Dans deux articles , j'ai présenté les
AVANTAGES ET INCONVENIENTS DANS LA SIGNATURE DE PROMESSES PORTANT SUR UN BIEN IMMOBILIER
LA CONDITION SUSPENSIVE LEGALE D’OBTENTION DE PRET PORTEE DANS LA PROMESSE D'UN BIEN IMMOBILIER
J'analyserai ici, les conséquences liées à la réalisation éventuelle de la suspensive légale d'obtention de prêt.
Stipulée ou non, cette clause reste sous jacente dans toutes les promesses.
article 1181 du code civil
L'obligation contractée sous une condition suspensive est celle qui dépend ou d'un événement futur et incertain, ou d'un événement actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties.
Dans le premier cas, l'obligation ne peut être exécutée qu'après l'événement.
Dans le second cas, l'obligation a son effet du jour où elle a été contractée.
De deux choses l’une :
-Si l’un des conditions suspensives n'est pas réalisée dans le délai prévu, alors la vente ne se fera pas, sauf à renoncer à la condition suspensive pour l’acquéreur.
-Si les conditions se réalisent, au regard de l’engagement définitif ,chaque partie pourrait contraindre l’autre en cas de refus de signer l’acte de cession définitif, par la voie judiciaire en exécution forcée de la vente.
Il pourra aussi demander réparation du préjudice par l'octroi de dommages et intérêts, dont ceux issus de la clause pénale susceptible d’être stipulée.(pénalités au cas où l'un des signataires ne respecterait pas ses obligations et ne signerait pas la vente ou avec retard. )
Le jugement permettra d'opérer le transfert de propriété du bien.
I- Le principe :la restitution en cas d'absence d'obtention de l'emprunt: la caducité du compromis
A) Le refus de l'emprunt doit porter sur des caractéristiques conformes à la promesse
En cas de refus, la vente sera annulée, mais encore faut-il que le refus corresponde aux conditions stipulées au risque de voir le vendeur contester l'annulation du compromis de vente et poursuivre en justice.
3ème Civ. 6 octobre 2010, pourvoi N°: 09-69914
rappelle que lorsqu'il est établi que l'acquéreur a présenté une demande de prêt conforme aux caractéristiques stipulées dans l'acte, il appartient au vendeur de rapporter la preuve que l'acquéreur a empêché l'accomplissement de la condition suspensive d'obtention de prêt.
En l’éspèce, des vendeurs avaient refusé de rendre l'argent versé, jugeant que l'acheteur n'avait pas fait d'efforts suffisants pour obtenir son prêt.
3ème Civ. 23 juin 2010 pourvoi N°: 09-15963
l'offre de crédit émanant d'une banque comportant la mention « sous réserve de l'acceptation à l'assurance des emprunteurs » est réputée ferme dès lors qu'elle est conforme aux caractéristiques de la promesse de vente. La condition suspensive est donc réalisée.
1ère Civ, 9 décembre 1992, pourvoi N°91-12.498
... LA condition suspensive de l'obtention d'un prêt, au sens de l'article 17 de la Loi du 13 juillet 1979 est réputée réalisée dès la présentation par un organisme de crédit d'une offre régulière correspondant aux caractéristiques du financement de l'opération stipulées par l'emprunteur dans l'acte visé à l'article 16 de la même loi, la cour d'appel a violé les textes précités ..." et 1ère Civ 2 janvier 1993
1 ère Civ 7 mai 2002 , pourvoi N° : 99-17520
Il appartient à l'acquéreur de démontrer qu'il a bien sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente et que faute d'avoir demandé l'octroi d'un tel prêt, la condition suspensive doit être réputée accomplie par application de l'article 1178 du Code civil ; qu'ayant relevé que les époux ne produisaient pas les demandes de prêt faites aux établissements de crédit, mais, outre des documents qui ne donnaient pas une vision exacte de leurs revenus à la date de la promesse comme s'appliquant à une période où seul le mari travaillait, des attestations des établissements bancaires qui avaient rejeté leurs demandes de crédit, ce qui ne permettait pas de connaître les éléments d'information qu'ils avaient communiqués à ces établissements et qui étaient à l'origine du rejet des demandes, c'est à bon droit, et sans inverser la charge de la preuve, que la cour d'appel a statué comme elle a fait.
B) La restitution des sommes
Toutes sommes versées à l’avance par l’acquéreur potentiel doivent lui être restituées, sans pénalité, dans les 14 jours suivant sa demande .
En cas de refus de prêt, toutes les sommes que vous avez préalablement versées doivent vous être intégralement remboursées. En particulier, il est d'usage que l'acquéreur verse 10 % du prix de vente lors de la signature du compromis. Cette somme est encaissée par le notaire sur un compte séquestre et doit être restituée à l'acquéreur en cas de refus de prêt, sans retenue ni pénalité. Notez que la loi ne fixe pas de délai légal pour cette restitution qui doit intervenir immédiatement.
3ème Civ, 26 mai 2010, n° 676 précise les conditions de restitution de la provision en rappelant que les vendeurs qui refusent de restituer la provision doivent prouver le comportement fautif de l'acquéreur.
II- La responsabilité de l’une des parties pour négligence(s)
Attention en cas de négligence du bénéficiaire en vue d’obtenir le prêt envisagé dans les délais prévus, ou de mauvaise foi le contrat peut être réputé valablement conclu.
La jurisprudence fait application des dispositions de l’article 1178 du Code Civil, lequel répute la condition accomplie lorsque sa défaillance résulte du défaut de diligence de l’acquéreur pour obtenir son financement.
Si tel est le cas, l’acquéreur se trouvera dans la même situation que s’il avait obtenu son prêt et sera tenu en conséquence à toutes les obligations prévues par le compromis de vente,
Il devra indemniser le vendeur en cas de non réalisation de la vente sous la forme de dommages et intérêts ou du versement de l’indemnité d’immobilisation sanctionnant le refus d’acquisition de l’acquéreur.
Citons quelques exemples de négligences.
A) Une demande de prêt portant des caractéristiques différentes de celles stipulées dans la promesse
Ainsi, si un compromis envisage une durée sur 10 ans, l'acquéreur ne peut pas faire jouer la condition suspensive en faisant valoir un refus de prêt sur 15 ans.
La condition d’obtention du prêt se trouve réalisée lorsque l’établissement financier sollicité aura remis « une offre conforme aux caractéristiques de l’emprunt stipulées par l’emprunteur »
B) Un défaut de diligences dans la demande de crédit
Si l'acquéreur s'abstient de produire tout document sur sa demande de prêt, il pourra être jugé fautif.
3ème Civ,30 janvier 2008, pourvoi N° 06-21117
Statuant suite à un refus de prêt ayant entraîné le refus d’acquérir, le vendeur reprochait un manque de diligences de l'acquéreur dans l'accomplissement des formalités relatives à la réalisation de ladite condition.
La cour rappelle le principe découlant de l'article 1315 du Code Civil qui dispose que celui qui prétend libre d'une obligation doit prouver son exécution.
Le vendeur a été débouté au motif que si la lettre de refus ne mentionnait aucune des caractéristiques du prêt sollicité, on ne pouvait en déduire que ce refus avait pour cause une demande irréaliste et qu'il était établi que la condition suspensive ne s'était pas produite sans preuve que ce fût par la faute de la carence de l'acquéreur.
La Cour de Cassation censure cette décision au motif qu'il appartenait à l'acquéreur de démontrer que sa demande de prêt était conforme aux caractéristiques prévues dans la promesse de vente.
Si cette preuve n'est pas rapportée, la condition suspensive est considérée comme réalisée en vertu de l'article 1178 du Code Civil qui dispose:
« la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement. ».
Ainsi, le vendeur doit prouver l'obligation pour l'acquéreur de demander un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse, et l'acquéreur doit prouver qu'il a demandé un prêt conforme aux stipulations contractuelles.
Dans certains cas, la condition est réputée réalisée alors même que l'acquéreur n'a pas obtenu son prêt. Il convient donc d'être particulièrement vigilant. Il en est ainsi notamment si l'acquéreur ne fait aucune démarche pour obtenir son prêt ou bien s'il n'effectue pas une demande de prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse.
3 ème Civ 12 septembre 2007, pourvoi N° 06-15640
Mais attendu qu'ayant constaté que le crédit agricole avait expliqué, études de simulation à l'appui, que le prêt sur 12 ans avait été refusé eu égard à une insuffisance de capacité financière compte tenu des emprunts déjà en cours, la cour d'appel, qui a souverainement relevé, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, que si la durée d'emprunt n'était pas conforme aux prévisions de la convention, les calculs produits par la banque démontraient qu'un prêt, fût-il sur 15 ans, excédait de même les possibilités financières de M. Y..., a pu déduire que c'était sans faute de sa part que la condition suspensive avait défaillie »
L'analyse du prêt bancaire a été présentée dans LA CONDITION SUSPENSIVE LEGALE D’OBTENTION DE PRET PORTEE DANS LA PROMESSE D'UN BIEN IMMOBILIER
C) Une fausse déclaration à la banque en vue de l'obtention du prêt équivaut à réalisation de la condition suspensive
Une réelle information du banquier est donc indispensable à l'appui de la promesse.
D) Un défaut d'Information dans les délais de la promesse faite au vendeur quant à la la réalisation de la condition suspensive.
A défaut l'indemnisation pour l'immobilisation du bien sera réclamée, ou en cas de compromis, l'exécution.
3ème Civ, 5 décembre 2007, pourvoi N° 1220
L’article 642 NCPC selon lequel « tout délai expire le dernier jour à 24 heures.s'applique pour l’application de l’article L. 271-1 CCH. si bien que l’acquéreur bénéficie d’une prorogation du délai de rétractation jusqu’au premier jour ouvrable, dans le cas où le dernier jour tomberait un dimanche, un jour férié ou un samedi.
Ainsi en cas de rétractation, le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.»
Pour les juges, il faudra que la lettre soit envoyée (et non reçue) dans ce délai.
Si le prêt est refusé, l'acquéreur doit prévenir le vendeur et le notaire, en leur adressant le refus de prêt communiqué par la banque. Ce refus n'a pas à être motivé par la banque. Par ailleurs, un seul refus de prêt suffit pour attester de la défaillance de la condition et entraîner l'annulation du compromis. Mais rien n'empêche l'acquéreur de tenter de solliciter le prêt auprès d'une autre banque si les délais le lui permettent.
En revanche, le vendeur ne peut l'obliger à solliciter d'autres établissements de crédit, quand bien même le délai d'obtention du prêt ne serait pas écoulé.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD
Avocate au barreau de Paris
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