Le vol est une infraction délictuelle, soumise au ressort du Tribunal correctionnel.
Il est défini comme « la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui » au sens de l’article article 311-1 du code pénal et est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d‘amende (article 311-3 du code pénal), voir plus lourdement s’il est constitué d’une ou plusieurs circonstances aggravantes, qui accompagnent l’acte, telles que vol avec violence, destruction, détérioration, dégradation, vol dans un lieu d'habitation dans lequel l'auteur a pénétré par ruse, effraction ou escalade, vol commis avec l'usage d'une arme, par plusieurs auteurs ou en bande organisée…Qu’en est-t-il entre époux ?
I- L’immunité familiale entre époux
A) Un principe posé par l’article 311-12 du code pénal.
Indépendamment du choix du régime matrimonial, le principe dominant est :
1°- Pas de vol entre époux durant le mariage.
Pas d’infraction de vol entre ascendant et descendant, entre conjoints, qui s’appliquera tant que les époux ne sont pas en instance de séparation ou de divorce et ne sont pas autorisés à résider séparément.
L’Article 311-12 issu de la Loi nº 2006-399 du 4 avril 2006 art. 9 Journal Officiel du 5 avril 2006
Ne peut donner lieu à des poursuites pénales le vol commis par une personne :
1º Au préjudice de son ascendant ou de son descendant ;
2º Au préjudice de son conjoint, sauf lorsque les époux sont séparés de corps ou autorisés à résider séparément.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque le vol porte sur des objets ou documents indispensables à la vie quotidienne de la victime, tels que des documents d'identité, relatifs au titre de séjour ou de résidence d'un étranger, ou des moyens de paiement.
2°- sens de l’immunité
Cette immunité doit d’entendre au sens large, englobant les infractions d’extorsion, de chantage, d’escroquerie et d’abus de confiance, mais ne jouera pas, lorsque les faits traduisent, non pas une simple atteinte au patrimoine, mais une volonté d’assujettissement du conjoint victime.( voire B)
Elle ne s'applique cependant pas au faux en écriture, en matière de chèques, détournement d'objets saisis, recel, faux, ou abus de biens sociaux. Ce n’est pas ici qu’une simple atteinte au patrimoine qui est réprimée mais l’expression de la volonté d’assujettir le conjoint.
Concrètement, l’époux qui fuit le foyer en emmenant tableaux de valeurs ou bijoux, ne peut être poursuivi au pénal devant un tribunal correctionnel pour ces faits de soustraction frauduleuse de la chose d’autrui.
Cela sous entend, donc que toute plainte devant le procureur de la république sera jugé irrecevable sur le fondement de ce texte.
B) Les exceptions
1°- entre époux dans la sanction de l’expression de la volonté d’assujettir le conjoint.
La loi du 4 avril 2006 a cependant créé une exception concernant les objets ou documents personnels importants à la vie quotidienne (carte bleue, chèque, passeport...)
De ce fait un conjoint dominateur, qui voudra faire pression sur l’autre en lui confisquant ses moyens de paiement, le paterfamilias au mauvais sens du terme, devra rendre compte…
L’énumération faite par la loi n’est pas limitative.
Rien n’empêcherait de considérer que la confiscation des clés d’un véhicule destiné à l’activité professionnelle, entre dans cette exception.
2°- Pour les couples mariés, en instance de séparation de corps ou de divorce qui sont autorisés par ordonnance de non conciliation à résider séparément
Postérieurement au prononcé de l’ordonnance, la poursuite sera envisageable.
3°- Pour les couples non mariés,
L’infraction de droit commun réprimant le vol (article 311-1 à 311-16 du code pénal) est normalement applicable. Seul l’article 311-12 du code pénal prévoyait une exception pour les conjoints.
II les moyens de la sanction
La voie civile restera ouverte par le biais de divers textes ;
A) A titre préventif durant le mariage
1°) L’inventaire
Il est conseillé de faire établir un inventaire du mobilier par constat d’huissier ou d’expert pour éviter toute dissipation. Cela pourra avoir un effet dissuasif et probant au cas où.
2°-Le référé
Il est possible aussi de demander au juge des référés au titre des mesures urgentes d’interdire à son conjoint de déplacer les meubles Article. 220-1 du code civil.
3°- L’interdiction d’engager des biens communs sans autorisation prononcée par le Tribunal de Grande instance
Pour se protéger d'un conjoint trop dépensier, on peut faire appel au tribunal de grande instance.
Celui-ci pourra interdire à l'époux concerné d'engager les biens communs sans autorisation préalable.
Article 1426 du code civil :
Si … la gestion de la communauté atteste l'inaptitude ou la fraude, l'autre conjoint peut demander en justice à lui être substitué dans l'exercice de ses pouvoirs…
Le conjoint, ainsi habilité par justice, a les mêmes pouvoirs qu'aurait eus l'époux qu'il remplace ; il passe avec l'autorisation de justice les actes pour lesquels son consentement aurait été requis s'il n'y avait pas eu substitution.
L'époux privé de ses pouvoirs pourra, par la suite, en demander au tribunal la restitution, en établissant que leur transfert à l'autre conjoint n'est plus justifié.
4°- La demande d’annulation de l’acte frauduleux près le Tribunal de Grande instance
Article 1427 du code civil
Si l'un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l'autre, à moins qu'il n'ait ratifié l'acte, peut en demander l'annulation.
L'action en nullité est ouverte au conjoint pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté.
B) Postérieurement à la soustraction dans le cadre de l’instance en divorce
1°- Les dommages et intérêts au titre de l’article 1382 du code civil
" Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer."
Une demande de dommages et intérêts pour préjudice causé est envisageable. Celle-ci sera totalement distincte de celle issue du préjudice que causerait un divorce au sens de l’article 266 du code civil.
2°- La perte des droits sur les objets recelés dans la communauté au titre de l'article 1477 du Code civil
« Celui des époux qui aurait diverti (dissimulé) ou recelé ( volé) quelques effets de la communauté est privé de sa portion dans lesdits effets.
De même, celui qui aurait dissimulé sciemment l'existence d'une dette commune doit l'assumer définitivement ».
Le recel de communauté se prescrit par 10 ans à compter du jour où le conjoint victime du recel en a eu connaissance et au plus tard au jour de l'achèvement des opérations de partage.
Au-delà de cela, toutes sommes qui dépendront de la communauté (dépôts, placements, Sicav …), entraîneront lors de la liquidation un compte de partage post communautaire entre époux.
3° La subrogation de la banque qui aura maladroitement remis des fonds à un époux, non titulaire de procuration sur le compte de son conjoint.
La cour de cassation a pu rappeler le principe de la libre disposition du compte personnel des époux.
1ère Civ, 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-17.300 chaque époux a le droit d'avoir un compte à son nom sans procuration pour l'autre époux
Dans cette espèce, un époux avait ouvert un compte bancaire a son nom personnel sans en donner procuration à l’épouse, laquelle avait malgré tout réussi à obtenir de la banque d’effectuer des prélèvements sur le compte.
Que dit cet arrêt ?
Sur le moyen unique :
Attendu que M. et Mme X... se sont mariés sans contrat le 10 juin 1967 ; qu'à compter de juillet 1997, le mari a fait verser les arrérages de sa pension de retraite sur un compte épargne ouvert à son seul nom à la Société générale (la banque) ; que Mme X..., qui ne disposait d'aucune procuration sur ce compte, a procédé à des retraits et virements pour un montant de 19 165,05 euros ; que, poursuivie par M. X..., la banque l'a indemnisé et a fait assigner son épouse en restitution des sommes versées ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Rouen, 31 janvier 2008), de l'avoir condamnée à payer à la banque, sous bénéfice de la subrogation, la somme litigieuse avec intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2005, correspondant aux retraits et virements opérés par elle sur le compte de son mari alimenté par ses pensions de retraite alors, selon le moyen, que les pensions de retraite de M. X... ne constituaient pas un bien propre ; qu'elles faisaient partie de l'actif de la communauté en tant que biens communs, de sorte que son épouse pouvait effectuer des prélèvements sur le compte alimenté par les pensions de retraite du mari, qui constituent des revenus différés ; que l'arrêt attaqué, en estimant que les pensions de retraite du mari constituaient un bien propre a violé l'article 1401 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que l'article 221 du code civil réserve à chaque époux la faculté de se faire ouvrir un compte personnel sans le consentement de l'autre, d'autre part, que le banquier dépositaire ne doit, aux termes de l'article 1937 du même code, restituer les fonds déposés qu'à celui au nom duquel le dépôt a été fait ou à celui qui a été indiqué pour les recevoir ; que la cour d'appel a relevé que si les opérations effectuées par Mme X... ont été rendues possibles par les négligences de la banque, celle-ci était fondée à se prévaloir du bénéfice de la subrogation dès lors que l'épouse n'avait pas le pouvoir de disposer des fonds déposés sur le compte ouvert au seul nom du mari ; que, par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, l'arrêt se trouve légalement justifié, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par le moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris