La procédure de Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité (CRPC) ou procédure du « plaider-coupable » est régie par les articles 495-7 à 495-16 du CPP.
Elle s’envisage pour des délits dont la peine est de 5 ans au maximum et est une option ouverte au parquet dans la poursuite pénale lorsque le prévenu reconnaît les faits qui lui sont reprochés.
Elle suppose la présence d’un conseil, et permet au procureur de proposer une sanction,laquelle en cas d'acceptation entraînera dépôt d'une requête en homologation du procureur devant le Tribunal correctionnel qui l'examinera en présence de la personne et de son conseil.
Dans une décision du 10 décembre 2010, N° 2010-77, le Conseil constitutionnel a estimé que les dispositions de l'article 495-15-1 du CPP qui permettent au procureur de procéder simultanément à la procédure de CRPC et à une convocation en justice
«... n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ».
I- L’application simultanée des articles 495-15-1 du CPP et 390-1 du CPP mise en cause dans la saisine du conseil constitutionnel.
A) Les textes
1°- L'article 495-15-1 du code de procédure pénale
Ce texte offre au procureur une faculté de procéder simultanément à la procédure de CRPC et à une convocation en justice.
Ce texte prévoit :
« La mise en œuvre de la procédure prévue par la présente section n'interdit pas au procureur de la République de procéder simultanément à une convocation en justice en application de l'article 390-1.
La saisine du tribunal résultant de cette convocation en justice est caduque si la personne accepte la ou les peines proposées et que celles-ci font l'objet d'une ordonnance d'homologation » ;
2°- L’article 390-1 alinéa 2 du CPP et les modalités de convocation
« ….La convocation énonce le fait poursuivi, vise le texte de loi qui le réprime et indique le tribunal saisi, le lieu, la date et l'heure de l'audience. Elle précise, en outre, que le prévenu peut se faire assister d'un avocat. Elle informe qu'il doit comparaître à l'audience en possession des justificatifs de ses revenus ainsi que de ses avis d'imposition ou de non-imposition.… Elle est constatée par un procès-verbal signé par le prévenu qui en reçoit copie. »
B) La procédure de saisine et les motifs invoqués par la requérante
1°- Rappel de la procédure de contrôle de la constitutionnalité utilisée
Issue de l’article 61-1 de la Constitution ( article issu de loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008)
Lorsqu' à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article.
En l'éspèce, le conseil a été saisi le 5 octobre 2010 par la chambre criminelle, de la cour de cassation (arrêt n° 5551 du 29 septembre 2010) d'une question prioritaire de constitutionnalité en vertu de l'article précité.
2°- Les deux interrogations posées
- Les droits de la défense sont-ils suffisamment respectés ?
- La simultanéité va-t-elle à l’encontre de l’objectif d’une bonne administration de la Justice ?
II Que retenir de l’analyse du conseil constitutionnel ?
Rappel d'un principe fondamental auquel renvoie notre constitution...
Aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;
Cette disposition garantit les droits de la défense lorsqu'est en cause une sanction ayant le caractère d'une punition.
A) L'exercice des droits de la défense est garanti
1°- par les articles 495-8 et 495-9 du code de procédure pénale visant la procédure de CRPC
2°- devant le tribunal correctionnel, par les dispositions de la section IV du chapitre Ier du titre II du livre II de ce même code consacrés aux débats devant cette juridiction ;
B) L’objectif lié à une bonne administration de la Justice ne peut être invoqué à l'appui d'une question prioritaire.
in extenso
"...La méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, qui découle des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution (...)
lorsqu'à l'issue de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la personne n'a pas accepté la peine proposée par le procureur de la République ou lorsque le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui n'a pas homologué cette proposition et que, par suite, le prévenu comparaît devant le tribunal correctionnel sur la convocation reçue en application de l'article 495-15-1, l'article 495-14 fait obstacle à ce que le procès-verbal des formalités accomplies en application des articles 495-8 à 495-13 au cours de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité soit transmis à la juridiction de jugement ; que ce même article interdit au ministère public et aux parties de faire état devant cette juridiction des déclarations faites ou des documents remis au cours de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité;
qu'il appartient, en conséquence, au procureur de la République, dans la mise en œuvre de l'article 495-15-1, de veiller à ce que la convocation en justice adressée en application de l'article 390-1 soit faite à une date suffisamment lointaine pour garantir qu'au jour fixé pour la comparution du prévenu devant le tribunal correctionnel, la procédure sur reconnaissance préalable a échoué ou que les peines proposées ont été homologuées ; qu'il suit de là que l'article 495-15-1 du code de procédure pénale ne porte pas atteinte au principe constitutionnel de la présomption d'innocence résultant de l'article 9 de la Déclaration de 1789 ;"
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris