I- Rappel des moyens de preuve loyaux et légaux en matière de divorce
A) La liberté de la preuve loyale en matière de divorce
1°- principe
Article 259 du code civil
Les faits invoqués en tant que causes de divorce ou comme défenses à une demande peuvent être établis par tout mode de preuve, y compris l'aveu. Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux.
Article 259-3 du code civil
Les époux doivent se communiquer et communiquer au juge ainsi qu'aux experts et aux autres personnes désignées par lui en application des 9° et 10° de l'article 255 , tous renseignements et documents utiles pour fixer les prestations et pensions et liquider le régime matrimonial.
Le juge peut faire procéder à toutes recherches utiles auprès des débiteurs ou de ceux qui détiennent des valeurs pour le compte des époux sans que le secret professionnel puisse être opposé.
Chacun peut être entendu comme témoin, à l'exception des personnes qui sont frappées d'une incapacité de témoigner en justice.
Les personnes qui ne peuvent témoigner peuvent cependant être entendues dans les mêmes conditions, mais sans prestation de serment. Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à l'appui d'une demande en divorce ou en séparation de corps.
2°- exceptions : la fraude des droits et la violation de la vie privée de l’autre
Article 259-1 du code civil
Un époux ne peut verser aux débats un élément de preuve qu'il aurait obtenu par violence ou fraude.
Article 259-2 du code civil
Les constats dressés à la demande d'un époux sont écartés des débats s'il y a eu violation de domicile ou atteinte illicite à l'intimité de la vie privée.
B) La preuve loyale vaut pour l’adultère
L'adultère s'établit par tous modes de preuves y compris l'aveu (article 259 du code civil) : Constat d'adultère, rapport de détective privé, attestations, courriers, mails, fax, relevés téléphoniques, journal intime comportant l'aveu...
Même par sms, dont le contenu est attesté par huissier. 1 ere civ 17/06/2009, pourvoi n° 07-21.796.
Mais encore faut-il que le mode de preuve n'ait pas été obtenu par violence ou fraude, car la fraude corrompt tout."fraus omnia corrumpit"(jusrisprudence commentée dans l'article : les Reines des preuves se verraient-elles détrônées ?)
Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux, donc sur l'adultère (article 259 du code civil).
C’est ce principe légal que 1ère Civ 4 mai 2011 a rappelé ( voir II)
La motivation portée dans l'arrêt suffit à justifier la censure de la haute juridiction
Toute atteinte à la vie privée pour obtenir un élément de preuve rendrait la preuve irrecevable. (Exemples : enregistrement de la conversation d'une messagerie, obtention de documents protégés par mot de passe, ou code ...). L'établissement d'un constat d'adultère fait au domicile conjugal, de celui de la maîtresse ou de l'amant, dans un hôtel sera dressé par huissier (article 259-2 du code civil) et ne pourra intervenir;
- qu'après l'obtention d'une autorisation préalable d'un juge sollicitée par requête faite auprès du président du tribunal de grande instance ;
- en respect des horaires légaux,
« Aucune signification ne peut être faite avant six heures et après vingt et une heure, non plus que les dimanches, les jours fériés ou chômés, si ce n'est en vertu de la permission du juge en cas de nécessité » article 664 du Nouveau code de procédure civile.
II- Présentation de 1 ère Civ, 4 mai 2011 pourvoi N°10-30.706
Demandeur(s) : Mme D...X.., épouse Y...
Défendeur(s) : M. J... Y...
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l’article 259 du code civil, ensemble l’article 205 du code de procédure civile ;
Attendu que les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux ;
Attendu que l’arrêt attaqué a prononcé le divorce de M. Y... et de Mme X... ;
Attendu que, pour retenir l’existence de relations adultères et donc injurieuses, entretenues par l’épouse depuis septembre 2003, et prononcer le divorce aux torts partagés, l’arrêt se fonde sur les déclarations faites à des policiers par le fils de Mme X... ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la prohibition s’applique aussi aux déclarations recueillies en dehors de l’instance en divorce, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 2 juillet 2009, entre les parties, par la cour d’appel d’Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris