Lors de divers différends de voisinages ou familiaux plus ou moins violents, se pose souvent une question récurrente : Dois-je « tendre la main » pour déposer « le cœur sur la main » dans une main courante ou dois-je me diriger vers la plainte ?
Ces deux moyens mis à disposition pour « l'innocent... parfois aux mains pleines » ne poursuivent pas les mêmes objectifs et effets, tel qu'il convient de le rappeler....
I- La Main courante : Un moyen passif mais préventif.
1°- Motifs liés au dépôt de main(s) courante(s).
Tout particulier, qui souhaite relater des faits et se prémunir contre une situation peut les faire constater et dater à titre préventif par le biais d'une « main courante ».
Celle-ci consistera à faire consigner lesdits faits sur un registre spécial auprès du commissariat de police, ou à les coucher sur un procès-verbal de renseignements judiciaires à la brigade de gendarmerie.
Ainsi, une situation sera évoquée préalablement au dépôt d'une plainte qu'elle pourra engendrer en cas de persistance. des faits .
A titre d'exemple, pourra être acté :
- un abandon du domicile conjugal constitutif d'une faute en matière de divorce ;
- lorsque le conjoint n'aura pas exercé ses droits de visites ou d'hébergement ;
- en cas de non représentation d'enfant, (si c'est la première fois que l'enfant n'est pas présenté dans le cadre du droit de visite et d'hébergement et si le dépôt d'une plainte n'est pas décidé );
- en matière de harcèlement textuel ou sexuel;
- de menaces ; violences ;
- de troubles du voisinage, tapages nocturnes etc...
Une fois déposée, il convient de bien relever quel service de police ou de gendarmerie l'aura receptionnée, ainsi que la date, l'heure de dépôt et le numéro d'enregistrement qui vous sera communiqué.
L'avocat pourra ennsuite se la procurer facilement dans le cadre de toute procédure civile ou pénale à venir auprès du procureur de la république du Tribunal du ressort du lieu de dépôt.
2°- Valeur probante liée au dépôt d'une main courante
Par ce biais,vous pourrez;
- justifier et dater une (ou des) situation(s) de fait, réitérée(s) dans le temps le cas échéant ;
- déposer un signalement pour se prémunir d'une situation future ;
-fortifier une plainte pénale ultérieure visant des faits graves visés par le code pénal
En effet, lors d'une plainte, la ou les diverses mains courantes déposées à titre préventif pourront être ressorties et arguées (ex, violences conjugales, non représentation d'enfant, troubles de voisinage, harcèlement, tapage nocturne...).
Elles seront des prémisses aux hostilités et seront susceptibles, en s'accumulant jusqu'au jour "J" du dépôt de plainte d'être ressorties.
Cependant, elles ne constitueront pas une preuve parfaite ou officielle. Cela est aisé à comprendre dans la mesure où chaque personne peut faire consigner ses simples affirmations de façon unilatérale.
La main courante pourra constituer un commencement de preuve, un indice qui devra être corroboré par d'autres éléments probants et en aucun cas ne permettra à elle seule d'établir un fait de façon parfaite et suffisante, orsqu'elle émanera d'un époux abandonné, ou blessé moralement...
Sa valeur légale reste donc contestable, puisqu'elle visera les dires d'une partie, en l'absence de l'autre, qui pourrait y avoir mis tout et n'importe quoi, voire aborder des points contestables et difficilement vérifiables...
Il ne faudrait cependant pas croire que l'amoncellement et l'excès de dépôt de mains courantes jouera forcément dans un sens favorable.
Souvent, il n'est pas rare de constater cet excès lors d'une instance en divorce ou en séparation... Mais il faut savoir que ces attitudes pourraient aussi à incommoder un Tribunal...
3°- Déposer une main courante : une façon de se dédouaner de quitter ou d'avoir quitté le domicile conjugal ?
En matière de divorce, où la preuve des griefs se fait par tous moyens, il n'est pas rare de voir les conjoints déposer une main courante de l'abandon du domicile de l'autre. Parfois celui qui quitte le domicile procède de la sorte...
Chacun essaiera de démontrer le caractère grave ou renouvelée aux devoirs du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune pour obtenir le divorce aux torts exclusifs de l'autre (faute visée dans l'article 242 du code civil.)
Il faut savoir que tout dépôt de main courante ne suffirait pas à dédouaner celui qui quitterait le domicile conjugal, lequel ne pourrait justifier par ce biais son propre abandon.
