir.
En effet, les enquêteurs ne sauraient être rendus coupables de l’impossibilité de joindre l’avocat. Ils sont tenus à une obligation de moyens et non de résultat. Il est fortement recommandé de connaiître le numéro de son avocat ainsi que l'orthographe de ses nom et prénom afin de faciliter sa prise de contact.
La jurisprudence antérieure relative à la demande d’entretien avec un avocat doit s’appliquer à la situation nouvelle de demande d’assistance d’un avocat désigné (entretien et assistance aux auditions). Il faut ainsi que l’OPJ justifie avoir accompli les démarches de nature à permettre, dans le délai légal, l’exercice du droit à l’entretien avec son avocat (Circulaires du 4 décembre 2000 et 23 mai 2011).
Ainsi, il a été jugé qu’est irrégulière et porte atteinte aux droits de la personne gardée à vue son audition poursuivie par les policiers après la vingtième heure accomplie, dès lors, qu’en dépit de sa demande, elle n’a pu s’entretenir avec un avocat à l’expiration de ce délai, et qu’aucun élément de la procédure ne justifie des diligences effectuées par l’officier de police judiciaire afin de lui permettre l’exercice de ce droit (Cass. crim 10 mai 2001, BICC n° 765. ).
Si l’avocat choisi ne peut être joint ou ne peut se libérer ou si la personne gardée à vue ne désire pas un avocat en particulier, une désignation d’office peut alors avoir lieu. Afin de permettre l’exercice de ce droit, l’OPJ qui décide un placement en garde à vue doit se mettre en relation, dès lors que l’intéressé le demande, avec le dispositif mis en place par le Barreau afin que soit sollicitée l’assistance d’un avocat de permanence ou d’un avocat nommément désigné.
L’avocat prévenu est tenu de se présenter aux services d’enquête avant l’expiration d’un délai de 2 heures à moins qu'il en ait été convenu autrement. Les contraintes inhérentes à son déplacement peuvent en effet conduire à ce qu’il ne se présente que plusieurs heures après avoir été prévenu, mais aucun cumul de la durée des entretiens n’est possible. De même, les services de police peuvent différer cet entretien afin de le cumuler avec une éventuelle audition et/ou confrontation.
C’est donc, à son arrivée au service, qu’il doit pouvoir s’entretenir avec la personne gardée à vue. Si cette dernière est en cours d’audition, les enquêteurs doivent cesser celle-ci aux fins de permettre l’entretien.
En tout état de cause, le procès-verbal doit décrire précisément les diligences mises en œuvre par les enquêteurs pour contacter l’avocat et le contenu des différentes informations données à ce dernier, ainsi que l’heure à laquelle ces diligences ont été effectuées (nombre d’appels passés, numéros de téléphone composés, etc.).L’avocat peut également être désigné par la famille de la personne gardée à vue (article 63-2). Dans cette hypothèse, les OPJ ou APJ font confirmer cette désignation par la personne gardée à vue.
L’avocat choisi ou désigné est informé de la nature, de la date présumée de l’infraction sur laquelle porte l’enquête.
En cas de difficultés liées à l’existence de conflit d’intérêts, il appartient à l’avocat de faire demander la désignation d’un autre avocat. Le procureur de la République ou les OPJ peuvent également estimer qu’il existe un conflit d’intérêts et en faire part à l’avocat concerné. En cas de divergence d’appréciation, le PR ou les OPJ en informent le bâtonnier qui peut alors désigner un autre avocat.
3. L’attente et l’arrivée de l’avocat
En application des dispositions de l’article 63-4-2 du CPP, si l’avocat ne s’est pas encore présenté, les officiers ou agents de police judiciaire respectent un délai d’attente de deux heures durant lequel ils ne peuvent débuter les auditions.
Ce délai de deux heures court à compter du moment où le bâtonnier ou l’avocat choisi ou de permanence a été avisé. L’heure de cet avis doit en conséquence être mentionnée sur procès-verbal, ainsi que l’heure à laquelle l’audition a débuté.
En revanche le délai d’attente de deux heures n’interdit pas aux enquêteurs de procéder à une audition de la personne portant uniquement sur les éléments essentiels d’identité.
Ensuite, ce délai d’attente ne vaut que pour le premier interrogatoire de la personne placée en garde à vue et non pour ceux réalisés ultérieurement au cours de la mesure.
Ce délai doit être respecté lorsque la personne placée en garde à vue a renoncé à l’assistance d’un avocat au moment de la notification des droits et décide en cours de mesure de solliciter l’intervention d’un conseil. Il en est de même lorsqu’un nouvel avocat a été désigné en raison de la constatation d’un conflit d’intérêts.
Les auditions ou confrontations sont interrompues à la demande de la personne gardée à vue si son avocat se présente après l’expiration du délai de deux heures alors que l’acte est en cours.
Par ailleurs, l’article 63-4-2 du CPP permet, lorsque les nécessités de l’enquête exigent une audition immédiate de la personne gardée à vue, au procureur de la République d’autoriser, par décision écrite et motivée et sur demande de l’OPJ, que l’audition débute sans attendre l’expiration du délai de deux heures. Le procureur de la République joint alors à la procédure sa décision écrite.
4. Le report de l’intervention de l’avocat pour des raisons impérieuses
Un report de l’intervention de l’avocat est possible à « titre exceptionnel » et « si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête, soit pour permettre le bon déroulement d’investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte immédiate aux personnes » (article 63-4-2 du CPP)
La décision de report ne peut être prise par le procureur de la République que pour une durée de douze heures pour les GAV de droit commun. A l’issue de ce délai, la prolongation du report pour une nouvelle durée de douze heures peut être décidée par le juge des libertés et de la détention saisi par le procureur de la République, mais seulement pour les crimes ou les délits punis d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans.
Le report en droit commun porte sur la consultation des pièces de la procédure et l’assistance aux auditions, mais non sur l’entretien de trente minutes.
Enfin, le report fait toujours l’objet d’une décision écrite et motivée du procureur de la République, prise sur demande de l’OPJ et au regard des éléments précis et circonstanciés de l’espèce. La circulaire du 23 juin 2011 rappelle le caractère nécessairement exceptionnel de l’emploi de cette dérogation au principe d’assistance effective de l’avocat au cours de la GAV imposant de veiller rigoureusement au respect des conditions de fond la justifiant.
5. Office de l’avocat durant la garde à vue
L’avocat dispose de la faculté de s’entretenir avec la personne gardée à vue (article 63-4 du CPP), de consulter certaines pièces de la procédure (article 63-4-1 du CPP) et d’assister aux auditions et confrontations de la personne gardée à vue (articles 634-2 et 63-4-3 du CPP).
La place de l’avocat durant la GAV est naturellement primordiale, en ce qu’il incarne les droits de la défense, son rôle en tant qu’acteur de la procédure a été élargi par la loi du 14 avril 2011.
L’article 63-4 (al. 1) prévoit seulement qu’il peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l’entretien.
Ainsi, la présence d’un policier durant le premier entretien entre la personne suspectée et son avocat méconnaît l’exercice des droits de la défense:
- Cet entretien ne peut excéder 30 minutes.
- A son issue, l’avocat peut présenter des observations écrites qui sont jointes à la procédure.
La personne gardée à vue ne peut s’entretenir qu’une seule fois avec son avocat par tranche de vingt-quatre heures.
L’avocat peut désormais également, dès son arrivée dans les locaux des services et unités de police judiciaire, prendre connaissance des pièces suivantes, dont la liste est strictement limitative : procès-verbaux de placement en garde à vue et des droits y étant attachés, certificat médical et procès-verbaux d’audition et de confrontation de la personne.
Il appartient à l’avocat de décider s’il souhaite prendre connaissance de ces pièces avant ou après l’entretien de trente minutes.
L’accès aux procès-verbaux d’audition et de confrontation peut être reporté au même titre que le report de la présence de l’avocat.
L’avocat peut, enfin, assister aux auditions et confrontations du gardé à vue à l’exclusion de tout autre acte d’enquête (il ne peut dès lors assister aux perquisitions qui intéressent son client).
Les auditions et confrontations demeurent menées par les OPJ et APJ qui disposent de la direction exclusive de l’acte. L’avocat peut en revanche poser des questions à la personne gardée à vue à l’issue de chaque audition ou confrontation.
L’OPJ dispose de la faculté de s’opposer aux questions ainsi formulées si celles-ci lui semblent de nature à nuire au bon déroulement de l’enquête. L'avocat est libre de déposer des observations relatives au déroulement de l'audition.
L’avocat peut relire le procès-verbal d’audition et présenter à l’issue de chaque audition ou confrontation des observations écrites qui sont alors jointes à la procédure.
Dans un souci d’équilibre des droits entre les parties (principe d’égalité des armes au cours de la procédure pénale), la loi du 14 avril 2011 a prévu l’assistance de la victime par un avocat dans l’hypothèse d’une confrontation avec le gardé à vue (article 63-4-5 du CPP)
En application des dispositions de l’article 63-4-4 du CPP, l’avocat ne peut faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue ni des entretiens avec la personne qu’il assiste, ni des informations qu’il a recueillies en consultant les procèsverbaux et en assistant aux auditions et confrontations. Il ne peut davantage réaliser ou solliciter des copies des pièces de procédure qu’il a pu consulter. D’une manière plus générale, l’avocat est tenu de respecter le secret de l’enquête et de l’instruction posé par l’article 11 du CPP.
E. DROIT DE GARDER LE SILENCE
La loi du 18 mars 2003 avait finalement abrogé la disposition prévoyant que la personne gardée à vue était immédiatement informé de son «choix de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui seront posées ou de se taire » alors introduite par la loi du 15 juin 2000.
Pour autant, cette abrogation était, bien évidemment, sans incidence sur le droit fondamental consacré par la Cour européenne des droits de l’homme et dont l’existence n’était que le reflet des droits de la défense (au même titre que le droit de mentir) et du droit au respect de la présomption d’innocence (qui interdit notamment d’assimiler le mutisme à une reconnaissance de culpabilité).La loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 consacre le droit pour la personne gardée à vue de garder le silence lors des auditions et confrontations.
En application de l’article 63-1, ce droit est désormais notifié à toutes les personnes immédiatement après leur placement en GAV, et en même temps que les autres informations et droits. Le libellé du droit au silence prévu au 3° de cet article – « droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire » - doit être repris in extenso sur le procès verbal de notification des droits attachés à la garde à vue.
Théoriquement, ce droit ne s’applique pas à la déclinaison de l’identité qui correspond selon les pratiques policières habituelles aux nom, prénom, date et lieu de naissance, filiation, nationalité et adresse. Cela dit, si la personne se tait sur son identité, il n’y a pas de sanctions hormis la commission éventuelle d’une infraction de déclaration d’une identité fausse ou imaginaire.
La personne gardée à vue peut exercer ce droit à tout moment.
Le droit au silence n’équivaut ni à un droit pour la personne gardée à vue de mettre fin à son interrogatoire et d’être reconduite dans sa cellule, ni à une obligation pour les enquêteurs de lever cette mesure.