Lors des opérations de liquidation du régime matrimonial, l’un des époux reçoit une indemnité. La question qui se pose d’emblée est de savoir si celle-ci rentre dans la communauté ou si elle constitue un bien propre ?
Ces difficultés sont apparues, pour connaître le calcul des récompenses, telles que celles issues des indemnités de licenciement perçues au cours du mariage mais aussi concernant l’indemnité transactionnelle reçue en sus de l’indemnité de licenciement.
Si la question semble simple s’agissant des indemnités liées à la rupture directe du contrat de travail, il n’en n’a pas été de même s’agissant des dommages et intérêts négociés dans le cadre de la rupture.
I- Rappel de la distinction entre bien propre et commun
A) Les textes
L’article 1401 du code civil dispose que « la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres. »
L’article 1404 alinéa 1er du code civil dispose quant à lui « forment des propres par leur nature, quand même ils auraient été acquis pendant le mariage, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne »
Il résulte donc de la combinaison des articles 1401 et 1404 alinéa 1er, du code civil de ce que les indemnités allouées à un époux entrent en communauté, à l'exception de celles qui sont exclusivement attachées à la personne du créancier.
B) Le caractère commun découlant des indemnités de préavis, de licenciement et de congés payés
Un bref rappel s'impose: la communauté est constituée de l'ensemble des gains et salaires des époux, lesquels sont par nature communs.
La jurisprudence estime que les indemnités de licenciement sont des biens communs, considérés comme une compensation de salaire.
II- La nature de l’indemnité transactionnelle négociée suite à un licenciement durant le mariage ayant le caractère de dommages et intérêt.
Bien commun ou bien propre ?
La cour de cassation a statué sur cette situation, concernant un époux marié sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts licencié, qui perçoit en sus de son indemnité conventionnelle de licenciement et compensatrice de congés payés, une « indemnité transactionnelle à caractère de dommages-intérêts » en exécution d’un protocole d’accord.
Elle ne manque pas de rappeler le distinguo légal, s’agissant de la nécessité de déterminer si l’indemnité, versée au salarié en sus de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de congés payés, avait pour objet de réparer le préjudice résultant de la perte de son emploi ou de réparer un dommage qui toucherait uniquement à sa personne.
Dans le cas, où la réparation d’un dommage affectant uniquement la personne de l'époux licencié est avérée, alors l’indemnité sera considérée comme un bien propre.
Dans la négative, il s’agira d’un bien commun, quel que soit ses modalités ou bases de calcul.
1ère Civ, 5 novembre 1991, pourvoi n° 90-13479, puis récemment
1ère Civ, 3 février 2010, pourvoi n°09-65345
Aux visas des articles 1401 et 1404 al 1 du code civil, la Cour de cassation censure la position du 4 décembre 2008, de la cour d’appel de Versailles.
(qui a estimé que l'indemnité , constitutive d'un bien propre, déposée sur le compte joint au nom des deux époux, ouvrait droit à récompense)
La cour de cassation considère ici que l’indemnité transactionnelle de licenciement versée au salarié en sus de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité compensatrice de congés payés, avait pour objet de réparer le préjudice résultant de la perte de son emploi, et non un dommage affectant uniquement sa personne.
Par ailleurs, les juges du fond avaient jugés que la communauté était redevable d'une récompense envers le mari au titre d'une partie de l'indemnité de licenciement perçue par ce dernier, en retenant que cette indemnité avait été calculée pour partie en fonction de l'ancienneté acquise par le salarié avant son mariage et que dès lors, même versée pendant la vie commune, cette indemnité était propre à proportion de l'ancienneté acquise avant le mariage.
La Cour de cassation la censure une fois encore.
Elle considére que la créance d'indemnité de licenciement ayant pour objet de réparer le préjudice issu de la perte de l'emploi du mari, née le jour de la notification de la rupture du contrat de travail, était entrée en totalité en communauté, et peu importe ses modalités de calcul (violation par la cour d'appel des articles 1401 et 1404, alinéa 1er, du Code civil).
Autrement dit, cette indemnité est un bien commun et la créance d’indemnité de licenciement ayant pour objet de réparer le préjudice résultant pour le mari de la perte de son emploi, née le jour de la notification de la rupture du contrat de travail était entrée en totalité en communauté, et ce peu importe ses modalités de calcul.
Il s’agira de compenser un préjudice né de la perte d'emploi de l’époux salarié venant majorer l'indemnité légale ou conventionnelle du salarié.
L’analyse est simple, de deux choses l’une.
- soit l'indemnité compense la perte d'emploi issue de la perte de salaires, c'est-à-dire un certain préjudice matériel, résultant de cette perte de l'emploi. Elle rentrer alors dans le cadre d’un bien commun ;
- soit elle ne compense pas une telle perte et compense un préjudice divers propre à la personne, exemple un préjudice purement moral ou physique elle rentre dans le cadre d’un bien propre.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris