La première chambre civile de la cour de cassation a rendu le 16 juin 2011, un arrêt intéressant le domaine de la filiation et plus particulièrement sur la possession d'état. pourvoi N°08-20.475 aux visas des articles 311 1, 311 2, 334 8 du code civil mais dans leur rédaction antérieure à celle de l’ordonnance n°2005 759 du 4 juillet 2005.
La cour rappelle qu'en matière de possession d'état, il ne peut y avoir lieu à prescription d’une expertise biologique et censure la cour d'appel pour en avoir ordonné une.
I- La notion de possession d'état et son rôle dans l'action en contestation de paternité
A) Une notion définie par la Loi
Cette notion est envisagée comme une sorte de présomption légale par les articles suivants.
article 311-1 du code civil
La possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir.
Les faits principaux prennent en compte :
1° une personne traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme son (leur) enfant et qu'elle-même les ait traités comme son ou ses parents ;
2° le ou les prétendus parents , en cette qualité, ont pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation ;
3° une personne reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ;
4° une personne considérée comme leur enfant par l'autorité publique ;
5° une personne qui porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue.
article 311-2 du code civil
La possession d'état doit être paisible, publique,continue et non équivoque.
Cela implique un caractère continu ( faits habituels ), donc une certaine stabilité.
-- paisible: c'est à dire non établie de manière frauduleuse
-- publique: c'est à dire connue de tous
-- non équivoque: c'est à diore qu'il ne doit pas y avoir de doute.
-- continue: c'est à dire pourra s'établir par un acte de notoriété qui fait foi jusqu'à preuve contraire, demandé au juge d'instance qui ne pourra être demandé que dans les 5 ans de la cessation de la possession d'état et du décès le cas échéant du parent supposé.
Lorsqu'elle est continue pendant dix années après la naissance, elle fera obstacle à l'action en contestation de paternité légitime de l'auteur d'une recionnaissance de l'enfant antérieure à la naissance. 1ère Civ, 14 février 2006 - BICC n°640 du 15 mai 2006
Il s'agit donc d'un réel lien de filiation et de parenté,démontré par la réunion de divers faits qui ne seront pas forcément cumulatif
Quels sont les faits ?
- un enfant qui porte ne nom de celui ou ceux dont on le dit issu (nomen)
- un enfant traité comme son enfant et la preuve d'une éducation et de son entretien (tractatus)
- une reconnaissance de cet enfant par la société, la famille, les administrations comme étant celui du ou des parents prétendus, (fama)
La filiation ainsi établie est mentionnée en marge de l'acte de naissance de l'enfant et est établie rétroactivement au jour de sa naissane...
Pour obtenir la délivrance de l'acte de notoriété Le demandeur devra prouver cette possession d'état avec le témoignage de 3 personnes, parents ou non.
Le juge appréciera souverainement les éléments complémentaires à demander.
Chacun des parents ou l'enfant peut demander au juge que lui soit délivré un acte de notoriété qui fera foi de la possession d'état jusqu'à preuve contraire.
L'acte de notoriété est établi sur la foi des déclarations d'au moins trois témoins et, si le juge l'estime nécessaire, de tout autre document produit qui attestent une réunion suffisante de faits au sens de l'article 311-1.
La délivrance de l'acte de notoriété ne peut être demandée que dans un délai de cinq ans à compter de la cessation de la possession d'état alléguée ou à compter du décès du parent prétendu, y compris lorsque celui-ci est décédé avant la déclaration de naissance.
La filiation établie par la possession d'état constatée dans l'acte de notoriété est mentionnée en marge de l'acte de naissance de l'enfant.
Ni l'acte de notoriété, ni le refus de le délivrer ne sont sujets à recours.
Il suffira donc de réunir les éléments de fait présentés plus hauts mais dans ce cas une action devant le tribunal de grande instance demande en constatation de la possession d'état durant un délai de 10 ans à compter de la cessation de celle-ci pourra être introduite.
A contrario, rien n'empechera l'action en contestation de la possession d'état dans un délai de 10 ans à compter de la délivrance de l'acte de notoriété en rapportant la preuve contraire.
B) La possession d'état et l'action en contestation de paternité
Les articles 332 et suivants du code civil visent la situation.
Lorsque la possession d'état est conforme au titre, seuls peuvent agir l'enfant, l'un de ses père et mère ou celui qui se prétend le parent véritable.
L'action se prescrit par 5 ans à compter du jour où la possession d'état a cessé ou du décès du parent dont le lien de filiation est contesté.
Nul, à l'exception du ministère public, ne peut contester la filiation lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a été faite ultérieurement.
A défaut de possession d'état conforme au titre, l'action en contestation peut être engagée par toute personne qui y a intérêt dans le délai de dix ans.
Article 335 du code civil Modifié par LOI n°2009-61 du 16 janvier 2009 - art. 1
La filiation établie par la possession d'état constatée par un acte de notoriété peut être contestée par toute personne qui y a intérêt en rapportant la preuve contraire, dans le délai de dix ans à compter de la délivrance de l'acte.
Article 336 du code civil
La filiation légalement établie peut être contestée par le ministère public si des indices tirés des actes eux-mêmes la rendent invraisemblable ou en cas de fraude à la loi.
II- Présentation de 1 ère Civ, 16 juin 2011, pourvoi N°08-20.475
Demandeur(s) : M. R... X...
Défendeur(s) : Mme M... Y...
Attendu que Mme Y..., née en 1972, a été reconnue par sa mère et, en 1983, par M. Z... ; que, par jugement du 25 mars 1991, le tribunal de grande instance de Saint Denis a annulé cette dernière reconnaissance ; que Mme Y... a fait assigner M. X..., par acte du 25 juin 2004, en constatation de possession d’état d’enfant naturel ; que le tribunal de grande instance de Saint Pierre de la Réunion l’a déboutée de sa demande ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Vu les articles 311 1, 311 2, 334 8 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2005 759 du 4 juillet 2005 ;
Attendu qu’en matière de constatation de possession d’état, il ne peut y avoir lieu à prescription d’une expertise biologique ;
Attendu qu’après avoir estimé que les éléments invoqués par Mme Y... ne suffisaient pas à caractériser la possession d’état dont elle se prévalait, la cour d’appel a ordonné une expertise biologique ;
En quoi elle a violé, par fausse application, les textes susvisés ;
Sur le second moyen, ci après annexé, pris en sa première branche :
Vu l’article 625 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation de l’arrêt du 28 août 2007 entraîne l’annulation par voie de conséquence de l’arrêt du 19 août 2008 qui en est la suite ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 28 août 2007, entre les parties, par la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Saint Denis de la Réunion autrement composée
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris