I-Rappel de la notion de prestation compensatoire
A) Notion textuelle de la prestation compensatoire
Article 270 code civil
"Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.
L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge.
Toutefois, le juge peut refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture."
L'article 271 du Code Civil énumère, de manière non limitative, un certain nombre de critères ;
"Aux termes de ce texte, la prestation est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est verse et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
Le juge prend notamment en considération :
-la durée du mariage;
-l'âge et l'état de santé des époux;
-leur qualification et leur situation professionnelles;
-les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne;
-le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après liquidation du régime matrimonial;
-leurs droits existants et prévisibles ;
-leur situation respective en matière de pension de retraite."
2°- Critères dans la disparité
Les juges prendront en compte
a) L'existence de cette disparité, pour apprécier la perte en qualité de vie parmi les critères posés
b) Les causes de cette disparité,1ère Civ,6 mars 2007,pourvois n° 06-11364 et 06-10611
Ainsi, le juge cherchera à savoir si une personne n'a pas travaillé durant le mariage par choix personnel, ou dans le cadre des tâches familiales ...
c) Le moment de la disparité sera aussi considéré
La cour refuse de prendre en compte la durée de la vie commune antérieure au mariage Cass 1ère Civ, 18 mai 2011, pourvoi n° 10-17445 1ère Civ,1er juillet 2009, pourvoi n°08-18147, 1re Civ,16 avril 2008, pourvois n° 07-12.814, n°-0712.814, n°07-17.652.
La durée de la cohabitation effective, postérieure à la célébration du mariage, sera seule en compte par le juge, alors qu'il n'en sera rien du concubinage antérieur à l'union, dans la mesure où les obligations découlant du mariage naissent à compter de la célébration de celui-ci.
II Analyse des décisions jurisprudentielles sur les éléments à prendre en compte
Aux visas des articles 270 et 271 du code civil, la cour a pu statuer sur l'appréciation des éléments à prendre en compte ou à exclure pour fixer la prestation compensatoire
A) Les 3 pourvois du 15 février 2012
Par 3 trois arrêts de cassation partielle du 15 février 2012, Pourvois N°10-20-018;11-11-000,11-14-187,la première chambre civile de la cour de cassation nous précise quels éléments ne peuvent être retenus pour le calcul de la prestation au visa des articles 270 et 271 du code civil.
Pourvois N°10-20-018;11-11-000,11-14-187
La cour a complété sa liste d'exclusion suite aux deux arrêts du 6 octobre 2010.
1°- Ne seront pas considérés dans le calcul de la prestation compensatoire les revenus locatifs procurés par les biens communs, qui après la dissolution du mariage restent en indivision entre les époux n° 10-20.018,
2°- Ne seront pas considérés dans le calcul de la prestation compensatoire les allocations familiales destinées à l'entretien des enfants, car elles ne constituent pas des revenus propres à un époux n° 11-11.000,
3°- Ne seront pas considérés dans le calcul de la prestation compensatoire les loyers d'un immeuble commun versés à un époux au titre du devoir de secours.
Tout avantage perçu au titre du devoir de secours, pendant la durée de l'instance en divorce , ne peut servir à constater une inégalité dans les conditions de vie respectives des époux au moment du divorce n° 11-14.187
B)-1 ere Civ,18 janvier 2012, pourvoi N°11-13.547
La pension versée au titre du devoir de secours ayant un caractère provisoire, ne peut être prise en compte pour l'évaluation de la prestation compensatoire.
C) 1ere Civ,6 octobre 2010 pourvois n°09-12.718 et n° 09-10.989
Je renverrai le lecteur à mon commentaire sur ces arrêts.
1ère Civ, 6 octobre 2010 : deux arrêts sur la fixation de la prestation compensatoire à retenir...
Les prestations destinées aux enfants, ne constituent pas des revenus bénéficiant à un époux,cass 1ère Civ, 15 février 2012,pourvoi N°11-11-000 précité est confirmé par;1ère Civ, 6 octobre 2010, pourvoi n°09-12.718 Cass 1ere Civ, 25 janvier 2005 pourvoi n° 02-13.376 Cass 1ere Civ,12 mai 2004 pourvoi n° 03-10.249
Les éléments non encore réalisés au moment du prononcé du divorce et qui ne présentent pas, à la date de celui-ci, de caractère prévisible, ne peuvent être pris en compte.: 1ère Civ 6 octobre 2010, pourvoi n° 09-10.989
III Présentation des arrêts de cassation
III-1 partielle de 1 ere Civ, 15 février 2012 sans production des moyens annexes
A) N° de pourvoi: 10-20018
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que l'arrêt attaqué prononce le divorce de M. X... et de Mme Z... à leurs torts partagés et rejette la demande de l'épouse tendant à l'octroi d'une prestation compensatoire ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 270 et 271 du code civil ;
Attendu que, pour décider qu'il n'existe pas de disparité sensible dans les conditions de vie actuelles des époux et débouter Mme Z... de sa demande de prestation compensatoire, l'arrêt retient, notamment, au titre de ses ressources, qu'elle bénéfice de revenus locatifs tirés à la fois de l'immeuble dont elle est propriétaire à Lourdes et de biens de communauté situés à Tarbes, qu'elle a déclaré en 2008 un montant de revenus fonciers nets de 18 966 euros, soit 1 580, 50 euros par mois, et que, compte tenu des impôts fonciers, assurances et charges diverses, elle a perçu un revenu locatif de 1 400 euros par mois et que sa situation n'est pas susceptible d'évolution ;Qu'en prenant en considération les revenus locatifs procurés par les biens dépendant de la communauté, alors que,pendant la durée du régime, ces revenus entrent en communauté et qu'après sa dissolution, ils accroissent à l'indivision, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme Z... de sa demande de prestation compensatoire,l'arrêt rendu le 16 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être
transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille douze.
B) N° de pourvoi: 11-11000
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches :
Vu les articles 270 et 271 du code civil ;
Attendu que, pour retenir une absence de disparité, en conséquence de la rupture du mariage, dans les conditions de vie respectives des époux X...-Y... et rejeter la demande de prestation compensatoire de Mme Y..., l'arrêt attaqué a fait figurer les allocations familiales au titre des revenus dont elle disposait ;Qu'en se déterminant ainsi, alors que ces prestations, destinées à l'entretien des enfants, ne constituent pas des revenus bénéficiant à un époux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition rejetant la demande de prestation compensatoire de Mme Y...,l'arrêt rendu le 6 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se touvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;Condamne M. X... aux dépens ;Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne M. X... à payer à la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de Mme Y..., la somme de 2 500 euros ;Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille douze.
C) N° de pourvoi: 11-14187
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux premiers moyens :
Attendu que ces moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 270 et 271 du code civil ;
Attendu que la prestation compensatoire est destinée à compenser autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux et que le juge la fixe en tenant compte de leur situation au moment du divorce ;
Attendu que, pour débouter Mme X... de sa demande de prestation compensatoire, l'arrêt retient que le loyer de l'immeuble commun situé à Somain et donné à bail lui est dévolu sans rapport à la communauté, au titre du devoir de secours ;Qu'en prenant en considération l'avantage constitué par le loyer perçu au titre du devoir de secours, pendant la
durée de l'instance, pour se prononcer sur l'existence d'une disparité dans les conditions de vie respectives des époux, créée par la rupture du mariage, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à la prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 24 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;Condamne M. Y... aux dépens ;Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être
transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille douze.
Un jugement a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'épouse, constaté l'absence de demande relative à la prestation compensatoire.
Sur appel de celle-ci la cour d'appel de Grenoble a confirmé la décision déférée et condamné l'époux à verser à sa femme une certaine somme à titre de prestation compensatoire, retenant que l'époux lui versait une pension alimentaire de 1.300 euros mensuels.
La Cour de cassation casse l’arrêt le 18 janvier 2012, estimant que la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil en statuant ainsi, "alors que cette obligation ayant un caractère provisoire ne peut être prise en compte dans la fixation de la prestation compensatoire due à Mme X.".
III-2 Présentation de 1 ere Civ,18 janvier 2012, pourvoi N° 11-13.547, Inédit
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... et M. Y... se sont mariés le 21 août 1976 ; qu'autorisé par une ordonnance de non-conciliation du 13 octobre 2006, l'époux, par acte du 28 juin 2007, a fait assigner sa femme en divorce pour faute sur le fondement de l'article 242 du code civil ; que, par jugement du 20 avril 2009, le tribunal de grande instance de Grenoble a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'épouse, constaté l'absence de demande relative à la prestation compensatoire et condamné Mme X... à remettre à M. Y... ses effets personnels ; que, sur appel de celle-ci la cour d'appel de Grenoble a confirmé la décision déférée et condamné l'époux à verser à sa femme une certaine somme à titre de prestation compensatoire ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 270 et 271 du code civil ;
Attendu que pour fixer à une certaine somme le montant du capital dû à Mme X... au titre de la prestation compensatoire, l'arrêt retient que M. Y... lui verse une pension alimentaire de 1 300 euros mensuels ;
Qu'en statuant ainsi, alors que cette obligation ayant un caractère provisoire ne peut être prise en compte dans la fixation de la prestation compensatoire due à Mme X..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Y... à payer à Mme X... la somme de 70 000 euros au titre de la prestation compensatoire payable sous forme de capital, l'arrêt rendu le 11 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille douze.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris
Pour aller plus loin:
Peut-on déroger aux modalités légales de versement d'une prestation compensatoire ?
Payer une prestation compensatoire en retard peut coûter bonbon !
Quelques rappels sur le paiement de la prestation compensatoire en cas de décès du débiteur