Si à peine de nullité, les fouilles effectuées en vue de rechercher des indices ou des traces doivent être effectuées par un officier de Police Judiciaire (OPJ), la question se pose de savoir, si d’autres personnes pourraient agir, tel l’employeur.
Avant tout, il s'agit de rappeler que la fouille est une mesure de sécurité qui a pour objectif d’assurer qu’une personne ne détient sur elle aucun objet dangereux susceptible de faciliter une agression, aucun produit ou substance toxique illicite. Ce procédé est destiné à rassembler des preuves qui seront placées sous scellés. Nous sommes en présence d’un acte judiciaire, assimilable à une perquisition.
A la différence, une palpation, mesure de police administrative, moins contraignante de sécurité destinée à écarter tout objet dangereux ou délictueux dont peuvent être porteurs des individus appréhendés, sera admise par la jurisprudence, au profit de certaines personnes habilitées...
voir article: "palpation ou fouille ,il faut choisir. sur http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/palpation-fouille-faut-choisir-1311.htm
Elle consiste à appliquer les mains par dessus les vêtements d’une personne qui vient d’être interpellée, afin de déceler tout objet susceptible d’être dangereux pour la sécurité de l’intervenant ou d’autrui .Ici on ne cherche aucune preuve ou quoi que ce soit. Son seul but est de s’assurer que l’individu ne présente pas de danger pour les personnes qui le contrôle.
A cet effet l'article 203 du Règlement Intérieur de la Police Nationale afférent aux "mesures de sécurité" rappelle que "Les fouille sont considérée comme une perquisition à corps suivie ou non d'une saisie relevant de la compétence des OPJ, les gradés et gardiens de la paix ne sont habilités à prendre que des mesures de sécurité. Ces mesures consistent lorsqu'il y a des arrestations en flagrant délit ou des interpellations, à palper immédiatement les individus arrêtés ou interpellés et à leur ôter armes ou objets dangereux ou de provenance délictuelle dont ils peuvent être porteurs. Les mesures précitées, ne peuvent être effectuées que par une personne de même sexe...
j’envisagerai ici le cas de l’employeur, qui souhaite fouiller un salarié, son vestiaire ou son casier.
La fouille de l'employeur ou d’un représentant du personnel spécialement désigné en vertu du règlement intérieur de l'entreprise pourra s’envisager , uniquement de façon exceptionnelle.
I- Le principe : Le respect de la liberté du salarié
A) rappel des textes
La Cour de cassation a eu à rappeler les dispositions de l’article L.120-2 ancien, devenu L 1121-1 du code du travail, qui dispose :
« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. ».
A défaut de respecter ce texte, l’employeur commettrait aussi une violation au regard de l’article 9 du code civil sur le droit au respect de la vie privée.
Les principes devraient s’appliquer à la fouille du personnel, aux casiers, aux vestiaires. Pourtant :
B) des circonstances exceptionnelles justifieront les fouilles
-En cas de circonstances exceptionnelles, de raisons impératives de sécurité, ou d’hygiène ex risques de substances dangereuses, d’attentat, de disparitions renouvelées et rapprochées d'objets ou de matériels appartenant à l'entreprise, la fouille pourra être tolérée sous de strictes conditions impératives.( voir II).
- Le règlement intérieur, document essentiel et obligatoire à partir de 20 salariés , affiché dans l’entreprise, sera l’acte unilatéral de l’employeur qui pourra contenir dans l’exposé des règles de discipline, d’hygiène et de sécurité, des clauses relatives aux fouilles, à l’ouverture des armoires individuelles des salariés ou des vestiaires, mais dans la limite de certaines conditions rappelées par la circulaire DRT n°5-83 du 15 mars 1983. Deux sortes de fouilles sont envisageables.
- la fouille justifiée par des raisons de sécurité collective : elle peut être prévue à titre préventif si l'activité de l'entreprise le justifie pour des raisons de sécurité collective,
- la fouille liée à la recherche d'objets volés : assimilée par la jurisprudence à une perquisition, elle ne peut être effectué que dans les conditions prévues par le Code de procédure pénale, à savoir par un OPJ. Toute clause allant à l’encontre de ces principes serait nulle et non avenue.
La clause d'un règlement intérieur qui envisagera la possibilité de fouilles doit préciser qu'il ne sera procédé à une telle vérification qu'en cas de nécessité (disparition de matériel, risques particuliers de vol dans l'entreprise), que le salarié sera averti de son droit de s'opposer à un tel contrôle et d'exiger la présence d'un témoin, et que le contrôle sera effectué dans des conditions préservant la dignité et l'intimité de la personne CE, 26 novembre 1990, RJS 2/91 n°179.
Néanmoins, la circulaire précitée, tolère la fouille en cas de disparitions renouvelées et rapprochées d'objets ou de matériels de l'entreprise. Les salariés devront présenter le contenu de leurs effets ou objets personnels, sous condition préalable d’avoir été expressément avertis de leur droit de s'y opposer.
Dans ces situations de refus, l'employeur n’aura plus qu’à alerter la police.
De ce fait, les armoires et vestiaires individuels mis à la disposition des salariés ne peuvent être ouverts que dans les cas et aux conditions prévus par le règlement intérieur ou la note de service : Cass. Soc, 11 décembre 2001, pourvoi n°99-43.030.
Si le règlement intérieur vise des mentions spécifiques relatives aux fouilles, les règles qui y sont visées doivent être scrupuleusement respectées, au risque de voir le licenciement prononcé sur la base d’une fouille illicite ou effectuée en dehors des cas et procédures dudit règlement considérée comme sans cause réelle et sérieuse.
Il peut être envisagé que l’ouverture se fera en présence d’un représentant du personnel et /ou un agent de sécurité.
II-Analyse des conditions impératives liées aux fouilles
Cass Soc, 11 février 2009, (BOUGHEZAL/ SIO ), pourvoi n°07-42068. « L’employeur ne peut ouvrir les sacs des salariés qu’avec leur accord et après les avoir informés de leurs droits de s’y opposer et d’exiger un témoin ».
Dans cette espèce un employeur avait sollicité certains salariés d'ouvrir leurs sacs. Il avait trouvé dans le sac de l'un d'eux divers emballages plastique appartenant à l'entreprise et avait licencié ce salarié pour faute grave. Ce dernier avait contesté le licenciement au motif que l'ouverture de son sac, même si réalisée en sa présence et avec son accord, était irrégulière.
Les hauts magistrats ont suivi sa position, considérant qu’il avait manqué des garanties à la fouille, dans la mesure où il n'avait pas été préalablement averti de son droit à s'opposer à l'ouverture de son sac.
Cela suppose que :
A) Un risque impératif ou des circonstances exceptionnelles soient justifiés;
B) Le salarié soit expressément averti du droit de s'opposer à cette fouille ET du droit qu’il peut avoir en cas d’acceptation être assisté par un témoin.
- Il appartiendra à l’employeur de justifier avoir donné cette information de façon claire et précise...
-... préalablement au contrôle pour garantir l'effectivité du droit de refus du salarié.
L’affichage des dispositions à respecter issues du règlement intérieur dans le cadre d'une information, (ex présence d’un représentant du personnel, délai de convocation du salarié.) et le consentement du salarié à sa fouille, ne pourront pallier à son absence d’information individuelle sur ses droits lors du contrôle ...
C’est dans ce contexte qu’un employeur a été condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour ne pas avoir établi que sa salariée, prise en flagrant délit de vol, avait été informée de ses droits, l'affichage du règlement intérieur ne pouvant suppléer le défaut d'une information individuelle Cass Soc, 8 mars 2005, pourvoi n° 02-47-123.
voir aussi ci-dessus précité Cass Soc, 11 février 2009.
C) Le salarié, informé de ses droits devra expressément donner son accord,
A défaut, l’employeur ne pourra rien faire d’autre que d’appeler un officier de police judiciaire (OPJ) sans aller au-delà.
D) L’ouverture en l’absence d’un salarié prévenu suffisamment à l’avance serait possible Cass. Soc, 15 avril 2008, pourvoi n°06-45902
Est licite, la fouille des casiers non identifiés réalisée par l'employeur en présence d'un représentant du personnel et d'un agent de sécurité dans les conditions prévues par la procédure d'identification et d'attribution des vestiaires mise en place avec l'accord des partenaires sociaux, dès lors que le salarié a été personnellement avisé trois semaines à l'avance par affichage sur son propre casier de la date d'ouverture de tout vestiaire non identifié et revendiqué et que l'ouverture était limitée aux seuls non identifiés dans le délai prévu à cette fin. Les résultats de cette fouille peuvent conduire l'employeur à engager une procédure de licenciement.
De ce fait un licenciement prononcé sur la base d’une fouille illicite ou effectuée sans respect des circonstances et des règles de procédures rappelées dans le règlement intérieur est sans cause réelle et sérieuse.
De ce fait prudence et vigilance s’imposent car vous l’avez compris toute la légitimité du licenciement qui s’ensuivra pourra être remise en cause, du fait de la forme de la fouille au risque pour l’employeur qui tirerait profit d’une fouille illégale de voir contester la faute grave , et le fondement même du licenciement.
Prudence et vigilance pour le salarié qui, subissant une fouille régulière nuisible à ses intérêts se retrouvera licencier pour faute, voir faute grave…
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris