La loi N°2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité a été promulguée et publiée au Journal officiel du 17 juin 2011 (JORF n°0139 du 17 juin 2011 page 10290 -NOR: IOCK1003689L.
Ainsi qu'une circulaire d'application du Ministère de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités locales et de l'Outre Mer, du 17 juin 2011 NOR IOCK1110771C
cette loi est présentée comme visant au renforcement de la politique d’intégration, de promotion de l’immigration professionnelle,mais aussi comme destinée à améliorer l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière en réformant les procédures et le contentieux de l’éloignement des étrangers en situation de séjour irrégulier…
Dans deux articles précédents, j'ai abordé les dispositions immédiatement applicables, ainsi que celles liées au droit familial.
Loi N°2011-672 du 16 juin 2011 sur l’immigration : présentation de quelques dispositions applicables
NOUVELLE LOI SUR L'IMMIGATION: 5 APPORTS ESSENTIELS EN DROIT FAMILIAL ?
Dans cet article, je présenterai les dispositions en attente d'application par décrets...
I- La carte bleue européenne pour les étrangers hautement qualifiés
Pour les étrangers hautement qualifiés (ex bac+3ans au minimum ou expérience professionnelle d’au moins 5 ans), une "carte bleue européenne" est créée leur permettant un accès facilité au marché du travail et des droits au séjour identiques dans tous les pays de l’Union européenne.
C'est la transposition de la directive "carte bleue" précitée. 17-18
II-La restriction du droit de séjour des étrangers malades
Les conditions d’attribution du titre de séjour pour les étrangers gravement malades (Autorisation provisoire de Séjour pour Soin) seront été restreintes.
l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, (ARS) devra prendre en compte la presence ou de l'absence d'un traitement approprie dans le pays d'origine. L'absence de traitement, comme condition de l'attribution du titre, devient
une « donnée objective qui sera appréciée par le médecin de l'ARS, au vu de l'information médicale en sa possession. »
Donc un titre de séjour ne pourra dorénavant être accordé qu’en cas d’absence du traitement approprié dans le pays d’origine.
Cela ne veut pas dire pour autant que du point de vue de la géographie ou de motifs financiers, l’accès aux soins sera rendu accessible et possible.
Les “circonstances humanitaires exceptionnelles” pourront être prises en compte pour l’attribution de ce titre de séjour.
D’aucuns considèrent cette loi comme dangereuse pour la santé des personnes concernées, mais également pour la santé publique, et rappelle que les
III-Les sanctions pénales, administratives et financières accrues pour les employeurs employant en toute connaissance de cause des étrangers en situation irrégulière.
Les sanctions "contre les personnes qui recourent sciemment, directement ou indirectement, à l'emploi d'étrangers sans titre de séjour" sont accrues.
La loi assure la transposition de la directive 2009/52/CE du Parlement europeen et du Conseil du 18 juin 2009 relative aux santions et mesures a l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en sejour irregulier, dite “directives sanctions”
Ainsi, tout employeur qui a recours à des sans-papiers devra rembourser les aides publiques reçues l'année précédant l'infraction et leur établissement pourra être fermé pour une durée ne pouvant excéder trois mois .
Cette infraction sera punie pénalement d'une peine d’emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 15.000 euros.
Un droit au titre de la période d'emploi illicite avec un rappel de salaires de trois mois minimum ainsi qu'à une indemnité de rupture du contrat de travail de trois mois contre un mois aujourd'hui est envisagé.
Plus de pouvoirs pour l'administration, moins de droit pour le juge et l'étranger justiciable...Affaire à suivre qui devrait engendrer de vives réactions dans les rues: zones de libres circulations des individus…
IV-Les mesures liées à la nationalité.
Il s’agit de la :
- création d'un nouveau cas de réduction de la durée de stage pour les candidats à la naturalisation présentant un parcours d'intégration exceptionnel (article 1er)
- création d'une charte des droits et devoirs du citoyen français (articles 2 et 5) ;
- modification des conditions d'évaluation de la connaissance de la langue française pour les naturalisations et les acquisitions de la nationalité française par mariage (articles 2 et 3) ;
-allongement du délai pour rapporter un décret de naturalisation ou pour s'opposer à l'acquisition de la nationalité française ( art 6-7)
V- La transposition des dispositions liées à la Directive retour
A) le recul des libertés individuelles par deux mesures phares.
1°- L’allongement de la durée de rétention administrative
Il faut savoir que peu de mesures d’éloignement sont suivies d’effet ( 30%).
La durée limite envisagée dans la directive est de 18 mois ( mesure inconstitutionnelle par décision du 9 juin 2011).
La durée maximale de placement en centre de rétention passe de 32 jours à 45 jours ; ce qui devrait permettre d’obtenir plus de laissez-passer.
Par contre, quid de l’état de santé de l’étranger dont la privation de liberté est très mal vécue ?
2° Un délai de saisine du Juge des Libertés et de la Détention allongé à 5 jours
Le Juge des Libertés et de la Détention est garant des libertés individuelles et de la légalité des procédures engagées par l’administration , face à un étranger en situation irrégulière.
Jusqu’à présent, dans le cadre d’un placement en rétention administrative ,il pouvait être saisi après 48 heures de placement.
Il ne validait la procédure que si aucun vice n’était décelable ou atteinte à la liberté individuelle.
Avec la nouvelle loi, le juge administratif, interviendra avant lui et décidera du placement en rétention. Le JLD ne pourra être ensuite saisi que 5 jours après.
B) L’interdiction de retour sur le territoire : une mesure de bannissement à prendre au sérieux.
Une interdiction de retour sur le territoire de l’Union Européenne de 2 à 5 ans selon les cas sera possible pour les étrangers soumis à une mesure d’expulsion qui se maintiendront volontairement sur le territoire français au-delà du délai octroyé pour quitter le territoire.
Seules des « raisons humanitaires » pourront être argués en vue de faire obstacle au retour.
Le CJUE a jugé le 28 avril 2011 (affaire italienne hassen EL DRIDI, alias Soufi Karim ) que la directive retour 2008/115/CE tranposée dans notre droit doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation d’un État membre, (...) qui prévoit l’infliction d’une peine d’emprisonnement à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d’un ordre de quitter le territoire de cet État dans un délai déterminé, sur ledit territoire sans motif justifié.
La cour de cassation devrait statuer sur cette question prochainement.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris