Dans deux précédents articles, j’ai pu définir et envisager la preuve des récompenses qui intéresse la liquidation des régimes de communauté http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/recompenses-point-mauvais-ticket-pour-1562.htm et http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/preuve-recompenses-1569.htm.
Une fois le principe de la récompense admis ou acquis par les tribunaux, restera à l’évaluer. Son calcul devra prendre en compte la nature de chaque dépense, et l’écoulement du temps passé entre la dépense initiale et la récompense…
Dans la majorité des situations, la récompense sera égale à la plus faible des deux sommes que représentent, la dépense faite et le profit subsistant (à savoir la plus-value).
Comment se fera leur évaluation ? Et quelle sera la base de leur calcul concrètement ? La réponse est donnée par l'article 1369 du code civil.
Ce domaine étant complexe, je m’en tiendrai donc uniquement aux grandes lignes et prie le lecteur avisé de bien vouloir m'en excuser car chaque situation est un cas pratique et d'étude.
L’article 1469 du code civil dispose :
« La récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant ( c'est-à-dire la plus-value)
Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire.
Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur.
Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation ;
si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien. »
Un compte ou « balance » de toutes les récompenses admises comme telles sera établi dans un deuxième temps.
Chaque soldes des récompenses se compensera entre, à savoir ceux dus au profit de la communauté et ceux dus par celle-ci à un époux.
Article 1470 du code civil
« Si, balance faite, le compte présente un solde en faveur de la communauté, l'époux en rapporte le montant à la masse commune.
S'il présente un solde en faveur de l'époux, celui-ci a le choix ou d'en exiger le paiement ou de prélever des biens communs jusqu'à due concurrence. »
Mais les situations seront à envisager dans le temps.
I- La règle de principe : un calcul classique
A chaque fois qu’une somme a été prise sur la communauté pour payer une dépense qui incombe à un époux au titre d’un bien qui lui est propre ( ex montant payé pour une soulte, paiement de frais, fraction en capital d’un prêt remboursé, ….), il convient d’appliquer l’opération suivante :
A) Quand la dépense a servi à acquérir, conserver ou améliorer un bien propre, la récompense est égale à la plus-value acquise par ce bien au jour du partage.
Somme prise sur la communauté X valeur de la maison au jour du partage / valeur de la maison au moment où la somme a été dépensée
Ex des époux procèdent à des travaux d’entretien et d’agrandissement d’un logement, propriété de l’un d’eux. Ce dernier devra alors une récompense égale à la plus-value résultant de cet agrandissement.
Imaginons, que la communauté rembourse en 2010 un emprunt de 200.000 euros souscrit en 1980 portant sur un bien propre d’une valeur initiale de 300.000 euros, actualisée 20 ans plus tard à 500.000 euros
Sans l'intervention de la communauté, le conjoint ne serait propriétaire que de la partie payée avant l’union.
Le profit subsistant est égal à la quote-part payée par la communauté du bien.
Or cette valeur de bien ayant augmenté avec les années et l’inflation, c’est à la date de la liquidation qu'elle sera appréciée.
La récompense au regard du profit subsistant = part emprunté sur la communauté / valeur initiale x valeur actuelle du bien :
200.000 / 300.000 x 500.000 euros = 333.333 euros
B) Les intérêts d’emprunts de propres n’ouvrent pas droit à récompense
Ils sont à la charge de la communauté 1 ère Civ, 31 octobre 1992, pourvoi n° 90-17212.
La communauté, à laquelle sont affectés les fruits et revenus des biens propres, doit supporter les dettes qui sont à la charge de la jouissance de ces biens.
Cependant l'époux qui aurait acquitté les annuités d’un emprunt propre avec des fonds qui lui sont propres disposera d'une créance contre son époux sur la fraction du capital (puisque les masses propres sont visées ici).
II- La récompense ne peut être inférieure à la dépense initiale quand celle-ci était nécessaire à la vie quotidienne.
Imaginons un époux qui financera avec des fonds propres la réfection ou l’entretien de la chaudière, se trouvant dans le domicile conjugal le montant de la dépense sera à récupérer dans la mesure où il n’y aura pas de plus-value.
1ère Civ, 25 janvier 2000, pourvoi, n° 98-10.747
Attendu qu'ayant constaté que les travaux litigieux n'avaient laissé aucun profit subsistant, c'est par une appréciation souveraine que la cour d'appel a retenu qu'ils avaient été rendus nécessaires pour assurer l'habitabilité de l'immeuble ; qu'elle en a exactement déduit que la récompense ne pouvait être inférieure au montant de la dépense faite …
Si l’époux a financé 3000 euros de ses deniers propres, la communauté lui devra cette somme à titre de récompense.
Celle-ci sera répartie par moitié entre les époux…
III- L’acquisition d’un bien en échange d’un propre
article 1407 du code civil :
Le bien acquis en échange d'un bien qui appartenait en propre à l'un des époux est lui-même propre, sauf la récompense due à la communauté ou par elle, s'il y a soulte.
Mais attention, si la soulte mise à la charge de la communauté est supérieure à la valeur du bien cédé, le bien acquis en échange tombe dans la masse commune, sauf récompense au profit du cédant.
IV- l’accession par un époux, titulaire de parts indivises propres, qui acquiert d’autres parts indivises.
Dans ce cas, Lesdites parts acquises resteront propres ; en outre, si cette acquisition met fin à l’indivision, le bien acquis est propre.
cependant, ces biens peuvent donner lieu à récompense s’ils ont été financés par la communauté.
Cette hypothèse particulière est consacrée dans l'article 1408 du code civil :
L'acquisition faite, à titre de licitation ou autrement, de portion d'un bien dont l'un des époux était propriétaire par indivis,ne forme pas un acquêt, sauf la récompense due à la communauté pour la somme qu'elle a pu fournir.
Demeurant à votre disposition.
Sabine HADDAD
Avocat au Barreau de Paris