Dans un précédent article, j’ai abordé la valeur de l’usufruit,en tant que prix du démembrement du droit de propriété, défini à l’article 578 du code civil.
http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/quelques-rappels-valeur-usufruit-2245.htm
Si l’usufruitier a des droits d’usus et de fructus, il a aussi des devoirs. Ceux-ci sont proches de ceux du propriétaire, à la différence qu’il ne peut céder que son droit d’usufruit et non le bien, prérogative du ressort du nu-propriétaire.
Ici, je me pencherai sur les droits et obligations de l’usufruitier.
Jusqu’à quand ces droits et obligations seront-ils maintenus ?
L'article 617 du code civil dispose:
L'usufruit s'éteint :
Par la mort de l'usufruitier ;
Par l'expiration du temps pour lequel il a été accordé ;
Par la consolidation ou la réunion sur la même tête, des deux qualités d'usufruitier et de propriétaire ;
Par le non-usage du droit pendant trente ans ;
Par la perte totale de la chose sur laquelle l'usufruit est établi.
Article 618 du code civil
L'usufruit peut aussi cesser par l'abus que l'usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d'entretien...
I Les droits de l'usufruitier
Ce dernier prend la chose en l'état après avoir fait dresser un inventaire des meubles et un état des lieux des immeubles en présence du nu-propriétaire,sauf dispense.
Il doit fournir une caution, dont 'l'utilisation trouvera tout son sens en cas de conflit avec le nu-propriétaire…
A) Usage, habitation et administration du bien
L'utilisation de la chose doit se faire en respect de sa destination L'usufruitier peut en jouir à charge de la rendre en fin d'usufruit en même quantité et qualité.
Les articles 582 à 599 du Code civil définissent ces droits.
Il accomplit seul les actes d’administration, qui lui permettent d’exploiter et de faire fructifier le bien.
Cela suppose que sans l’accord du nu-propriétaire il pourra signer un contrat de bail d’habitation, sauf qu'en matière de bail à usage industriel, commercial et artisanal, ce droit est soumis à l'accord du nu-propriétaire, voir à défaut d'accord à une autorisation judiciaire à passer seul ledit acte.
B) perception des fruits proportionnellement à la durée de l’usufruit.
1°- fruits naturels
Cela peut s’entendre de récoltes
2°- fruits civils
intérêts d'une somme d'argent, des loyers, arrérages d'une rente viagère ...
C) Possibilité de donner à bail, de vendre ou de céder à titre gratuit
II obligations de l'usufruitier
Les articles 600 à 616 du Code civil définissent ces devoirs.
L’usufruitier prend la chose en l'état après avoir fait dresser un inventaire des meubles et un état des immeubles en présence du nu-propriétaire.
A la fin de l'usufruit, l'usufruitier, ne peut réclamer aucune indemnité pour amélioration du bien.
A) Usage du bien en bon père de famille
Cela signifie au sens du code civil, que l’usufruitier doit se comporter comme un propriétaire soigneux, diligent et attentif.
1°- en respect de la destination faite au bien.
Ainsi, il ne pourrait donner un bail avec une destination différente que celle qui lui est attribuée.
Si un bien est déterioré,voir détruit suite à un incendie, il devra établir son absence de faute .
2°- sans détruire, dégrader le bien grevé d’usufruit.
B) frais, charges d’entretien et de réparation courantes
Article 605 du code civil
L'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien.
Les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu'elles n'aient été occasionnées par le défaut de réparations d'entretien, depuis l'ouverture de l'usufruit ; auquel cas l'usufruitier en est aussi tenu.
Il est tenu aux charges et réparations d'entretien assimilables aux réparations locatives, les grosses réparations étant à la charge du nu-propriétaire.
Il doit conserver et prendre toutes mesures conservatoires nécessaires, accomplir les actes matériels.
Cela peut aller de la réfection de la peinture, ou des portes et fenêtres, au remplacement d’une chaudière, d’un ballon d’eau chaude, de l’installation électrique des portes et des fenêtres, des réparations indispensables, le remplacement des volets, des gouttières, l’enlèvement des mousses sur les toitures et la révision de la couverture….
Par contre, tous les gros travaux, définis par l'article 606 du Code civil : concernant les gros murs et voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, les digues et les murs de clôture sont supportés par le nu-propriétaire.
On entend par là les réparations consécutives à des dégradations qui portent une atteinte à la stabilité de l’immeuble ou à la durabilité de la construction ou de l’ouvrage.
Article 608 du code civil: L'usufruitier est tenu, pendant sa jouissance, de toutes les charges annuelles de l'héritage, telles que les contributions et autres qui dans l'usage sont censées charges des fruits.
Les charges locatives, sont concernées exemple la taxe d’habitation.
S’agissant de la taxe foncière, elle reste due par l'usufruitier, sauf à charge du nu-propriétaire lorsque le démembrement de propriété n'a pas donné lieu à un véritable usufruit , mais à un droit personne d’usage à vie qui empêche de louer le bien .
Une répartition contractuelle modifiée des charges peut toujours s’envisager.
En cas de difficultés, le Tribunal statue au regard des notions d’entretien ou de réparation, en précisant à qui incombent les dépenses.
En effet, il appert que si l’usufruitier reste inerte dans les réparations d’entretien lui incombant, et compromet la bonne conservation de l’immeuble, le nu-propriétaire peut se faire autoriser en justice l’autorisation à faire les travaux à sa place et à se faire rembourser des sommes avancées.
Par contre, il semble que les tribunaux refusent la situation inverse , l’usufruitier ne disposant pas de moyens de le contraindre le nu-propriétaire à exécuter les grosses réparations mises à sa charge durant l'exercice de son usufruit.
Ainsi, l’usufruitier qui aura procéder aux grosses réparations nécessaires à l'usage de son bien, et contraint à les faire es-qualité de bailleur du bien, disposera d'un recours qui ne pourra s'’exercer qu'en fin d’usufruit à l'encontre du nu propriétaire.
En pratique, cela sera difficilement mis en oeuvre, pour la majorité des usufruits aui ont un caractère viagers.
Article 613 du code civil: L'usufruitier n'est tenu que des frais des procès qui concernent la jouissance et des autres condamnations auxquelles ces procès pourraient donner lieu.
C) Les sanctions de l’abus de jouissance
S'il ne peut rendre la chose de façon semblable à ce qu’il a reçu, l’usufruitier doit en payer sa valeur en argent
Il faut aussi entendre une certaine forme d’abus de jouissance qui peut conduire à une déchéance de l’usufruit.
Article 618 du code civil
L'usufruit peut aussi cesser par l'abus que l'usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d'entretien.
Les créanciers de l'usufruitier peuvent intervenir dans les contestations pour la conservation de leurs droits ; ils peuvent offrir la réparation des dégradations commises et des garanties pour l'avenir.
Les juges peuvent, suivant la gravité des circonstances, ou prononcer l'extinction absolue de l'usufruit, ou n'ordonner la rentrée du propriétaire dans la jouissance de l'objet qui en est grevé, que sous la charge de payer annuellement à l'usufruitier, ou à ses ayants cause, une somme déterminée, jusqu'à l'instant où l'usufruit aurait dû cesser.
Si le bien est très détérioré, le nu-propriétaire pourra demander la déchéance du droit d’usufruit,ainsi en cas de défaut d'entretien persistant, qui aura compromis l’usufruit, dégradé ou détérioré l’immeuble, le gros œuvre.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris