En 1993, la Ville de Paris a acquis par voie de préemption, un hôtel meublé donné en location-gérance à M. X. Dans le cadre d’une opération d’aménagement nécessitant la fermeture de cet établissement, la Ville a demandé au juge de l’expropriation de statuer sur le droit au relogement de M. X., occupant d’une chambre et sur l’indemnité d’éviction susceptible de lui revenir, s’agissant d’un étranger dépourvu d’un titre de séjour régulier.
Dans son premier moyen, la Ville de Paris fait valoir que le juge de l’expropriation n’a pas compétence pour apprécier la situation de M. X. au regard des règles relatives au séjour des étrangers, cette question ne pouvant être tranchée que par le juge du fond. La Cour de cassation écarte ce moyen au motif que la régularité du séjour ne relève pas des contestations sérieuses sur le fond du droit ou la qualité des réclamants imposant au juge de l’expropriation de faire application de l’article L. 13-8 du code de l’expropriation. En conséquence, la cour d’appel a retenu à bon droit « que le juge de l’expropriation était seul compétent pour statuer […] sur le litige relatif au droit au relogement d’un occupant et à l’indemnisation pouvant lui être due à ce titre ».
La Ville de Paris, dans un deuxième moyen, soutient que l’ordre public s’oppose à ce qu’une personne séjournant clandestinement en France puisse faire constater par le juge le droit de se voir affecter un logement pour y demeurer en violation de la loi. La Cour de cassation déclare le moyen infondé puisque au regard des circonstances de l’espèce et compte tenu de ce que « les articles L. 314-1 et suivants du Code de l’urbanisme ne posent aucune condition tenant à la situation administrative des occupants étrangers, M. X. était un occupant de bonne foi et devait bénéficier du droit au relogement et de l’indemnité due » en application de ces dispositions.
Enfin, la Haute juridiction écarte également le dernier moyen tiré de ce que l’offre de relogement à un étranger en situation irrégulière serait constitutive de l’infraction d’aide au séjour irrégulier en application de l’article L. 622-1 du CESEDA. La Cour déclare que « l’obligation de reloger, qui relève de l’ordre public social, est prévue de la manière la plus large pour tous les occupants de bonne foi » peu important que ceux-ci soient ou non en situation régulière sur le territoire. Par conséquent, la mise en œuvre de l’obligation ne pouvait caractériser une infraction pénale.
Cette décision ne doit pas être regardée comme un revirement de jurisprudence de la Haute juridiction. En effet, elle s'inscrit pleinement dans la droite ligne de la position du Conseil constitutionnel à propos des expulsions d’occupants sans droit, ni titre (Décisions n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 "Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure et n° 2011-169 QPC, 30 septembre 2011, www.conseil-constitutionnel.fr).
Si le Conseil, dans sa décision du 10 mars, a bien censuré l’expulsion administrative sans considération de la situation personnelle ou familiale des personnes pour des motifs d’ordre public de campements illicites, il rappelle néanmoins dans la seconde (QPC 30 septembre 2011) d’une part, la nature constitutionnelle du droit de propriété et de l’objectif que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent et, d’autre part, la compétence du législateur pour mettre en œuvre cet objectif en apportant, s’il l’estime nécessaire, des limitations au droit de propriété. Ainsi, comme l'indique le Commentaire aux Cahiers, il n’appartient pas au Conseil « de statuer sur la question de savoir si une occupation d’un terrain sans droit ni titre doit toujours être regardée comme un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809, alinéa 1er, du CPC et doit toujours donner lieu à une expulsion en urgence ». En cela, il n'y a aucune remise en cause de l'interprétation adoptée par la Cour de cassation dans sa définition de droit de propriété qu'elle considère comme absolu (art. 544 du Code civil).
Ainsi, dans l'arrêt du 12 septembre 2012, la Cour fonde son interprétation sur la régularité de la situation juridique de l’occupant à l’égard du logement pour lui reconnaitre le droit au relogement né de la procédure d'expropriation, ce qui n’est en aucun cas la situation des ménages évacués des campements illicites considérés comme occupants sans droit ni titre.