Tout patient conserve un libre droit du choix de son médecin et de l’établissement de soin. L’hospitalisation sous contrainte, doit constituer de ce fait une exception au principe.
L'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose:
« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf ... selon les voies légales "
Il existe trois modes d’entrée dans un hôpital psychiatrique, régis par la loi N°90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation, laquelle a été modifiée par la loi « Kouchner » N° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, (remplaçant, elle même une loi du 30 juin 1838 « sur les aliénés ») .
Je n’aborderai pas le cas le plus simple et fréquent de l’hospitalisation libre ou avec le consentement du patient, mais les 2 cas d’hospitalisation « forcés » hors volonté ou hors consentement du patient, (anciens « placement »), effectués sur demande d'un tiers ; ou bien d'office.
Ainsi, nous sommes confrontés ici à des troubles mentaux qui rendent impossible le consentement et nécessitent des soins immédiats en milieu hospitalier, ou une protection des tiers au regard du trouble à l’ordre public.
« Un auteur d’infraction considéré comme atteint au moment de la commission des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes », et donc non accessible à une sanction pénale pourrait se voir imposer une telle mesure. (article 122-1 du code pénal),
I- Hospitalisation sur demande d’un Tiers : HDT
A) Une demande circonstanciée à l’appui de 2 certificats médicaux
La famille, ou tout tiers (sauf soignants de la structure d’accueil concernés), peuvent déposer une demande manuscrite, au directeur de l’hôpital, datée, signée circonstanciée, portant état civil complet du demandeur , sa qualité et l’état civil de la personne à hospitaliser .
1°- le principe : l’annexe de 2 certificats
La production de 2 certificats médicaux datant de moins de 15 jours y sera annexée.
-L’un constatant l'état mental de la personne à soigner, sa maladie et la nécessité de la faire hospitaliser hors consentement.
-Le second, confirmant le premier, pouvant émaner d’un médecin travaillant dans l'hôpital d’accueil.
Les deux médecins établissant ces certificats ne peuvent être parents ou alliés au 4ème degré, ni entre eux, ni avec le directeur du centre de soin, ni avec l'auteur de la demande de tiers, ni avec la personne hospitalisée.
2°- l’exception : l’unique certificat en cas de péril imminent pour la santé du patient
Dans cette situation, exceptionnelle : le risque de péril imminent pour la santé du malade dûment constaté par le médecin, justifiera d’un seul certificat médical
Le directeur de l'établissement d'accueil prononcera l'admission au vu d'un seul certificat, visant la notion de péril imminent et qui se référera à l'article L 3332 du CSP.
B) L’ admission
L’admission est, officiellement prononcée par le directeur du centre de soins, au vu de la conformité des pièces justificatives fournies à savoir
- Une pièce d'identité de la personne à hospitaliser.
- La demande manuscrite du tiers + copie de sa pièce d’identité
- Les 2 certificats médicaux datés et signés,
Le transport du malade sera pris en charge par le tiers ( ambulance ou voiture…)
La personne en HDT, dont l’état de santé s’améliorera pourra revenir au régime de l'hospitalisation libre après décision médicale.
(différence avec le régime de l’ HO, que nous allons aborder ci-dessous, lequel nécessitera en outre une autorisation administrative préfectorale pour passer en régime libre …)
C) Les certificats de maintien de la mesure
attesteront de la réunion des conditions de l'HDT. Ils sont transmis au procureur du Tribunal de Grande Instance du lieu du domicile du patient et de l'hôpital (article L 3212-5 du CSP).
Il s’agit d’un :
- certificat immédiat, rédigé par un 3ème médecin (article L3212-4 du Code de la Santé Publique)
- certificat sous 15 jours , rédigé dès le 12ème jour (article L3212-7 al.1 du Code de la Santé Publique).
- des certificats mensuellement établis (article. L3212-7 al.2 du Code de la Santé Publique).
II- Hospitalisation d’office pour les personnes dont les troubles mentaux compromettent l'ordre public ou la sûreté des personnes. : HO
La procédure est envisagée par les articles L 3213-1 à L 3213-10 du Code de la Santé Publique.
Elle implique des conditions strictes imposées par la loi du 4 mars 2002
- un trouble mental ;
- une nécessité de soins ;
- une atteinte grave à l'ordre public ou,une sûreté des personnes compromise.
L'article D 398 du CPP prévoit à cet effet que :
« Les détenus atteints des troubles mentaux visés à l'article L. 342 du code de la santé publique ne peuvent être maintenus dans un établissement pénitentiaire.
Au vu d'un certificat médical circonstancié et conformément à la législation en vigueur, il appartient à l'autorité préfectorale de faire procéder, dans les meilleurs délais, à leur hospitalisation d'office dans un établissement de santé habilité au titre de l'article L. 331 du code de la santé publique.
Il n'est pas fait application, à leur égard, de la règle posée au second alinéa de l'article D. 394 concernant leur garde par un personnel de police ou de gendarmerie pendant leur hospitalisation. »
Deux procédures sont possibles: l’une est courante, la seconde vise l’urgence.
A) Une mesure administrative classique prise par arrêté préfectoral
1°- La procédure courante de l’article L3213-1 CSP :
Nécessité d'un certificat médical circonstancié par un psychiatre n'exerçant pas dans l'établissement d'accueil.
C'est au vu de ce certificat que le préfet prononce l'HO. Un psychiatre établit un certificat dans les 24h, constatant la pathologie et justifiant l'hospitalisation. Par la suite des certificats doivent être établis régulièrement pour confirmer la nécessité du placement.
A Paris, le préfet de police et, dans les départements, les représentants de l'Etat prononcent par arrêté, motivé ,visant les circonstances de fait au vu d'un certificat médical circonstancié, l'hospitalisation d'office dans un établissement .
Le certificat médical à l’appui de la demande ne peut émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade.
Dans les 24 heures suivant l'admission, le directeur de l'établissement d'accueil transmet au Prefet et à la Commission Départementale des Hospitalisations Psychiatriques (C.D.H.P.), un certificat médical établi par un psychiatre de l'établissement.
Une circulaire interne du 11 janvier 2010 des ministres de la santé et de l’intérieur,Mme Bachelot et M. Hortefeux préconise que les préfets, dans leur décision doivent disposer d’« éléments précis et objectifs » sur le profil et les antécédents du patient...
Les avis des psychiatres, ne peuvent plus, désormais, se résumer à un état clinique et devront être « accompagnés d’éléments de nature à éclairer l’appréciation préfectorale sur les risques de troubles à l’ordre public ». Il faudra
« des indications claires sur l’organisation de la surveillance médicale précisées par le médecin », des « éléments objectifs relatant les circonstances de l’hospitalisation : date, antécédents d’HO, et notamment en UMD (unité pour malades difficiles), précisées par le chef d’établissement » et d’« éventuelle décision judiciaire concluant à l’irresponsabilité pénale précisée par le chef d’établissement ou à défaut obtenue directement par l’autorité publique » Enfin, les préfets disposent de 72 heures pour se positionner.
2°- En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, des mesures provisoires urgentes sont possibles :La procédure d'urgence de l’article L 3213-2 CSP
L'HO peut être prononcée par un commissaire à Paris ou par les maires au vu d'un avis médical, ou, à défaut, attesté par la notoriété publique.
En pratique, le maire ou les commissaires de police dans les grandes agglomérations signent un arrêté provisoire sur lequel le préfet statue sous 24h heures sur un arrêté d’hospitalisation.
En cas d'absence de décision préfectorale, les mesures provisoires sont caduques sous 48h.
C) Des mesures de maintien aux vues des examens et de certificats médicaux réguliers.
Dans les 15 jours, puis un mois après l'hospitalisation et ensuite au moins une fois par mois, un examen psychiatrique au sein de l'établissement suppose un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant, s'il y a lieu, les observations initiales, tout en précisant les caractéristiques de l'évolution ou la disparition des troubles justifiant l'hospitalisation.
Chaque certificat est transmis au représentant de l'Etat dans le département ( préfet) et à la Commission Départementale des Hospitalisations Psychiatriques (C.D.H.P ) par le directeur de l'établissement.
Dans les 3 jours avant l'expiration du premier mois d'hospitalisation, le préfet, après avis motivé d'un psychiatre, pourra proroger la mesure pour une nouvelle durée de 3 mois.
Au-delà de cette durée, l'hospitalisation peut être maintenue par préfet, pour des périodes de 6 mois maximum renouvelables selon les mêmes modalités.
Faute de décision, à l'issue de chacun des délais, la mainlevée de l'hospitalisation serait acquise, de la même façon qu’un certificat infirmatif d’un psychiatre, permettra au préfet de lever la mesure.
Pour les personnes en HO, un transfert en UMD ( Unité pour Malades Difficiles) peut être réalisé en cas de dangerosité particulière.
Dans un prochain article, j’aborderai, la protection vis-à-vis des enfants, mis à mal par une telle mesure, mais aussi les situations entraînant la levée des mesures ainsi que les moyens de recours du patient pour s’en sortir, et pour en sortir...
Demeurant à votre disposition
Sabine HADDAD
Avocat au barreau de Paris