La fouille d'un salarié par son employeur : le risque de l'effet boomerang

Publié le Modifié le 25/02/2010 Vu 47 443 fois 7
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Si, à peine de nullité, les fouilles effectuées en vue de rechercher des indices ou des traces doivent être effectuées par un officier de Police Judiciaire (OPJ),la question se pose de savoir, si l'employeur pourrait agir ainsi au sein de son entreprise.Il est admis que la fouille de l'employeur ou d’un représentant du personnel spécialement désigné en vertu du règlement intérieur de l'entreprise pourra s’envisager. cependant,il en sera ainsi pour l'employeur,uniquement de façon exceptionnelle et à de strictes conditions sous peine de subir l'effet boomerang d'une fouille illégale et du licenciement qui s'ensuivrait....

Si, à peine de nullité, les fouilles effectuées en vue de rechercher des indices ou des traces doivent êt

La fouille d'un  salarié par son employeur : le risque de l'effet boomerang

Si à peine de nullité, les fouilles effectuées en vue de  rechercher des indices ou des traces doivent être effectuées  par un officier de Police Judiciaire (OPJ), la question se pose de savoir, si d’autres  personnes pourraient agir, tel l’employeur.

Avant tout, il s'agit de rappeler que la fouille est une mesure de sécurité qui a pour objectif d’assurer qu’une personne ne détient sur elle aucun objet dangereux susceptible de faciliter une agression, aucun produit ou substance toxique illicite. Ce procédé est destiné à rassembler des preuves qui seront  placées sous scellés. Nous sommes en présence d’un acte judiciaire, assimilable à une perquisition.

A la différence, une palpation, mesure de police administrative, moins contraignante de sécurité destinée à écarter tout objet dangereux ou délictueux dont peuvent être porteurs des individus appréhendés, sera admise par la jurisprudence, au profit de certaines personnes habilitées...

voir article: "palpation ou fouille ,il faut choisir. sur http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/palpation-fouille-faut-choisir-1311.htm

Elle consiste  à  appliquer les mains par dessus les vêtements d’une personne qui vient d’être interpellée, afin de déceler tout objet susceptible d’être dangereux pour la sécurité de l’intervenant ou d’autrui .Ici on ne cherche aucune preuve ou quoi que ce soit. Son seul but est de s’assurer que l’individu ne présente pas de danger pour les personnes qui le contrôle.

A cet effet l'article 203 du Règlement Intérieur de la Police Nationale afférent aux "mesures de sécurité" rappelle que  "Les fouille sont considérée comme une perquisition à corps suivie ou non d'une saisie relevant de la compétence des OPJ, les gradés et gardiens de la paix ne sont habilités à prendre que des mesures de sécurité. Ces mesures consistent lorsqu'il y a des arrestations en flagrant délit ou des interpellations, à palper immédiatement les individus arrêtés ou interpellés et à leur ôter armes ou objets dangereux ou de provenance délictuelle dont ils peuvent être porteurs. Les mesures précitées, ne peuvent être effectuées que par une personne de même sexe...

j’envisagerai ici le cas de l’employeur, qui souhaite fouiller un salarié, son vestiaire ou son casier.

La fouille de l'employeur ou d’un représentant du personnel  spécialement désigné en vertu du règlement intérieur de l'entreprise pourra s’envisager , uniquement de façon exceptionnelle.


I- Le principe : Le respect de la liberté du salarié

A) rappel des textes

La Cour de cassation a  eu à rappeler les dispositions de l’article L.120-2 ancien, devenu L 1121-1 du code du travail, qui dispose :

« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. ».

A défaut de respecter ce texte, l’employeur  commettrait aussi une violation au regard de l’article  9 du code civil sur le droit au respect de la vie privée.

Les principes  devraient s’appliquer à la fouille du personnel, aux casiers, aux vestiaires. Pourtant :

B) des circonstances exceptionnelles justifieront les fouilles

-En cas de circonstances exceptionnelles, de raisons impératives de  sécurité, ou d’hygiène ex risques de substances dangereuses, d’attentat, de disparitions renouvelées et rapprochées d'objets ou de matériels appartenant à l'entreprise, la fouille pourra être tolérée sous de strictes conditions impératives.( voir II).

- Le règlement intérieur, document essentiel et obligatoire à partir  de 20 salariés , affiché dans l’entreprise,  sera  l’acte unilatéral de l’employeur qui pourra contenir  dans l’exposé des  règles de discipline, d’hygiène et de sécurité, des clauses relatives aux fouilles, à l’ouverture des armoires individuelles des salariés ou des vestiaires, mais  dans la limite de certaines conditions rappelées par la circulaire DRT n°5-83 du 15 mars 1983. Deux sortes de  fouilles  sont envisageables.


-    la fouille justifiée par des raisons de sécurité collective : elle peut être prévue à titre préventif si l'activité de l'entreprise le justifie pour des raisons de sécurité collective,


-    la fouille liée à la recherche d'objets volés : assimilée par la jurisprudence à une perquisition, elle ne peut être effectué que dans les conditions prévues par le Code de procédure pénale, à savoir par un OPJ. Toute clause allant à l’encontre de ces principes serait nulle et non avenue.


La clause d'un règlement intérieur qui envisagera  la possibilité de fouilles doit préciser qu'il ne sera procédé à une telle vérification qu'en cas de nécessité (disparition de matériel, risques particuliers de vol dans l'entreprise), que le salarié sera averti de son droit de s'opposer à un tel contrôle et d'exiger la présence d'un témoin, et que le contrôle sera effectué dans des conditions préservant la dignité et l'intimité de la personne CE, 26 novembre 1990, RJS 2/91 n°179.

Néanmoins, la circulaire précitée, tolère la fouille en cas de disparitions renouvelées et rapprochées d'objets ou de matériels de l'entreprise. Les salariés devront  présenter le contenu de leurs effets ou objets personnels, sous condition préalable d’avoir été expressément avertis de leur  droit de s'y opposer.

Dans ces situations de refus, l'employeur n’aura plus qu’à alerter  la police.

De ce fait, les armoires et vestiaires individuels mis à la disposition des salariés ne peuvent être ouverts  que dans les cas et aux conditions prévus par le règlement intérieur ou la note de service : Cass. Soc, 11 décembre 2001, pourvoi n°99-43.030.

Si le règlement intérieur vise des mentions spécifiques relatives aux fouilles, les règles qui y sont visées doivent être scrupuleusement respectées, au risque de voir le  licenciement prononcé sur la base d’une fouille illicite ou effectuée en dehors des cas et procédures dudit règlement considérée comme sans cause réelle et sérieuse.

Il peut être envisagé que  l’ouverture se fera en présence d’un représentant du personnel et /ou un agent de sécurité.

II-Analyse des conditions impératives liées aux fouilles

Cass Soc, 11 février 2009, (BOUGHEZAL/ SIO ), pourvoi n°07-42068. « L’employeur ne peut ouvrir les sacs des salariés qu’avec leur accord et après les avoir informés de leurs droits de s’y opposer et d’exiger un témoin ».

Dans cette espèce un employeur avait sollicité certains salariés d'ouvrir leurs sacs. Il avait trouvé dans le sac de l'un d'eux  divers emballages plastique appartenant à l'entreprise et avait licencié ce salarié pour faute grave. Ce dernier avait contesté le licenciement au motif que l'ouverture de son sac, même si réalisée en sa présence et avec son accord, était irrégulière.

Les hauts magistrats ont suivi sa position, considérant  qu’il avait manqué des garanties à  la fouille, dans la mesure où il n'avait pas été préalablement averti de son droit à s'opposer à l'ouverture de son sac.

Cela suppose que :

A) Un risque impératif ou des circonstances exceptionnelles soient justifiés;

B)  Le  salarié soit expressément averti du droit de s'opposer à cette fouille ET du droit qu’il peut avoir en cas d’acceptation  être assisté par un témoin.

- Il appartiendra à l’employeur de justifier avoir donné cette information de façon claire et précise...

-... préalablement au contrôle pour garantir l'effectivité du droit de refus du  salarié.

L’affichage des dispositions à respecter issues du règlement intérieur dans le cadre d'une information, (ex présence d’un représentant du personnel, délai de convocation du salarié.) et le consentement du salarié à sa fouille, ne pourront pallier  à son  absence d’information individuelle sur ses droits lors du contrôle ...

C’est dans ce contexte qu’un employeur a été condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour ne pas avoir  établi que sa salariée, prise en flagrant délit de vol, avait  été informée de ses droits, l'affichage du règlement intérieur ne pouvant suppléer le défaut d'une information individuelle  Cass  Soc, 8 mars 2005, pourvoi n° 02-47-123.

voir aussi ci-dessus précité Cass Soc, 11 février 2009.

C)  Le salarié, informé de ses droits devra expressément donner son accord,

A défaut, l’employeur ne pourra rien faire d’autre que d’appeler un officier de police judiciaire (OPJ) sans aller au-delà.

D) L’ouverture en l’absence d’un salarié prévenu suffisamment à l’avance serait possible Cass. Soc, 15 avril 2008, pourvoi n°06-45902

Est licite, la fouille des casiers non identifiés réalisée par l'employeur en présence d'un représentant du personnel et d'un agent de sécurité dans les conditions prévues par la procédure d'identification et d'attribution des vestiaires mise en place avec l'accord des partenaires sociaux, dès lors que le salarié a été personnellement avisé trois semaines à l'avance par affichage sur son propre casier de la date d'ouverture de tout vestiaire non identifié et revendiqué et que l'ouverture était limitée aux seuls non identifiés dans le délai prévu à cette fin. Les résultats de cette fouille peuvent conduire l'employeur à engager une procédure de licenciement.

De ce fait un licenciement prononcé sur la base d’une fouille illicite ou effectuée sans respect des circonstances et des règles  de procédures rappelées dans le règlement intérieur est sans cause réelle et sérieuse.

De ce fait prudence et vigilance s’imposent car vous l’avez compris toute la légitimité du licenciement qui s’ensuivra pourra être remise en cause, du fait de la forme de la fouille au risque pour l’employeur qui tirerait profit d’une fouille illégale de voir contester la faute grave , et le fondement même du licenciement.

Prudence et vigilance pour le salarié qui, subissant une fouille régulière  nuisible à ses intérêts se retrouvera licencier pour faute, voir faute grave…

Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.

Sabine HADDAD

Avocate au barreau de Paris

 

 

Vous avez une question ?
Blog de Maître HADDAD Sabine

Sabine HADDAD

199 € TTC

2667 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par Visiteur
20/10/2010 17:57

bonjour, j'aurai aimé connaitre les dispositions obligatoires que l'entreprise doit prendre auprès de l'inspection du travail et des prud'hommes avant de fouiller le personnel

2 Publié par Visiteur
09/12/2010 15:17

ET LE COFFRE DE LA VOITURE STATIONNEE SUR LE PARKING DE L'ENTREPRISE, l'employeur peut-il le fouiller après m'avoir averti de mon droit à m'oppser ???

