Dans un premier article, j'ai présenté les clauses liées à la nature des droits concédés dans le contrat d'édition et les clauses envisageables en vue de sa publication.
DECRYPTAGE DES CLAUSES A "LIRE" AVANT DE SIGNER UN CONTRAT D'EDITION.
J'envisagerai, d'une part les clauses liées à l'exécution du contrat d'édition et leurs sanctions ( résiliation du contrat et dommages et intérêts ) et d'autre part la cessation du contrat.
I-Les clauses liées à l'exécution du contrat
A) Les recettes issues de la vente et de l’exploitation de l'ouvrage seront elles payées sous forme de Forfait ou de droit proportionnel ?
1°- Le forfait est une clause exceptionnelle qui ne correspond pas à la réalité éditoriale
Cette rémunération forfaitaire reste exceptionnelle mais demeure possible dans certaines situations définies à l’article L 132-6 du CPI.
exemple: certains ouvrages scientifiques, d'anthologies, les éditions de luxe, ou les publications par voie de presse ...
Si ce mode de rémunération ne correspond pas à la réalité éditoriale , il présente tout de même deux avantages qu’il faut rappeler.
-- Fiscalement parlant
il étend dans le temps la perception des droits d'auteur et évite, si l’ouvrage marche très fort d’être soumis à une lourde fiscalité l’année suivant la hausse de ses revenus et alors qu’un autre ouvrage n’est pas paru avec le même succès ;
-- En cas de bide
L'auteur a la garantie de percevoir des revenus durant le nombre d'années stipulées au contrat puisque ses droits d'auteurs sont envisagés par avance dans le contrat.
Dans les deux cas, il y aura donc un mécontent.
-soit ce sera l'éditeur si le livre est un bide,
-soit ce sera l'auteur si le livre est un « best seller »... ayant abandonné à son éditeur ses droits réels.
2°- La participation proportionnelle : une clause envisagée pour certaines éditions
L'article L.131.4 du CPI prévoit
"une participation proportionnelle aux recettes de la vente ou de l'exploitation".
Le montant des pourcentages est librement négocié.
--- à la signature du contrat
L'auteur percevra une avance sur les droits ou un "à-valoir")d'un montant déterminé qui sera versé à la signature du contrat.
-- durant la vie du contrat
° lors de l'édition primaire :
Il s'agira de droits d'auteurs autour d'une fourchette allant de 5 à 15 % du prix de vente hors taxe en général.
Au-delà d’un certain nombre de vente, ( exemple 5000 exemplaires) le contrat envisagera une moyenne majorée de 2 à 5%, au-delà de 10.000 de 5% etc…
En pratique les droits sont autour de 8 et 14% pour la littérature générale, (roman), entre 6 et 10% pour les ouvrages illustrés destinés à la jeunesse...
° Une clause peut viser les droits dérivés et annexes
Si ces droits sont exploités par l'éditeur, ils sont en général fixés autour de 7 % .
Lorsqu'un tiers y participe, ils seront partagés par moitié entre l'auteur et l'éditeur.
3°- L’exclusion expresse des droits sur un petit nombre de tirage expressément envisagé
Exemple:
- sur le nombre d’exemplaires accompagnant les modalités du dépôt légal ,
- pour ceux destinés à la promotion de l'ouvrage (presse, publicité,
- pour les 10à 30 exemplaires adressés gratuitement à l'auteur pour son usage personnel…
II Les autres clauses liées à l'exécution du contrat après publication
Dans mon premier article, j'ai analysé les clauses préalables à la publication.
J'analyserai ici, les clauses applicables postérieurement à la publication.
A) La date de mise en vente, du prix de chaque exemplaire
B) L’Exploitation normale et permanente
L’éditeur a l’obligation d’assurer à l’ouvrage une disponibilité permanente, donc d'envisager spontanément ses réimpressions d’office, de faire procéder à des éditions populaires article L 132-12 du CPI
C) La réddition de compte
article L 132-13 du CPI " l'éditeur est tenu de rendre compte ".
A défaut, la résiliation et l’octroi de dommages et intérêts serait encouru article L 132-14 du CPI.
Cette clause est importante pour permettre le contrôle de l’auteur sur le nombre d’œuvres vendues et ses droits.
L'éditeur reste tenu de fournir à l'auteur toutes justifications propres à établir l'exactitude de ses comptes. L'éditeur arrêtera les comptes une fois l'an. Ce sera en principe le 31 décembre de l'année en cours et transmettra à l'auteur un état les 4 mois qui suivent :
- le nombre d'exemplaires fabriqués en cours d'exercice
- la date et l'importance des tirages et le nombre exact d'exemplaires en stock
- le nombre d'exemplaires vendus par l'éditeur y compris à l’étranger
- le nombre d'exemplaires inutilisables ou détruits par cas fortuit ou de force majeure
- le montant des redevances dues ou versées à l'auteur.
- Les droits seront versés au moment de l'établissement de ce relevé. Les droits dérivés et annexes seront quant à eux versés dans le mois qui suit l'encaissement par l'éditeur.
Ils peuvent être stipulés réglables dans le mois suivant l'encaissement par l'éditeur si c
en cas de force majeure exemple tempête, incendie, si le stock est totalement ou partiellement détruit, l'éditeur ne devra aucune indemnité à l'auteur.
II les Clauses liées à la cessation du contrat d'édition
A) La cessation par l’arrivée du terme.
La durée légale de protection des droits d’auteur est de 70 ans, après quoi l'oeuvre tombe dans le domaine public.
Les contrats d'édition ne envisageront une durée bien plus courte, renouvelable.
B) La cessation consentement mutuel à tout moment
C) La résiliation de plein droit
ainsi si l’ouvrage,
1°- n’a pas été publié dans le délai imparti
Un délai de publication sous quelque mois doit être porté.
Au-delà de ce délai, le contrat serait résilié et l'auteur dédommagé d'un montant déterminé faite de l'à-valoir qui reste entièrement acquis.
Ce délai peut aller de 12 à 18 mois à partir de la date de remise de l’ouvrage ( d’où l’important de se faire remettre un justificatif de date de dépôt de l’ouvrage
article L 132-17 du CPI
« la résiliation a lieu de plein droit lorsque, sur mise en demeure de l’auteur lui impartissant un délai convenable, l’éditeur n’a pas procédé à la publication de l’œuvre "
2°- si le livre est épuisé et n'est pas réimprimé
Le contrat serait résilié et l'auteur retrouverait pleinement ses droits, y compris les droits cédés par l'éditeur à des tiers.
3°- en cas de redressement judiciaire avec cessation de l’activité depuis plus de trois mois ou de liquidation judiciaire de l’éditeur
4°- par décision judiciaire pour violations aux obligations contractuelles d’une partie
5°-par la destruction d’un livre (pilon) qui ne fait plus recettes de tout ou partie des stocks, par essence l’exploitation permanente étant impossible, la résiliation est constatée
Si après quelques années définies, la vente annuelle est inférieure à un pourcentage des ouvrages en stock l'éditeur pourra soit les solder, soit les mettre au pilon auquel cas, il adressera à l'auteur un certificat indiquant le nombre de livres mis au pilon et la date après avoir informé l'auteur de ses intentions.
Si l'ouvrage soldé est revendu à moins de 20 % du prix de vente hors taxe, l'auteur ne touche aucun droit. L'auteur pourrait racheter les exemplaires soldés à condition de le faire savoir dans les 30 jours qui suivent la décision de l'éditeur.
Si l'éditeur ne peut plus répondre à la demande des lecteurs, il devra soit réimprimer des exemplaires, soit considérer que le livre est épuisé et dans ce cas le contrat serait résilié.
III Le droit de préférence
Le droit de préférence est un droit que souvent s'accorde l'éditeur de conserver dans sa société l'auteur qu'il aura "lancé" et sur lequel il aura investi et cru.
En cas de succès, l'éditeur à tout intérêt à ce qu'il n'aille pas à la concurrence
Ce droit peut s’exercer sur un nombre de livres ou d’années
L'auteur s'engage à accorder un droit de préférence à l'éditeur, pour la publication de ses oeuvres futures, dans les genres suivants : (mentionner le ou les genre(s) : roman, poésie, essai....)
Ce droit est limité pour chaque genre :
L'article L.132-4 du CPI dispose:
" est licite la stipulation par laquelle l'auteur s'engage à accorder un droit de préférence à un éditeur pour l'édition de ses œuvres futures de genres nettement déterminés… » et précise l’exercice de ce droit.
Ce droit est limité à 5 ouvrages nouveaux ou pour 5 ans.
Moins il y aura de genres spécifiés dans le contrat, moins il y aura obligation de produire des livres ...
Pour la loi, c'est en effet 5 exemplaires pour chaque genre à présenter.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris