Les saisies conservatoires, envisagées dans les articles 67 à 76 de la loi 91-650 du 9 juillet 1991; 221 à 243 du décret 92-755 du 31 juillet 1992 sont des mesures préventives et de garantie du créancier,antérieures à toute action au fond.
Elles sont un réel moyen de protéger un créancier dans ses droits et de faire pression sur le débiteur aux fins de recouvrement d'une créance,puisque les biens ne pourront plus faire l'objet d'opérations juridiques: exemple être vendus ou attribués.
En un mot la créance est gelée, immobilisée, les biens sont indisponibles tant qu'une décision définitive et exécutoire sera attendue et tout ceci pour pallier au risque d'insolvabilité du débiteur.
C'est pourquoi des conditions de forme, de délais et de fond sont à respecter. A défaut,si les conditions de son obtention ne sont pas remplies. la mesure conservatoire pourra être annulée ...
I- Annulation pour défaut de mise en place de la saisie conservatoire
L’article 67 de la Loi du 9 juillet 1991 dispose,
L’article 67, alinéa 1er, de la loi du 9 juillet 1991 dispose que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement ».
article 210, alinéa 1er, du décret du 31 juillet 1992
La créance du demandeur doit donc impérativement présenter 2 conditions cumulatives sous peine de nullité de la saisie :
- être fondée dans son principe (la créance doit exister).
- être en péril, c'est à dire présenter des risques de non recouvrement,des doutes légitimes dans son paiement des circonstances menaçant son recouvrement...
Cette mesure doit être exceptionnelle .
A) Une créance paraissant fondée en son principe au regard du pouvoir souverain du juge
Il appartient au créancier qui sollicite une mesure conservatoire, d'établir le caractère apparent de son droit .
Si ce droit n’apparaît pas exister, ne pas être fondé, ou fait l’objet d’une contestation, la mesure conservatoire ne peut pas être ordonnée.
Il faut entendre par là une créance pas sérieusement contestable.
En vertu de l’article 1329 du Code civil, les courriers ou factures émanant du créancier ne suffisent pas à établir l’existence d’une créance fondée en son principe lorsque le débiteur n’est pas un professionnel.
1°- quelque soit le type de créance: civile, commerciale...
2°- quelque soit l'aspect de la créance : liquide,conditionnelle,éventuelle Com. 21 octobre 1964
3°- indépendamment d'un chiffrage précis Com. 14 déc. 1999, pourvoi N°97-15-361
4°- indépendamment du caractère exigible: exemple pour une créance à terme non-échu
B) La preuve du péril imminent
2ème Civ,28 juin 2006, pourvoi N°04-19.670
Indépendamment de l'urgence, le créancier devra établir dans sa requête au JEX la possibilité d’un risque réel et sérieux d’insolvabilité, un péril dans le recouvrement de sa créance , les circonstances mettant en péril son recouvrement .
Une ou plusieurs mises en demeure non suivie d'effet seront des indices justifiant le péril, une tentative de dissimulation et/ou d'insolvabilité avec l'étranger par exemple...
II- Annulation pour vice de forme
Un huissier de Justice procèdera à la mesure, autorisée par ordonnance du jex en principe.
A) L'intervention du JEX ne sera pas toujours nécessaire.
1°- Le principe : une vérification judiciaire préalable est nécessaire en l'absence de titre par un contrôle du JEX : article 69 de la loi du 9 juil. 1991
Cette compétence est d'ordre public donc insusceptible de clause contraire
Une dérogation à la compétence exclusive est envisagée comme suit :
« l'autorisation peut être accordée par le président du tribunal de commerce lorsque, demandée avant tout procès, elle tend à la conservation d’une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale ».
La juridiction consulaire doit donc être concernée sur le fond, il ne doit exister aucune instance en cours ; ainsi le Tribunal de commerce ne peut être saisi que si un tribunal ne l’est pas, car si tel était le cas, le juge de l’exécution retrouverait sa compétence.
L’autorisation judiciaire est accordée dans une ordonnance et sollicitée par requête du créancier près le juge de l’exécution ou le président du Tribunal de commerce selon la situation.
2°- L'exception à l'autorisation du jex en cas de titre ( décision, jugement ) : article 68 de la loi de 1991.
Ainsi pas de contrôle ou de vérification,; lorsque le créancier possède un titre exécutoire ou une décision de justice ne possedant pas encore force exécutoire.
Un bail écrit pour les loyers impayés, un chèque , un billet à ordre, une traite...
B) La necessité de respecter 4 délais essentiels pour éviter la caducité
1°- Le créancier dispose de 3 mois à compter de la date de l'ordonnance pour faire exécuter la saisie à défaut de quoi, la mesure devient caduque.
2°- La mesure doit être dénoncée au tiers sous 8 jours, à peine de caducité, la saisie conservatoire est portée à la connaissance du débiteur par acte d'huissier de justice qui porte des mentions obligatoires sous peine de nullité ( voir C)
3°-Les poursuites au fond doivent être entamées sous 1 mois suivant l'exécution de la saisie.
La saisie dite conservatoire, devra être transformée en saisie définitive.
Lorsque le créancier obtiendra un jugement de condamnation contre son débiteur, il pourra procéder à la vente forcée de ses biens ou se faire remettre les sommes saisies,selon les règles de la saisie-vente ou de la saisie-attribution.
4°-L'assignation en paiement devra être dénoncée au tiers (banque, tiers détenteur des biens ex garde meuble..., dans les 8 jours .
En effet en cas de mesure pratiquée entre les mains d'un tiers, le créancier doit lui signifier une copie des actes attestant les diligences requises par l'article 215, dans un délai de huit jours à compter de leur date.
A défaut, la mesure conservatoire est caduque: article 216 du Décret du 31 juillet 1992
C) Du fait de l'absence des mentions exigées par la Loi dans l'acte de saisie de créance signifié au tiers
L'acte de saisie d'huissier contient, à peine de nullité :article 234 du décret du 31 juillet 1992
1° L'énonciation des nom et domicile du débiteur ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et son siège social ;
2° L'indication de l'autorisation ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
3° Le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ;
4° La défense faite au tiers de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu'il doit au débiteur ;
5° La reproduction du troisième alinéa de l'article 29 et de l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991.
Dans un délai de huit jours, à peine de caducité, la saisie conservatoire est portée à la connaissance du débiteur par acte d'huissier de justice.
Cet acte contient, à peine de nullité :
1° Une copie de l'autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la saisie a été pratiquée ; toutefois, s'il s'agit d'une obligation notariée ou d'une créance de l'Etat, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il est seulement fait mention de la date, de la nature du titre ainsi que du montant de la dette ;
2° Une copie du procès-verbal de saisie ;
3° La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d'en demander la mainlevée au juge de l'exécution du lieu de son domicile ;
4° La désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres contestations, notamment celles relatives à l'exécution de la saisie ;
5° La reproduction des articles 210 à 219 ;
6° L'indication, en cas de saisie de compte, que le titulaire du compte peut demander au tiers saisi, dans les 15 jours suivant la saisie, la mise à disposition d'une somme d'un montant au plus égal au revenu minimum d'insertion pour un allocataire, dans la limite du solde créditeur du compte au jour de la réception de la demande. :article 236 du Décret du 31 juillet 1992
D) Du fait des mentions portées dans l'ordonnance du jex
- L'ordonnance sur requête du Juge de l’exécution doit être motivée et une copie de la requête et de l'ordonnance doit être laissée à la personne à laquelle elle est opposée. article 495 du Nouveau Code de Procédure Civile
- L' article 212 du Décret du 31 juillet 1992 prévoit à peine de nullité que le juge doit fixer le montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire est autorisée et indiquer la nature des biens sur lesquels porte la saisie conservatoire.
voir l’article 75, alinéa 1er, de la loi de 1991 qui dispose:
« lorsque la saisie porte sur une créance ayant pour objet une somme d’argent, l’acte de saisie la rend indisponible à concurrence du montant autorisé par le juge ou, lorsque cette autorisation n’est pas nécessaire, à concurrence du montant pour lequel la saisie est pratiquée ».
Lorsque la saisie porte sur un compte bancaire, l'indisponibilité de ces sommes est déterminée comme en matière de saisie-attribution (Décret 92-755 art. 75, al. 3) soit quinze jours à compter de la saisie (TGI Paris 4-2-1993).
S'agissant de la saisie d'un compte bancaire, je renverrai le lecteur à mes articles
Rappelons juste que le défaut de dénonciation de la saisie-attribution au cotitulaire d'un compte joint sur lequel porte la saisie n'est pas susceptible d'entraîner la caducité de celle-ci (2ème Civ; 7 juillet 2011,pourvoi N° 10-20.923
Lorsqu'elle porte sur un compte joint, elle doit être dénoncée à chacun des titulaires du compte.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris