Monsieur François FILLON vient de déclarer grande cause nationale les violences conjugales dites domestiques, au titre des atteintes à l’intégrité physique qui ne cessent de se développer dans notre pays.
Ce fléau a entraîné le décès de 157 femmes en 2008, et il est à déplorer un décès tous les deux jours et demi. Une femme sur cinq en est victime.
Si les violences conjugales son en général bien visibles du fait de coups et blessures volontaires : (gifles, étranglement, brûlures, coups de poing ou blessures avec armes ...) et sont une cause d’aggravation de la responsabilité pénale du conjoint, certaines traces ne se verront pas à l’œil nu.
Les violences verbales (injures, sarcasme, blagues humiliantes..) ou psychologiques (menaces, harcèlement, dénigrement, dévalorisation de l’autre, dans le but de l'isoler et de marquer sa supériorité..), souvent prémisses à des violences physiques constituent 80% des violences et doivent être considérées au même titre que les sévices sexuels ou économiques ( chantage et dépenses des finances du ménage...)
Souvent la victime se retrouve dans une spirale infernale, véritable traumatisme pour elle et les enfants. Aborder le problème devient tabou pour certaines femmes., pendant que d'autres se sentent coupables, honteuses et considerent avoir provoqué la réaction violente. Il y a aussi celles, si apeurées, craignent les menaces de représailles et n'osent pas dénoncer...
Les agressions conjugales peuvent prendre toutes les formes et sont indépendantes du milieu social.
En dehors des crimes, des agressions sexuelles, ou des violations de domicile du conjoint avec ou sans dégradations, nous nous pencherons sur les violences volontaires physiques.
I- L’arsenal des sanctions textuelles existantes contre les violences volontaires, fondement des poursuites....
La sanction des coups portés contre son conjoint, son concubin ou son partenaire pacsé sera majorée au regard de la qualité de celui qui les porte mais aussi de la durée de l’incapacité totale de travail ( ITT) qu’elle engendrera. (inférieure ou égale à 8 jours ou supérieure).
A) L’arsenal pénal
1°- Rappel de la prévention et des sanctions
Article 222-11 du code pénal : Les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende.
Article 222-12 du code pénal : L'infraction définie à l'article 222-11 est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende lorsqu'elle est commise ........ 6° Par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ;
Article 222-13 du code pénal : Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende lorsqu'elles sont commises :6° Par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ;
Article 222-14 du code pénal : Les violences habituelles sur un mineur de quinze ans ou sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur sont punies :
1° De trente ans de réclusion criminelle lorsqu'elles ont entraîné la mort de la victime ;
2° De vingt ans de réclusion criminelle lorsqu'elles ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ;
3° De dix ans d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende lorsqu'elles ont entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours ;
4° De cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende lorsqu'elles n'ont pas entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.
2°- Les actions pénales ouvertes : plainte ou citation directe
Il conviendra de faire constater ses blessures, de prendre des photographies dans la mesure du possible et de produire des témoignages de voisinage (sur la régularité des disputes, les cris entendus, les bruits de coups...) dans la mesure où les violences se passent à huis-clos parfois devant les enfants !
En cas de départ du domicile justifié par les violences, le dépôt d'une main courante confirmant la situation à l’appui d’un certificat médical est souhaitable auprès du commissariat de police ou de la gendarmerie...
Le parquet, qui dispose de l’opportunité des poursuites, pourra agir à l’encontre de l’agresseur dès qu’il sera informé d’une situation grave ( par la police, les tiers, ou la victime...).
Un dépôt de plainte, le cas échéant favorisera son action. Si l’ITT est de plus de huit jours, le parquet poursuivra...
La victime constituée partie civile demandera des dommages et intérêts pour son préjudice.
Une citation directe de l’agresseur devant le Tribunal Correctionnel sera aussi envisageable. En cas de récidive, ce dernier risquera de subir une aggravation de la peine qui pourra être doublée. La loi du 10 août 2007 contre la récidive a fixé une peine plancher (incompressible).
Une médiation pénale peut être envisagée par le parquet suite à des violences...
B) L’arsenal civil
1°- Le référé-violences conjugales : article 220-1 du code civil
Issu de la loi du 26 mai 2004, modifiant le régime du divorce, cette procédure est destinée à protéger l'époux victime de violences physiques, et les enfants.
Ce référé permet à toute femme battue de saisir le Juge aux Affaires Familiales en urgence et à bref délai.
L’article 220-1 du code civil prévoit que :
« Si l'un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts. Il peut notamment interdire à cet époux de faire, sans le consentement de l'autre, des actes de disposition sur ses propres biens ou sur ceux de la communauté, meubles ou immeubles. Il peut aussi interdire le déplacement des meubles, sauf à spécifier ceux dont il attribue l'usage personnel à l'un ou à l'autre des conjoints. Lorsque les violences exercées par l'un des époux mettent en danger son conjoint, un ou plusieurs enfants, le juge peut statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal. Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences. Le juge se prononce, s'il y a lieu, sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et sur la contribution aux charges du mariage. Les mesures prises sont caduques si, à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de leur prononcé, aucune requête en divorce ou en séparation de corps n'a été déposée. La durée des autres mesures prises en application du présent article doit être déterminée par le juge et ne saurait, prolongation éventuellement comprise, dépasser trois ans. »
Les peines pénales liées à la violation de domicile seront applicables lorsque le juge aura statué.
En cas d’introduction d’une procédure en divorce, ces mesures s’appliqueront jusqu’à l’ordonnance de non-conciliation. Ce référé-violences sera transmis, en outre au parquet qui dispose de l’opportunité des poursuites.
2°- Le divorce pour faute aux torts de l’agresseur
L’article 212 du code civil rappelle que : « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance »
L’autorisation de résider séparément sera prise lors de la tentative de conciliation ou antérieurement dans le cadre de mesures d'urgence prises dans le divorce ( au regard des pièces médicales, attestations produites au juge).
Le juge aux affaires familiales pourra retenir tous les types de violences (physique, injures, humiliations et dénigrements) comme grief pour fonder un divorce pour faute aux torts exclusifs ou partagé du conjoint à l'encontre d'un conjoint violent...
3°- La demande de dommages et intérêts pour le préjudice causé
C) Les efforts de conseils dans l'orientation du dépôt de plainte .
Les associations sont présentes pour orienter et conseiller.
-DIVORCES DE FRANCE, 01.45.86.29.61
-VIOLENCES CONJUGALES - FEMMES INFO SERVICE, 01.40.33.80.60
-CENTRE NATIONAL D’INFORMATION SUR LE DROIT DES FEMMES ET DES FAMILLES (CNIDFF) 7, rue du Jura 75013 Paris – 01.42.17.12.00
-INSTITUT NATIONAL D’AIDE AUX VICTIMES ET DE MEDIATION (INAVEM)
1, rue du Pré Saint-Gervais- 93691 Pantin Cedex 0.810.098.609
- FEDERATION NATIONALE SOLIDARITE FEMMES (FNSF)
32, rue des Envierges 75020 Paris – 01.40.33.80.90
Par téléphone :
3919: mis en place par le Ministère des affaires sociales et de la famille pour les victimes....( du lundi au samedi de 8h à 22h, les jours fériés de 10h à 20h.)
17 : Police secours
15: Samu
115: hébergement d'urgence
Les conseils (avocats) rappelleront l’importance du dépôt d’une plainte comme moyen de déclencher les poursuites pénales du parquet et/ou possibilité d'ouverture d’une instruction .Un service de consultations gratuites quotidien est ouvert au palais de Justice de Paris de 9h à 12h30, sauf le week-end.
En principe, les services de police n'ont pas le droit de refuser une plainte.
Il ne convient pas d'abandonner le domicile sans se prémunir.
voire si vous le désirez mon article sur les mains courantes dans lequel je traite de ce problème sur http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/preuve-main-courante-main-tendue-1188.htm.
II- Quelles seront les propositions innovantes annoncées par le premier ministre pour 2010 ?
L’objectif annoncé par M.FILLON consiste à prendre en compte les situations les plus sournoises, qui ne laissent pas de traces à l'œil nu, mais qui mutilent l'être intérieur des victimes ».
Diverses mesures pour lutter contre les violences sont préconisées et annoncées:
A) Le référé-protection
Ce dernier sera destiné à « protéger les femmes qui sont en danger immédiat ». Cette mesure préventive trouvera tout son sens, lorsqu’une victime hésitera encore à porter plainte.
B) Le « délit de violence psychologique au sein du couple »
Il sera destiné à « prendre en compte les situations les plus sournoises, ces situations qui ne laissent pas de traces à l'œil nu ».
Le conjoint violent serait mis au ban. Cette procédure devrait aussi permettre aux partenaires pacsés ou aux concubins victimes de maltraitances d’être protégés.
C) Le bracelet électronique pour le conjoint violent et le boîtier pour la victime qui sonnera et avisera la police si son agresseur s’approche de trop près du domicile ou du lieu de travail...
Ce dispositif, déjà mis en œuvre en Espagne (3000 bracelets) est destiné à renforcer la Loi du 26 mai 2004 sur l’éloignement du conjoint violent...
Il est présenté comme «une alternative aux poursuites ou envisagé comme une modalité d'exercice de la peine ».
Il serait une prévention à toute récidive liée aux violences y compris contre les mutilations...L’extension aux partenaires pacsés et aux concubins pourrait être envisagée.
D) Le portable d’urgence à manipulation simplifiée pour aviser la police.
Ces portables seraient faciles à utiliser, même en cas de pic de stress. nous dit Madame la ministre de la Justice, Mme Alliot-Marie. Selon elle « il suffira que la victime appuie sur un bouton pour alerter la police, qui enverra immédiatement une équipe... »
Tout cela reste à démontrer et à mettre en place.
L’effet dissuasif réellement voulu par cette mesure, actuellement en expérimentation à BOBIGNY en Seine Saint-Denis sera-t-il au rendez-vous ?
Toutes ces réformes devront faire leur preuve et être suivies de près...
En attendant, les associations vont diffuser gratuitement des campagnes de sensibilisation aux violences conjugales et d'appel à la générosité publique.
Pour toutes précisions, je reste à votre disposition
Maître HADDAD Sabine