La première chambre civile de la cour de cassation vient de rendre un arrêt le 9 JUIN 2010, n° de pourvoi: 09-13390 dans lequel elle rappelle la distinction entre le domaine de compétence du juge des enfants et celui du juge aux affaires familiales.
En l'éspèce, la Cour d’appel de Rouen le 17 février 2009 avait statué sur le maintien d'une mesure d'assistance éducative d'un mineur auprès d'un tiers, (le service départemental de l'Aide sociale à l'enfance) et le droit de visite et d'hébergement demandé par la famille.
Il était fait grief par des membres de la famille à la cour,de les avoir déclarés irrecevables en leur demande de droit de visite et d'hébergement sur l'enfant N... aux motifs que le juge des enfants est compétent pour accorder à la famille élargie un droit de visite lorsqu'il ordonne le placement d'un mineur, si ses parents donnent leur accord à de telles rencontres ; qu'en revanche, en cas d'opposition des parents comme c'est le cas en l'espèce puisque Monsieur Y... s'y oppose, il appartient aux ascendants de saisir le juge aux affaires familiales qui statuera dans l'intérêt de l'enfant ; que Monsieur et Madame X... seront donc déclarés irrecevables en leur demande présentée devant la chambre spéciale des mineurs ;
La haute juridiction nous rappelle que le juge des enfants est compétent, à charge d'appel, pour tout ce qui concerne l'assistance éducative, il peut prendre, à ce titre, des mesures qui aboutissent à fixer un droit de visite et d'hébergement de la famille élargie dès lors qu'un enfant est en danger ou que ses conditions d'éducation sont gravement compromises ; qu'en déclarant la demande de Monsieur et Madame X... tendant à la fixation d'un droit de visite irrecevable, tout en ordonnant le maintien du placement de N..., la Cour d'appel a violé l'article 375-1 du Code civil.
Une fois encore, l’intérêt de l’enfant est mis en avant, mais ici dans ses relations avec les tiers.
Dans DEUX précédents articles sur « l’intérêt de l’enfant » , j'ai pu aborder avec mes lecteurs cette distinction de compétences.
L’intérêt de l’enfant : une ligne de conduite dans les décisions des juges
http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/interet-enfant-ligne-conduite-dans-2049.htm
et l’intérêt de l’enfant : un domaine protégé par les Juges
http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/interet-enfant-domaine-protege-juges-2024.htm
Dans cet arrêt, la cour de cassation nous rappelle , une fois encore la distinction de compétences des juge aux affaires familiales et des enfants.
I- Le Juge aux Affaires Familiales: juge de l’autorité parentale et de ses conséquences
A) un rôle dans les relations entre parents/ enfants
Ce juge , "JAF" interviendra suite à la séparation ou au divorce des parents. Ce juge, se prononcera ainsi, sur la fixation de l'autorité parentale ( conjointe ou exclusive des parents, plus exceptionnellement sur la délégation ); sa résidence ( fixe ou alternée entre les parents, voir exceptionnellement chez un tiers), le principe d'un droit de visite et d'hébergement chez le parent qui n'a pas la résidence, les cas échéant en présence d'un tiers, ou dans un lieu neutre...) et la contribution au titre de l'entretien et l'éducation de l'enfant...
B) un rôle dans des situations plus exceptionnelles, le conduisant à confier l’enfant à un tiers
1°- la jurisprudence
1ère Civ,14 novembre 2007,pourvoi n° 06-18.104.
"...la compétence du juge des enfants est limitée, en matière civile, aux mesures d'assistance éducative et que le juge aux affaires familiales est seul compétent pour statuer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et la résidence de l'enfant.
Excède ses pouvoirs la cour d'appel qui ordonne la mainlevée d'une mesure d'assistance éducative et la remise de l'enfant à son père alors que le juge aux affaires familiales avait fixé la résidence de l'enfant chez sa grand-mère maternelle."
Dans l’arrêt du 9 juin 2010, l’enfant avait été placé chez un tiers et la cour d’appel de Rouen, saisie par des membres de la famille avait confirmé une mesure d’assistance éducative confié au service départemental de l'Aide sociale à l'enfance.
La cour de cassation casse ainsi un arrêt de la cour d’appel de Rouen du 17 février 2009 qui, statuant en matière d'assistance éducative, avait confirmé une ordonnance du juge des enfants ayant maintenu le placement du petit-neveu des demandeurs.
La cour rappelle que si le juge aux affaires familiales est en principe compétent pour fixer, dans l'intérêt de l'enfant, les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, le juge des enfants est seul compétent, en cas de placement, pour statuer sur ces modalités.
Elle censure partiellement la décision d’appel aux visas des articles 371-4, alinéa 2, 375-1 et 375-7, alinéa 1erdu code civil.
2°- rappel des textes
--L’article 373-3 alinéa 2 du code civil dispose que
« Le juge peut, à titre exceptionnel et si l'intérêt de l'enfant l'exige, notamment lorsqu'un des parents est privé de l'exercice de l'autorité parentale, décider de confier l'enfant à un tiers, choisi de préférence dans sa parenté…Dans des circonstances exceptionnelles, le juge aux affaires familiales qui statue sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale après séparation des parents peut décider, du vivant même des parents, qu'en cas de décès de celui d'entre eux qui exerce cette autorité, l'enfant n'est pas confié au survivant. Il peut, dans ce cas, désigner la personne à laquelle l'enfant est provisoirement confié. »
-- L'Article 373-4 du code civil
"Lorsque l'enfant a été confié à un tiers, l'autorité parentale continue d'être exercée par les père et mère ; toutefois, la personne à qui l'enfant a été confié accomplit tous les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation.
Le juge aux affaires familiales, en confiant l'enfant à titre provisoire à un tiers, peut décider qu'il devra requérir l'ouverture d'une tutelle »
Ce tiers choisi de préférence avec un lien de parenté ; pourra être les grands-parents. 1ère Civ 25 février 2009. pourvoi n°° 07-14.849 a jugé que
2°- Seuls les parents et le ministère public, lui-même éventuellement saisi par un tiers, peuvent saisir le juge aux affaires familiales à l'effet de voir confier l'enfant à un tiers en application de l'article 373-3, alinéa 2, du code civil.
Dès lors, viole ce texte et les articles 373-2-8 du code civil et 1179-1du code de procédure civile une cour d'appel qui accueille la demande présentée directement devant elle par un tiers.
II- Le Juge des enfants : juge de l’assistance éducative
Ce juge aura un rôle de prévention et de protection pour maintenir ans la mesure du possible les liens entre parents et enfants, dans un climat de sécurité. Il aura un rôle d'aide et d'assistance avant tout, plus qu'un rôle sanctionnateur.
-- Article 375 du code civil :
"Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. …
Cependant, lorsque les parents présentent des difficultés relationnelles et éducatives graves, sévères et chroniques, évaluées comme telles dans l'état actuel des connaissances, affectant durablement leurs compétences dans l'exercice de leur responsabilité parentale, une mesure d'accueil exercée par un service ou une institution peut être ordonnée pour une durée supérieure, afin de permettre à l'enfant de bénéficier d'une continuité relationnelle, affective et géographique dans son lieu de vie dès lors qu'il est adapté à ses besoins immédiats et à venir.
Un rapport concernant la situation de l'enfant doit être transmis annuellement au juge des enfants. »
-- Article 375-3 du Code Civil
Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier :
1° A l'autre parent ;
2° A un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance;
3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance ;
4° A un service ou à un établissement habilité pour l'accueil de mineurs à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge ;
5° A un service ou à un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé.
Toutefois, lorsqu'une requête en divorce a été présentée ou un jugement de divorce rendu entre les père et mère ou lorsqu'une requête en vue de statuer sur la résidence et les droits de visite afférents à un enfant a été présentée ou une décision rendue entre les père et mère, ces mesures ne peuvent être prises que si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s'est révélé postérieurement à la décision statuant sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale ou confiant l'enfant à un tiers. Elles ne peuvent faire obstacle à la faculté qu'aura le juge aux affaires familiales de décider"
-- Article 375-7 du code civil modifié par la Loi n°2007-293 du 5 mars 2007
Les père et mère de l'enfant bénéficiant d'une mesure d'assistance éducative continuent à exercer tous les attributs de l'autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette mesure. Ils ne peuvent, pendant la durée de cette mesure, émanciper l'enfant sans autorisation du juge des enfants.
Sans préjudice de l'article 373-4 des dispositions particulières autorisant un tiers à accomplir un acte non usuel sans l'accord des détenteurs de l'autorité parentale, le juge des enfants peut exceptionnellement, dans tous les cas où l'intérêt de l'enfant le justifie, autoriser la personne, le service ou l'établissement à qui est confié l'enfant à exercer un acte relevant de l'autorité parentale en cas de refus abusif ou injustifié ou en cas de négligence des détenteurs de l'autorité parentale, à charge pour le demandeur de rapporter la preuve de la nécessité de cette mesure.
Le lieu d'accueil de l'enfant doit être recherché dans l'intérêt de celui-ci et afin de faciliter l'exercice du droit de visite et d'hébergement par le ou les parents et le maintien de ses liens avec ses frères et soeurs en application de l'article 371-5.
S'il a été nécessaire de confier l'enfant à une personne ou un établissement, ses parents conservent un droit de correspondance ainsi qu'un droit de visite et d'hébergement. Le juge en fixe les modalités et peut, si l'intérêt de l'enfant l'exige, décider que l'exercice de ces droits, ou de l'un d'eux, est provisoirement suspendu. Il peut également décider que le droit de visite du ou des parents ne peut être exercé qu'en présence d'un tiers désigné par l'établissement ou le service à qui l'enfant est confié.
Si la situation de l'enfant le permet, le juge fixe la nature et la fréquence des droits de visite et d'hébergement et peut décider que leurs conditions d'exercice sont déterminées conjointement entre les titulaires de l'autorité parentale et la personne, le service ou l'établissement à qui l'enfant est confié, dans un document qui lui est alors transmis. Il est saisi en cas de désaccord.
Le juge peut décider des modalités de l'accueil de l'enfant en considération de l'intérêt de celui-ci. Si l'intérêt de l'enfant le nécessite ou en cas de danger, le juge décide de l'anonymat du lieu d'accueil.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris