Le Tribunal de Grande Instance est compétent pour juger les faits de diffamation et/ou d'injure publique(A Paris, la 17 ème chambre correctionnelle en matière de presse.
Quels éléments rechercheront les tribunaux pour condamner et comment mettre en oeuvre la procédure ?
I- L'acte de la poursuite pour diffamation publique
En matière de presse, la victime n'est pas obligée de déposer d'abord une plainte simple devant le procureur et d'attendre un délai de 3 mois pour réagir.
A) Une Plainte avec constitution de partie civile ou une citation directe en l'absence de poursuites du parquet
Une victime pourra déposer plainte avec constitution de partie civile directement entre les mains du doyen des juges d'instruction, ou bien faire citer directement le "prévenu" devant le tribunal correctionnel. ( avec dénonciation de la procédure au parquet.)
La poursuite peut de façon plus exceptionnelle être exercée d'office par le ministère public lorsque la diffamation publique revêt un caractère discriminatoire.
Toutefois, lorsque les faits ont été commis contre des personnes considérées individuellement, les poursuites ne peuvent être exercées sans leur accord (article 48, al. 6, loi de 1881).
Seuls la plainte de la victime avec constitution de partie civile devant juge d’instruction, le réquisitoire introductif ( acte du parquet demandant à un juge d'instruction d'informer sur certains faits) ou la citation directe constituent un "acte de poursuite".
Qui dit victime, dit bien entendu possibilité pour elle de solliciter des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et financier.
B) La prescription
Le délai de prescription est de 3 mois à compter de la première publication (article 65 de la loi ).
Seule une plainte avec constitution de partie civile devant juge d’instruction, le réquisitoire introductif ou la citation directe constituent un acte de poursuite.
le délai est porté à 1 an dans le cas où la diffamation publique a été proférée en raison d'une discrimination spécialement interdite, tel qu'issu de la Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (NOR: JUSX0300028L ) dite Perben II.
Exemple: une diffamation publique portant sur l'origine, le sexe, l'ethnie, la race, la religion, le handicap, un crime contre l’humanité.
Le délai de un an court du jour où l’écrit sera porté à la connaissance du public et mis à sa disposition.
II Les éléments retenus par les Tribunaux pour condamner
A) L'élément matériel
L’article 29 de la loi sur la Liberté de la Presse du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme suit :
"Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation.
La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés."
Les tribunaux, une fois saisi rechercheront les 4 éléments essentiels à la constitution de l'éléments matériel pour condamner, qui sont:
1) L’allégation d’un fait précis ;
2)...qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération ( pas une simple critique)
3)...d’une personne mise en cause déterminée ou clairement identifiable;
4)...à caractère public
B) L'élément moral ?
Il sera présumé (art 35 bis, loi 29 juillet 1881 )
Il s'agit d'une présomption simple d’intention délictuelle, donc de la mauvaise foi qui peut être renversée par la preuve de la bonne foi voir B).
III Les éléments retenus par les Tribunaux pour relaxer : L’exception de vérité OU la preuve de la bonne foi
Crim,19 janvier 2010, pourvoi N°: 09-84408
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que, d'une part, le droit à un procès équitable et la liberté d'expression justifient que la personne poursuivie du chef de diffamation soit admise à produire, pour les nécessités de sa défense, les pièces de nature à établir la vérité des faits ou sa bonne foi, sans qu'elles puissent être écartées des débats au motif qu'elles auraient été obtenues par des moyens déloyaux, et que, d'autre part, la bonne foi doit être appréciée en tenant compte notamment du caractère d'intérêt général du sujet sur lequel portent les propos litigieux, et du contexte politique dans lequel ils s'inscrivent
Crim 17 juin 2008, pourvoi N° 07-80-767 distingue l'exception de vérité, de la bonne foi.
A) La preuve du fait avéré: l'exception de vérité ( ou exceptio veritatis) comme moyen de défense au fond ( articles 35 et 55)
1°- Cette preuve est envisageable en dehors de certaines poursuites
ex celles portant sur des diffamations touchant à la vie privée, ou à des faits datant de plus de dix ans, amnistiés ou prescrits.
La liberté d'expression primera dans ce cas précis.
La sincérité sera un élément important dans l'information légitime, à condition que cette preuve soit parfaite, complète et corrélative aux imputations Cour d’appel de Paris 11ème chambre, section A Arrêt du 10 mai 2006
1ère Civ,25 février 2010 N° de pourvoi: 09-12641
Les premiers juges peuvent retenir l’exception de vérité dès lors qu’il est démontré qu’ils ne se sont pax uniquement fondés sur des éléments de preuve postérieurs à la diffusion.
2°- Le délai de réaction
Article 55 : Quand le prévenu voudra être admis à prouver la vérité des faits diffamatoires, conformément aux dispositions de l'article 35 de la présente loi, il devra, dans le délai de 10 jours après la signification de la citation, suivant qu'il est assigné à la requête de l'un ou de l'autre :
1. Les faits articulés et qualifiés dans la citation , desquels il entend prouver la vérité ;
2. La copie des pièces ;
3. Les noms, professions et demeures des témoins par lesquels il entend faire la preuve.
Cette signification contiendra élection de domicile près le tribunal correctionnel, le tout à peine d'être déchu du droit de faire la preuve.
1re Civ,17 mars 2011, pourvoi N 10-11.784. Le juge doit rechercher si l’offre de preuve de la vérité des faits a bien été présentée dans les dix jours suivant la signification de la citation
B) La preuve de la bonne foi par QUATRE éléments destinés à renverser la présomption simple d'intention
- la légitimité du but poursuivi,
- l’absence d’animosité personnelle,
- la prudence et la mesure dans l’expression,
- le sérieux ou la qualité de l’enquête réalisée
Dans un prochain article, j'analyserai le dispositif classique de la décision de condamnation pour diffamation publique.
CONDAMNATION POUR DIFFAMATION PUBLIQUE: LE DISPOSITIF (II)
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris
|
|
|
|