Lors d’un recours en paiement suite à une reconnaissance de dette se pose trois questions imbriquées.
-La preuve du prêt, puis,
-La preuve de la remise de la somme.
En ce domaine, la jurisprudence a évolué favorablement,puisqu'elle décharge de la preuve de la remise des fonds , le prêteur qui produit une reconnaissance de dette...
-Pour le débiteur le cas échéant, la preuve der l'absence de remise ou du paiement partiel ou total.
La difficulté se posera en l'absence de contrat de prêt ou d'une reconnaissance de dette, lorsque la remise aura été faite en éspèces...
I- De l'intérêt de l'écrit dans le cadre du prêt
Cet écrit, même si la loi le rend indispensable, lorsque le quantum d'un prêt est supérieur à 1500 euros, sera toujours souhaitable pour prouver l'existence d'un emprunt.
Par écrit, il faut entendre Un contrat de prêt ou un acte unilatéral de reconnaissance de dette.
Il pourra être notarié ou sous-seing privé et porter des mentions importantes.En cas de gros montants prêtés , l'idéal serait de le faire établir par un notaire et enregistrer, même si cela engendre des frais.
A) L'intérêt de l'écrit est triple :
-- Il constitue une preuve du prêt ( étant rappelé que la preuve incombe au demandeur article 1315 du code civil)
-- Il permet de contrecarrer la future argumentation de l'emprunteur qui tendrait à nier le prêt ou à prétendre qu'il s'agit d'une donation
-- Il permettra de renverser la charge de la preuve,puisque l'emprunteur devra démontrer que la somme ne lui a pas été versée. 1ère Civ 14 janvier 2010, pourvoi N° 08-18-581
En un mot,la reconnaissance de dette fait présumer la remise des fonds...La jurisprudence a écolué depuis 2008, pour donner force probante accrue à l'écrit voir C) 3°) c-
Son contenu vaut jusqu'à ce que la partie adverse prouve le contraire.
B) Les exigences légales
1°- Un écrit indispensable pour un emprunt supérieur à 1.500 euros: contrat de prêt ou reconnaissance de dette
Cette exigence découle de l'article 1341 du code civil
En l'absence de cet élément, indispensable, le prêteur aura du mal à obtenir le remboursement.
Il devra établir par tous moyens l'existence de son prêt ( relevés bancaires, attestations, remise de chèque, virement....)
2° Un écrit notarié ou sous seing privé
L'article 1341 du code civil prévoit que : « Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre. » (La valeur retenue est de 1.500 euros fixée par décret du 20/8/2004).
L'article 1317 du code civil définit l'acte authentique comme celui reçu par des officiers publics ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé, et avec les solennités requises...
(un prêt notarié entraînera des émoluments proportionnels au montant emprunté: 3,3 % de 0 à 3 050 euros; 2,20 % de 3 050 à 6 100 euros; 1,10 % de 6 100 à 16 770 euros et 0,55 % au-delà de 16 770 euros + des frais d'enregistrement 125 euros)
Il faut savoir que les dates portées dans les actes sous seing privé sont certaines et valables dans trois cas (article 1328 du code civil) au jour de:
- la date de l'enregistrement;
- la date de la mort de l'un des signataires (elle suppose que l'acte n'aura pas pu être établi postérieurement à la mort) ;
- la date de la constatation de l'existence de l'acte dans un acte authentique.
3°- Nombre d'exemplaire
Mieux vaut prévoir 3 exemplaires: Un pour l'emprunteur, un pour le prêteur et un pour l'enregistrement au cas où
4°-Forme de l'écrit
a) un écrit, de la main de son auteur, qui portera s'état civil et les coordonnées exactes de son auteur) daté et signé de son auteur
b) ...portant la somme empruntée écrite de façon manuscrite en chiffres et en lettre
En cas de différence entre les deux mentions, a version lettre prévaudra...
article 1326 du code civil
"l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature du souscripteur de l'engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettre et en chiffres."
Cette condition fait exception en matière commerciale, où la preuve se fait par tous moyens.
II- De l'intérêt de rajouter des clauses complémentaires en sus des obligations imposées par la loi.
A) Prévoir la date d'exigibilité et les modalités de remboursement
A défaut de date, le remboursement pourrait être immédiatement exigible.
Même si le texte ne l'envisage pas, mieux vaudra faire porter les modalités de remboursement, le nombre d'échéances, la périodicité, le montant des échéances, les intérêts en deça du taux usuraire ...)
b- Rappeler que les héritiers de l'emprunteur seront solidaires de la dette pour attirer l'attention de l'emprunteur sur les conséquences de son acte
Un emprunt, constitue une dette de succession, qui s'inscrira au passif de la succession, indépendamment de cette mention.
A l'inverse en cas de décès du prêteur, ses héritiers pourront exiger le remboursement.cette preuve sera facilité par l'écrit.
B) Remettre la somme par chèque ou par virement pour conserver une trace de la remise.
Cependant, par 3 arrêts récents, la cour de cassation a fortifié la reconnaissance de dette, en lui donnant une force probante accrue, puisqu'elle déduit de ce document une preuve de la remise de fons et permet ainsi de renverser la charge de la preuve.
Il convenait donc au signataire de la reconnaissance de dette de démontrer l’absence de remise des fonds et non l’inverse.
III- La preuve de la remise des fonds facilité par la reconnaissance de dette : évolution de la jurisprudence
La position de la Cour de cassation a évolué à travers trois décisions pour renforcer considérablement la force probante d'une reconnaissance de dette,laquelle permet à son bénéficiaire, fort de cet écrit de solliciter le paiement des sommes judiciairement sans avoir à rapporter la preuve de la remise effective des fonds.
Pour la cour de cassation, la reconnaissance de dette suffit à elle-même pour justifier de la demande en paiement du créancier muni de sa reconnaissance.
1ère Civ, 19 juin 2008 pourvoi N°06-19056
En vertu de l'article 1132 du code civil il appartient à une personne qui allègue le défaut ou l'illicéité de la cause du contrat d'en rapporter la preuve.
Donc, Il appartient au débiteur qui avait émis une reconnaissance de dette de justifier de l’absence de remise des fonds
1ère Civ,30 octobre 2008 pourvoi N°07-12638
« La reconnaissance de la dette fait présumer la remise des fonds » lorsque le prêt a été consenti par un particulier.
1ère Civ, 14 janvier 2010, pourvoi N° 08-18581 a jugé que :
Il appartient au signataire de la reconnaissance de dette de démontrer l’absence de remise des fonds et non au prêteur.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Dans un prochain article, j'analyserai les conséquences de l'absence de reconnaissance de dette au regard de la preuve de son existence et du paiement.
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris
PJ modèle classique de reconnaissance de dette à compléter
http://www2.impots.gouv.fr/enregistrement/reconnaissance/9_reconnaissance_dettes.htm