3 Publié par Visiteur
19/01/2011 20:13

Mon employeur m’envoi un courriér recommandée AR, pour m’informer que pour recupérer mes affaires rester dans l’armoire de mon vestiaire, il fallait que je prenne rendez – vous avec lui.
Je me suis présenter quand même sans la presence de mon employeur a la date du 19 Janvier 2011, a 14 heures 35, pour retirais le contenu de mes affaires personnel rester sur place au vestiaire de la (CPAM).
Le responsable du service sécurité de la (CPAM), (m’informe sur place que je ne peux pas retirais ou ouvrir mon casier du vestiare sans la presence de mon employeur).
Le responsable de sécurité appelle mon employeur pour l’avisé de ma presence sur mon lieu de travail.
Durant cette procédure d’ouverture que je trouver abusive lors de cette ouverture de mon armoire personnelle en presence de temoin.
Est ça sans me donner les raison de cette action, mais j’ai refusé d’ouvrir mon armoire en presence des temoins.
Mon employeur invoque une question qui ma surpris (avez vous quelque chose a vous repprocher ou si vous refuser sais que vous s’avez des objets appartenant a la (CPAM).
Sur le moment je ne vous les pas agraver les choses j’ai proceder a l’ouverture de cette armoir.
IL son verifier tout le contenu de mon armoir objet par objet et ça sans me donner aucune explication a cette perquisition negative que j’ai trouvé abusive et humiliante.

Je vous remercie beaucoup

4 Publié par vdolbeau
31/03/2013 17:41

Bonjour,
J'ai un cas d'espèce concernant l'inscription de la mention "fouille des effets personnels et des personnes" dans un règlement intérieur d'une association, qui est l'employeur d'aides soignantes à domicile, d'infirmières à domicile, et d'aides à domicile. la direction vient de demander à ses salariés de signer ce nouveau règlement.
Je trouve ce nouvel article illégal et je voudrais votre avis.
En effet, il ne s'agit pas d'un environnement dangereux pour le collectif puisqu'en fait les salariés sont surtout chez leurs clients. Il ne s'agit pas non plus de parer à des vols répétés dans l'entreprise pour les mêmes raisons que ci-dessus.
De mon point de vue il s'agit donc de se substituer à la police pour des vols potentiels et putatifs qui se passent chez des particuliers.
Pour ma part dans ce contexte, ce nouveau reglement intérieur est illégal.
Qu'en pensez-vous ?
merci d'avance pour vos conseils

5 Publié par Visiteur
14/05/2015 11:13

Bonjour j'ai ma responsable de caisse qui a pris mon téléphone portable dans mon sac pour l éteindre sous prétexte que sa gene je sais que c'est illégal que dois je faire? Merci d'avance

6 Publié par Visiteur
28/05/2016 17:35

Bonjour pour un vol datant du 3 mai il on fouiller mon vestiere et bien sur il y avait rien sans lire mes droit le vigil a ouvert mon vestiaire il y a été seul apres le 27 du moi il y a eu mon entretien en vu effentuel d un licenciement etant en maladie du 12 du mois et l entretien le 27 et reprise du travail le 30 on m a dit qu il se souvenait pas d avoir ouvert mon vestiaire et qu il allait me l ouvrir a nouveau esque je peux refuser quesque je risque en refusant

7 Publié par Visiteur
08/03/2018 14:52

Bonjour, je souhaiterais savoir si la fouille doit être faite pendant ou après le temps de travail et si ce temps d attente doit être payé par l employeur?

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

A propos de l'auteur
Blog de Maître HADDAD Sabine

AVOCATE - ENSEIGNANTE

PLUS DE 3.000 PUBLICATIONS ET ARTICLES JURIDIQUES- VU SUR FRANCE2, M6, BFM TV, LE FIGARO , L'EXPRESS etc...

Je traite personnellement toutes vos questions.

Consultation en ligne
Image consultation en ligne

Posez vos questions juridiques en ligne

Prix

199 € Ttc

Rép : 24h max.

2667 évaluations positives

Note : (5/5)
Informations

 

L’Avocate vous fait Juge” Copyright Sabine HADDAD Première Edition : décembre 2013 ISBN: 978-1-291-48466-3 -330 pages

book_blue2.gif?20131216165508

Rechercher
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles