Dans un récent arrêt rendu au visa de l'article 1404 al 1 du code civil, la 1ère Civ, 17 novembre 2010, pourvoi N° 09-72.316 de la Cour de cassation a jugé que : le capital versé au bénéficiaire au titre d’un contrat d’assurance garantissant le risque invalidité est un bien propre par nature.
Elle vient ainsi compléter la liste des indemnités susceptibles d'être considérées bien propre par nature .C'est pourquoi, il convient de rappeler l'état du droit sur cette question.
I- La définition des biens propres dans la communauté
Le patrimoine des époux se compose de 3 masses de biens :
--Les biens communs acquis ensemble ou séparément durant le mariage, y compris les gains et salaires des époux et les fruits et revenus des biens propres non consommés, les créances cessibles. (articles 1401 et 1403 du code civil)
-- Les biens propres de chaque époux.
La loi distingue divers types de biens propres :
a) Les biens propres par nature (article 1404 du code civil)
b) Les biens présents ou biens propres par origine (article 1405, alinéa premier, du code civil;ceux dont les époux avaient la propriété ou la possession avant la célébration du mariage.
c) Les biens futurs (article 1405, alinéa 1 et 2 du code civil)
Il s'agit de ceux acquis pendant le mariage par succession, donation ou legs
d) Les biens propres par accession (articles 551 et suivants et 1406, alinéa 1, du code civil): La propriété du sol emportant celle du dessus et du dessous
e) Les biens propres par accessoire (article 1406, alinéa 1 du code civil)
Ce sont les biens acquis avec l'intention de les affecter à un bien propre dont ils sont dans la dépendance économique
g) Les biens acquis par subrogation à un bien propre (articles 1406, alinéa 2, et 1407 du code civil) par emploi ou remploi
A) L'arrêt interesse la définition des biens propres par nature au sens de l'article 1404 du code civil
Forment des propres par leur nature, quand même ils auraient été acquis pendant le mariage, les vêtements et linges à l'usage personnel de l'un des époux, les actions en réparation d'un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement,tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne.
Forment aussi des propres par leur nature, mais sauf récompense s'il y a lieu, les instruments de travail nécessaires à la profession de l'un des époux, à moins qu'ils ne soient l'accessoire d'un fonds de commerce ou d'une exploitation faisant partie de la communauté.
B) Le capital issu de l'assurance invalidité assimilable à un droit attaché exclusivement à la personne
La cour de cassation censure la cour d'appel pour avoir statué dans le sens d'un bien commun.
Attendu qu’au cours des opérations de liquidation et de partage de la communauté, dissoute par divorce, ayant existé entre Mme Y... et M. X..., celui-ci a soutenu que le capital qu’il avait perçu, au cours du régime, par application d’un contrat d’assurance de groupe souscrit par son employeur garantissant le risque décès ou invalidité permanente et totale, constituait un bien propre et réclamé une récompense à la communauté au titre du montant de ce capital ayant servi à financer l’acquisition d’un appartement ...
Mais sur la première branche du moyen :
Vu l’article 1404, alinéa 1er, du code civil ;
Attendu que, pour décider que la somme versée par l’assureur constitue un bien commun et non un bien propre du mari, l’arrêt attaqué énonce que le capital garanti au titre de l’invalidité permanente et totale a été calculé en fonction de ses traitements et de sa situation de famille, qu’ainsi ont été pris en compte pour le calcul de ce capital, d’une part, le montant de son salaire annuel, d’autre part, sa situation d’homme marié ayant trois enfants à charge, que le capital versé n’était nullement forfaitaire mais calculé en fonction de ses revenus dont il était destiné à compenser la perte et qu’il ne s’agissait pas en l’espèce d’une indemnité destinée à réparer un dommage corporel ou moral, mais d’un capital se substituant au salaire ;
Qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors que le capital versé au bénéficiaire au titre d’un contrat d’assurance garantissant le risque invalidité a, réparant une atteinte à l’intégrité physique, un caractère personnel de sorte qu’il constitue un bien propre par nature, la cour d’appel a violé le texte susvisé
Dans un précédent article, j'avais eu à me pencher sur la question de La nature des sommes perçues lors de la rupture du contrat de travail : bien propre ou commun ?
II- Le distinguo des indemnités perçues durant le mariage
Il conviendra de distinguer :
A) Si la réparation d’un dommage affectant uniquement la personne d'un époux est avérée, alors l’indemnité sera considérée comme un bien propre.
exemple une indemnité preçue suite à un accident, une indemnité transactionnelle suite à un licenciement
NB Les créances alimentaires, ou due sur la partie insaisissable des salaires sont incessibles.( propres)
1ère Civ, 3 février 2010, pourvoi n°09-65345
Aux visas des articles 1401 et 1404 al 1 du code civil, la Cour de cassation censure " l’indemnité transactionnelle de licenciement versée au salarié en sus de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité compensatrice de congés payés, avait pour objet de réparer le préjudice résultant de la perte de son emploi, et non un dommage affectant uniquement sa personne.
B) Si l'indemnité compense un préjudice matériel concernant la communauté, tel une simple perte d'emploi, alors il s'agit d'un bien commun
exemple les indemnités de préavis, un rappel de salaires, les congés payés, l'indemnité de licenciement
Dans 1ère Civ, 3 février 2010, précité, les juges du fond avaient jugés aussi que la communauté était redevable d'une récompense envers le mari au titre d'une partie de l'indemnité de licenciement perçue par ce dernier, en retenant que cette indemnité avait été calculée pour partie en fonction de l'ancienneté acquise par le salarié avant son mariage et que dès lors, même versée pendant la vie commune, cette indemnité était propre à proportion de l'ancienneté acquise avant le mariage.
La Cour de cassation censure une fois encore.
car la créance d'indemnité de licenciement ayant pour objet de réparer le préjudice issu de la perte de l'emploi du mari, née le jour de la notification de la rupture du contrat de travail, était entrée en totalité en communauté, et peu importe ses modalités de calcul (violation par la cour d'appel des articles 1401 et 1404, alinéa 1er, du Code civil).
Autrement dit, cette indemnité est un bien commun et la créance d’indemnité de licenciement ayant pour objet de réparer le préjudice résultant pour le mari de la perte de son emploi, née le jour de la notification de la rupture du contrat de travail était entrée en totalité en communauté, et ce peu importe ses modalités de calcul.
Il s’agira de compenser un préjudice né de la perte d'emploi de l’époux salarié venant majorer l'indemnité légale ou conventionnelle du salarié.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris