Après avoir examiné la solidarité entre époux et partenaires pacsés eu regard des charges du ménage, charges courantes et éducation des enfants
LA SOLIDARITE ENTRE EPOUX ET PARTENAIRES PACSES
Il convient d'aborder les limites posées par la situation du couple et par l'article 220 al 2 du code civil afin de savoir qui sera tenu à la dette.
--Si la solidarité est retenue l’ensemble des biens et revenus des deux époux ( propres et communs) répondent de la dette engagée par un seul des époux. Le créancier peut s’adresser à son cocontractant direct mais il peut aussi se retourner contre l'un ou l’autre époux (même celui qui n'a pas souscrit) pour demander l’intégralité de la dette à un seul époux.
--Si la solidarité est écartée,chacun des époux reste isolément tenu et la créance est divisée. L’époux qui a contracté reste personnellement tenu sur la dette sur ses biens propres ou personnels et ses revenus.
Si les époux sont mariés sous un régime séparatiste, seuls les biens personnels et revenus de l'époux contractant pourront êtres saisis. Dans tous les cas, le créancier pourra saisir les salaires du débiteur, mais pas ceux de son époux.
Si les époux sont mariés sous un régime communautaire , les biens propres et les revenus de l'époux contractant seront saisissables y compris les biens communs, avec une nuance en matière d'emprunts et cautionnement.
L'article 1414 du code civil visant le régime communautaire
Les gains et salaires d'un époux ne peuvent être saisis par les créanciers de son conjoint que si l'obligation a été contractée pour l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants, conformément à l'article 220 du code civil.
L'article 1415 du code civil en matière de communauté précise que
Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres.
I- Les limites dans le cadre de l'instance en divorce
Il faut se placer après l'ordonnance de non conciliation rendue dans le cadre de l'instance en divorce qui autorise les époux à résider séparément.
Les dettes contractées avant la transcription du divorce demeurent solidaires de sorte qu’un créancier peut assigner un conjoint en paiement d’une dette ménagère contractée au cours du mariage.
A) Dans le rapport régissant les époux
Toute dette contractée après la date de l’ordonnance de non conciliation sera une dette personnelle à l’époux qui l’a contractée.
B) Dans le rapport avec les tiers
La solidarité cesse à partir du moment où le divorce est transcrit sur les actes d’état civil.
Cela signifie que toutes les dettes contractées postérieurement à cette transcription n’engagent que l’époux contractant et non son ex-conjoint.
Se posera souvent le problème du bail des locaux loués ayant constitués le domicile conjugal, attribué à l'un des conjoints durant la procédure et qui, malgré sa pension, cessera de payer le bailleur et/ou quitte les lieux sans payer.
Les solutions applicables aux époux légitimes contenues dans les articles 215 et 1751 du Code Civil destinés à la protection du domicile conjugal s'appliqueront, la solidarité jouera jusqu'à la transcription du jugement de divorce.
II- Les limites textuelles posées par l'article 220 al 2 du code civil.
La solidarité n'a pas lieu, néanmoins, pour
-des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage,
-à l'utilité ou à l'inutilité de l'opération,
-à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.
-s'ils n'ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament...
-ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante.
A) En cas de dépenses excessives par rapport aux revenus du ménage
Lorsque la dépense faite par un des époux ne concerne pas l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants, le principe de solidarité ne s'applique pas.
La notion d’excès sera appréciée au regard de divers ,tels que
le train de vie du ménage, l'importance de la dépense par rapport aux ressources réelles du ménage ; l'utilité ou l'inutilité de la dépense laquelle sera excessive, si inutile; la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant, pour tenir compte du train de vie apparent du ménage.
Pour saisir les biens communs, les créanciers doivent avoir l'accord exprès du conjoint, qui dans ce cas, n'engage pas ses biens propres.
1ère Civ 4 juillet 2006, N° de pourvoi : 03-13.936.
Les dépenses d'investissement en seront exclues.
La conclusion d'un marché de travaux sur la construction d'une maison individuelle n’a pas pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants et constitue une opération d’investissement, qui n’entre pas dans la catégorie des dépenses ménagères auxquelles l’article 220 du code civil attache la solidarité de plein droit.
1ère Civ, 4 juin 2007, pourvoi N°05-15.351
Vu l'article 220 al 1 et 3 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que les emprunts souscrits par un époux pour l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants sans le consentement de l'autre engagent solidairement les deux époux lorsqu'ils portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante.
B) Au regard de l’inutilité de l’opération au regard du train de vie du couple
exemple si un époux se porte caution pour la dette d'un tiers ou consent une sûreté réelle...
C) La mauvaise foi du tiers contractant
exemple si le tiers aura eu connaissance avant l'engagement, du caractère excessif de la dépense.
D ) Les achats à tempérament payables en plusieurs fois et le crédit.
La loi 2010-737 du 1 er juillet 2010, (art 8 ) réformant le crédit à la consommation étend au PACS le principe applicable aux époux (C. civ. art. 220, al. 3 ) :
Les partenaires ne seront pas tenus solidairement des achats à tempérament et des emprunts conclus par l'un sans le consentement de l'autre ( article 515-4, al. 2 du code civil ).
Il s'agit des achats qui engendrent des facilités de paiement par fractions échelonnées consenties par le vendeur lui-même.
Cette absence de solidarité a été envisagée par la loi dans le but de protéger la famille contre l’imprudence d’un conjoint dépensier.
La solidarité ne joue pas si l’un des époux achète seul un bien (une voiture, une télévision, un meuble, etc., sauf nécessité pour besoins du ménage et éducation des enfants, si la somme est faible au regard du ménage
Chaque époux a le pouvoir d'engager seul ces dépenses mais le principe est que les deux époux seront tenus solidairement de dettes.
E) Les emprunts et cautionnement
Principe applicable aux partenaires pacsés ( art 9 de la loi précitée)
1 ère Civ, 6 décembre 2005- BICC 637 du 1er avr. 2006
au visa de l'article 220, alinéas 1 et 3, du Code civil, a rappelé que si toute dette contractée par l'un des époux pour l'entretien du ménage obligeait l'autre solidairement en revanche, la solidarité n'a pas lieu pour les emprunts qui n'ont pas été conclus du consentement des deux époux.
Il en aurait été autrement si l'emprunt avait porté sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante
voire 1ère Civ, 4 juin 2007, pourvoi N°05-15.351 précité sur les emprunts modestes.
1ère Civ 20 mai 2009, Pourvoi n° 08-12.922
Attendu que, lorsque le créancier d’un époux marié sous le régime de la séparation des biens fait pratiquer une saisie sur un compte ouvert au nom des deux époux, il lui appartient d’identifier les fonds personnels de l’époux débiteur. La solidarité ne jouant ni pour les achats à crédit, quel qu'en soit le montant, ni pour les emprunts souscrits par un seul conjoint sans l'accord de l'autre, sauf s'ils sont nécessaires aux besoins de la vie courante.
1ère Civ, 19 septembre 2007 , N° de pourvoi: 05-15940
"Attendu qu'en vertu de l'article 1409 du code civil, la communauté se compose passivement, à titre définitif ou sauf récompense, des dettes nées pendant la communauté et celles résultant d'un emprunt contracté par un époux sans le consentement exprès de l'autre doivent figurer au passif définitif de la communauté dès lors qu'il n'est pas établi qu'il a souscrit cet engagement dans son intérêt personnel ; qu'ayant relevé que Mme X... ne démontrait pas que son époux avait contracté les emprunts dans son intérêt personnel, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que les dettes litigieuses devaient être inscrites au passif de la communauté ; que le moyen ne peut être accueilli "
Chambre mixte 2 décembre 2005, pourvoi N° 03-18.210
...une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui et n’étant pas dès lors un cautionnement, lequel ne se présume pas, la cour d’appel a exactement retenu que l’article 1415 du Code civil n’était pas applicable au nantissement donné ."
F) La fraude corrompt tout...
Article 1413 du code civil
Le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu'il n'y ait eu fraude de l'époux débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s'il y a lieu.
Restant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au Barreau de Paris