Le départ du domicile conjugal constitue un grief, l'article 215 du Code Civil posant comme principe et devoir du mariage que : « les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie. »
Tout départ du domicile ne pourrait être autorisé que par décision d'un juge aux affaires familiales, dans les cadres juridiques suivants:
a) du référé-violences conjugales : article 220-1 du code civil
Issu de la loi du 26 mai 2004, modifiant le régime du divorce, cette procédure est destinée à protéger l'époux victime de violences physiques, et les enfants.
Ce référé permet à toute femme battue de saisir le Juge aux Affaires Familiales en urgence et à bref délai pour obtenir l'autorisation de partir. Mais cela suppose que dans les quatre mois, une procédure de divorce. soit introduite A défaut les meusures seraient caduques ( VOIRE si vous le souhaitez l'article sur : Les violences conjugales : chronique des garanties annoncées sur :
http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/lutte-contre-violences-conjugales-chronique-1278.htm
b) de mesures d'urgence prises par le juge aux affaires familiales avant une tentative de conciliation
c) de l'ordonnance de non- conciliation, vous autorisant à résider séparément.
d) de raisons légitimes très graves, ex les violences sur un conjoint ou sur les enfants qu'il appartiendra d'établir constituent un motif légitime...( dans ce cas, les faire constater par un médecin ou auprès d'une Unité Médico Judiciaire (UMJ).
A Paris AP-HP de l'Hôtel Dieu examine la victime dès le dépôt d'une plainte pour coups et blessures volontaires... Mieux vaut déposer une demande de référé violences conjugales sans traîner ou une procédure de divorce le cas échéant...
Le dépôt d'une main courante, exposant la situation sera utile mais la plainte actant les violences justifiant la contrainte de départ sera plus efficace. Il sera souhaitable de communiquer sa nouvelle adresse.
A la différence de la plainte , elle ne déclenchera pas la machine judiciaire. Les faits qui y sont visés, les différends familiaux ou autres, certes constatés dormiront dans un registre ou un procès verbal...
On pourrait dire mieux vaut prévenir que guérir, contrairement à la plainte qui aura pour but de déclencher les hostilités en déclarant la guerre...
II- La Plainte : Un moyen actif et utile
En effet, elle constitue une action investie, puisqu'au travers d'une telle démarche, (consistant à adresser une lettre recommandée avec accusé de réception détaillée en ce sens au procureur de la république visant les faits délictueux ou à la déposer auprès du commissariat de police ou d'une brigade de la gendarmerie), il sera demandé à ce que l'action publique du parquet soit déclenchée.
L'engagement de poursuites judiciaires à l'encontre d'une personne qui aurait commis une infraction visée et poursuivie comme telle par le code pénal ( délit, crime...) est sollicité ainsi que son renvoi devant un Tribunal en vue de condamnation.
La seule visée d'une plainte résidera ainsi dans un double but: poursuites pénales avec condamnation de l'auteur par un Tribunal puis obtention le cas échéant de dommages et intérêts pour la partie civile (victime).
Cependant, il convient de rappeler que le parquet représenté par le procureur de la république disposera de "l'opportunité des poursuites".
Ainsi,à défaut de poursuites dans les 3 mois, ou en l'absence de réponse, une plainte avec constitution de partie civile pourra être déposée par la victime devant le doyen des juges d'instruction assisté d'un avocat...
Une consignation devra être fournie, sous peine d'irrecevabilité, (dépôt d'une somme d'argent destinée principalement à éviter les plaintes abusives et à garantir le paiement de l'amende civile le cas échéant)
Une autre voie pénale reste aussi ouverte: La citation par voie d'huissier devant le Tribunal correctionnel...
Ici encore, une différence réside dans les conséquences liées au dépôt et à la sanction encourue.
Toute plainte abusive ou calomnieuse pourrait être sanctionnée, alors que les mentions portées dans une main courante, resteront lettres mortes...
Si certains policiers, susceptibles de recevoir une plainte tentent de vous en dissuader aux motifs qu'elle ne servirait à rien; ou bien qu'elle aurait peu voire aucune chance d'aboutir; ne vous laissez pas influencer ! ( paperasserie quand tu nous tiens !) Il suffit alors d'insister.
Il convient de rappeler que les policiers n'ont aucun droit de refuser d'enregistrer le dépôt d'une plainte.
Aujourd'hui, si demander une main courante constitue une petite main tendue dans l'arsenal des moyens de preuve, mieux vaut ne pas en faire main basse et mains pleines de façon excessive pour se garder.... les mains libres dans l'utilisation d'autres procédés de preuves plus modernes et plus judicieux..."
Sabine HADDAD
Avocat à la Cour
Demeurant à votre disposition par mail ou téléphone pour tous renseignements.