Dans un premier article, je me suis penchée sur les principes qui régissent le port du nom, ainsi que les personnes susceptibles d'introduire une procédure en changement de nom, au regard des motifs invoqués.http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/peut-demander-changer-1912.htmDans cet article, j'aborderai la procédure longue, lourde et complexe, qui rend bienvenue l'assistance de l'avocat.
I- Mise en oeuvre d'une procédure complexe.
Nous parlons d’une procédure administrative ; longue, lourde, et complexe autorisé par décret signé du Premier ministre et du Garde des Sceaux, publié au Journal officiel ; contrairement à la procédure en changement de prénom qui est judiciaire et suppose la présence d’un avocat, ici, il n’est pas obligatoire mais à mon sens fortement conseillé. Jusqu’au 1er juillet 2006, le juge aux affaires familiales était compétent pour statuer sur le changement de nom de l’enfant né hors mariage, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
Un décret du 22 janvier 1994 prévoit de fournir un certain nombre de pièces indispensables à annexer à la demande. Un avocat permettra un gain de temps dans l’instruction de la demande dans la confection du dossier complet, mais aussi dans la motivation habile de la requête. Il fixera avec vous l’ordre de priorité si plusieurs noms sont demandés. La procédure comporte 2 phases :
A) Les Publications
1°- au Journal Officiel JO pour ouvrir un délai d’opposition de 2 mois pour tiers qui peuvent engager une procédure devant le Conseil d'État en cas de préjudice ou par lettre au service des sceaux
La publication portera l’état civil complet de la personne, son adresse sa … qualité ( à titre personnel ou agissant en nom personnel et au nom de ses enfants mineurs, ou encore agissant en qualité de tuteur légal du mineur ), mais aussi l’état civil complet du ou des mineurs concernés ; le fait qu’une requête auprès du Garde des Sceaux est déposée à l'effet de substituer ou d'ajouter à son nom patronymique , avec mention du ou des noms dans l’ordre des priorités
2°- Dans un journal d’annonces légales de l'arrondissement où il réside.
B) Le Dépôt de la requête
Celle-ci sera établie sur papier libre, datée, signée qui visera les motifs liés à l'abandon du nom d'origine et les raisons du choix du nom demandé à adresser Direction des affaires civiles et du Sceau du Ministère de la justice 13 place vendôme ou au procureur de la République du tribunal de grande instance du domicile ,accompagnée du bordereau des pièces jointes imposées par décret
- copie intégrale des actes de naissance de la personne et des enfants mineurs s’ils sont visés;
- copie d’une pièce justifiant de la nationalité française ( ex pièce d’identité, certificat de nationalité française, la déclaration d’acquisition de la nationalité française, enregistrée par le juge d’instance; ou la photocopie de l’ampliation du décret de naturalisation…);
- les consentements utiles selon les situations, soit du second parent ou du juge des tutelles, si un seul parent fait la demande, mais aussi celui du ou des enfant âgés de plus de 13 ans s’ils sont concernés;
- un extrait de original de bulletin n°3 du casier judiciaire de chaque personne majeure concernée par la demande ( demandé par l’intéressé lui-même : -par courrier : Service du Casier Judiciaire National, 44079 NANTES, CEDEX ou sur le net) il comporte les condamnations les plus graves et délits supérieures à 2 ans ferme de prison ainsi que les peines sans sursis si le tribunal en a ordonné la mention et certaines déchéances;
- Justificatifs liés aux 2 publications JO et journal d’annonces légales;
- Tout document établissant le bien fondé de cette demande doit être joint pour l'appuyer, ( ex jugement de condamnation, généalogie, …)
Le Service du Sceau pourra demander au Procureur de la République auprès du TGI, dont dépend le domicile du demandeur, de procéder à une enquête, voir en cas de difficulté, l'avis du Conseil d'Etat est sollicité.
L’instruction durera plusieurs années.
En effet, outre le délai d’opposition de 2 mois ouvert aux tiers suite aux publications ; la réponse du garde des sceaux met plus d’une année, durée à laquelle en cas de refus, les délais de recours administratifs s’ajouteront ( de 2 à 5 ans selon appel ou non ).
Enfin, en cas de succès, la publication du décret de changement de nom ouvrira encore un délai de 2 mois pour les oppositions, après quoi il faudra demander un certificat de non opposition au secrétariat de la section contentieux du Conseil d'État, ou en cas d’opposition, copie de la décision de rejet. Puis il faudra demander au procureur une rectification des actes de l’état civil, sans oublier de contacter son notaire pour faire publier le changement de nom à la conservation des hypothèques si nécessaire, lorsque la personne est propriétaire d’un bien immobilier, ou a bénéficié d’une donation ou d'une donation-partage d'un bien immobilier de ses parents…
II- Les recours envisageables
Le refus doit être motivé et sera notifié sur demande du Procureur de la République du TGI par un représentant de la force publique, ou par un agent diplomatique ou consulaire concerné en cas de résidence à l'étranger.
A) Le recours gracieux
Le recours gracieux peut être adressé au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice mais ne fera l'objet d'un nouvel examen qu'en raison d'éléments nouveaux en fait ou/et en de droit. Le silence gardé 2 mois vaudra décision de rejet et ouvrira un nouveau délai de 2 mois
B) Le recours contentieux
La décision de rejet peut être contestée devant le Tribunal administratif de Paris par la voie d'un recours pour excès de pouvoir, dans le délai de 2 mois à compter de sa notification.
L’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales pourrait être invoquée au regard du respect à la vie privée et familiale
Un recours en appel devant la cour administrative d’appel est aussi possible. En cas de gain, il sera enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice d’autoriser de changer le nom en application de l’article 61 du Code civil.
L’Etat sera condamné à verser une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Pour conclure, je rappellerai, de façon plus pratique que l’article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 ; sur l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs permet à toute personne majeure d’ajouter à son nom, à titre d’usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas été transmis.Pour le mineur, cette mise en oeuvre se fera par son ou ses parents.
Si, ce nom d'usage, ne se transmettra pas à sa descendance et ne figurera pas sur les actes de l'Etat civil, il est par contre possible de l'utiliser, et de le porter sur des documents administratifs, tels qu'une carte d'identité. Le Tribunal de Grande instance, restera compétent en cas de difficultés.Ainsi
1ère Civ, 3 mars 2009 ; pourvoi n°: 05-17163
"Vu l’article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 ; Attendu que selon ce texte, lorsque les parents sont investis conjointement de l’autorité parentale sur leur enfant mineur, l’un d’eux ne peut adjoindre, seul, à titre d’usage, son nom à celui de l’autre, sans recueillir, au préalable l’accord de ce dernier ; qu’à défaut, le juge peut autoriser cette adjonction"
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions
Me Sabine HADDAD
Avocate au Barreau de Paris
|