Avant toutes poursuites, un créancier doit mettre en demeure de payer son débiteur ou lui faire délivrer un commandement par voie d’huissier (parfois indispensable )
Ces actes feront courir les intérêts légaux que la loi et la Jurisprudence attachent aux mises en demeure et constitueront le débiteur en retard.
Il faut savoir que le taux d’intérêt est fixé une fois par an par décret.
En 2009 il était de 3,79% l’an pour passer en 2010 après une chute exceptionnelle et spectaculaire, à 0,65% l’an (décret n° 2010-127 du 10 février 2010 ).
Ce taux s’appliquera lors de l’exécution d’une décision, au « prorata temporis », c'est-à-dire en fonction de la date du paiement.
Si un débiteur paye le premier mars, il devra payer un intérêt sur 9 mois, sans compter les majorations de ce taux, le cas échéant que nous envisagerons ci-dessous.
Or une question se pose de façon récurrente : Quel sera son point de départ ? Court -il à compter de la "signification" du jugement qui est une forme de notification solennelle, faite par acte d'huissier de justice appelé exploit ? ou bien court-il à une date antérieure au jugement ?
Courront-ils à l’expiration des délais de recours que fera courir cette signification ?
Faut-il signifier une décision ?
I- Le préalable à la demande d'intérêts: mise en demeure,sommation ou commandement ?
Ainsi l'article 1153 du code civil prévoit que:
Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.
Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.
L’article 1153-1 du code civil dispose :
La condamnation à une indemnité emporte intérêt au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.
A) Mise en demeure
Avant toutes poursuites, un créancier doit mettre en demeure de payer son débiteur ou lui faire délivrer un commandement ou une sommation par voie d’huissier ( parfois une nécessité dans certaines matières voir B)
Ces actes feront courir les intérêts légaux que la loi et la Jurisprudence attachent aux mises en demeure et constitueront le débiteur en retard.
Dans certains contrats, une clause pénale peut aussi être souscrite , laquelle trouvera son plein effet.( clause comminatoire, destinée à sanctionner, en cas de retard.)
Le débiteur s’expose ainsi à une condamnation au paiement mais aussi à des dommages et intérêts, frais y compris de procédure et d’avocat en cas de poursuites judiciaires.
D’où l’important de réagir en cas de difficultés financières, car à défaut la condamnation, dans le cadre d’une procédure en référé pourrait être assez rapide.
Il s'agit d'une demande par laquelle quelqu'un vous demande officiellement de faire quelques chose. Elle peut se faire par courrier recommandé avec accuse de récéption ou par acte d'huissier C).
Une mise en demeure peut laisser 24 heures voire 48 heures avant l’engagement de poursuites, alors qu’en général, le délai porté dans un commandement classique, acte plus solennel est de UN mois, avant toutes poursuites.
B) Le commandement de payer
Dans certaines situations, il est une necessité formelle.
En matière locative, tout bailleur doit délivrer au préalable un commandement de payer par exploit (acte) d'huissier, qui ouvre un délai de deux mois pour régulariser les sommes dues. ( UN mois en matière commerciale).
Dans ce délai, il sera souhaitable de solliciter des délais de paiement auprès du juge d’instance compétent en matière locative.
Si le locataire ne régularise pas sa situation et n'obtient pas de délais de paiement, le propriétaire pourra engager une procédure en justice pour faire constater l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail et le résilier.
C) La sommation: une mise en demeure faite par acte d'huissier
1°- La sommation classique
Comme son nom l'indique; le débiteur sera sommé ici par un huissier de faire quelque chose ( ex respecter les clauses du bail), à défaut de quoi et sous l'écoulement d'un délai, il s'exposera à ce que sa faute soit constituée.
2°- La sommation interpellative: un moyen de preuve parfois utile
L’huissier, après avoir informé la personne du litige l'interrogera pour obtenir une réponse qui sera consignée dans son procès-verbal.
Elle peut être utilisée pour amener une réaction, confirmer la position du demandeur et/ou connaître la position de "interpellé"
II – Le point de départ des intérêts apprécié au regard d'une décision exécutoire
A) Quand une décision sera-t-elle exécutoire ?
Article 504 du NCPC
La preuve du caractère exécutoire ressort du jugement lorsque celui-ci n'est susceptible d'aucun recours suspensif ou qu'il bénéficie de l'exécution provisoire.
Dans les autres cas, cette preuve résulte :
- soit de l'acquiescement de la partie condamnée ;
- soit de la notification de la décision et d'un certificat permettant d'établir, par rapprochement avec cette notification, l'absence, dans le délai, d'une opposition, d'un appel, ou d'un pourvoi en cassation lorsque le pourvoi est suspensif.
1°- L’exécution de plein droit découlant de la Loi
- Les ordonnances de référé (rendues par le président du tribunal compétent statuant dans l’urgence pour prendre des mesures conservatoires ou lorsque la demande ne supporte aucune contestation sérieuse.)
- Les créances d’aliments ; (pensions alimentaires)
- Les mesures provisoires pour le cours de l'instance ;( ex en matière de divorce lors de la tentative de conciliation)
- Les ordonnances du juge de la mise en état accordant au créancier une provision ;
-" Les jugements et ordonnances rendus en matière de sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires sont exécutoires de plein droit à titre provisoire" article R 661-1 du code de commerce
2°) L’exécution de plein droit dès le prononcé de la décision sur mention expresse de "l’exécution provisoire" portée dans le jugement.
Lorsque l’exécution n’est pas incompatible avec la nature de l’affaire, le Tribunal dans le dispositif de sa décision portera la formule suivante:
« Ordonnons l’exécution provisoire de la décision ».
Parfois est ajoutée la mention "...qui est compatible avec la nature de l’affaire »
La conséquence immédiate fera que :
- les voies d’exécution forcées par voie d’huissier peuvent être mises en place ( saisies...).
Ces frais s'ajoutent à la note du débiteur déjà redevable du capital, et des intérêts en cas d'exécution non spontanée !
3°) Hors les cas 1°) et 2°), il faudra attendre le caractère définitif du jugement pour en poursuivre l’exécution.
Le jugement deviendra définitif quand il sera passé en force de chose jugée.
Cela signifie qu’il n’est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution. (article 500 NCPC) ex Il est rendu en premier et dernier ressort, délai d’appel expiré, ou quand la juridiction du second degré a statué.( voire III)
Rappel : L’appel ou l’opposition sont des voies de recours ordinaires suspensives d'exécution.
Article 505 NCPC Toute partie peut se faire délivrer par le secrétaire de la juridiction devant laquelle le recours pouvait être formé un certificat attestant l'absence d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation ou indiquant la date du recours s'il en a été formé un.
Le pourvoi en cassation n’étant pas suspensif, les jugements assortis de l'exécution provisoire rendus en première instance , ou ceux dont le délai d'appel ou d'opposition est expiré seront concernés.
Des voies d’exécution pourront être mises en œuvre par un huissier chargé de recouvrer les sommes accordées à la partie victorieuse avec les intérêts, et frais en sus !
B) Le point de départ des intérêts variable en fonction de la matière et du juge
1°- Le principe
. En cas de confirmation d'une décision de première instance :
Les intérêts courront à compter du jour de cette décision.
. En cas d'infirmation d'une décision de première instance :
Ils courront à compter de l'Arrêt d'appel, mais le juge ayant toujours la possibilité d'avancer le point de départ des intérêts.
2°- La variation du point de départ au regard de la matière
-- En matière de responsabilité contractuelle :
Le juge pourra les placer à la date de la mise en demeure, du commandement ou de la sommation ou de l'assignation en justice
-- En matière de responsabilité quasi-délictuelle :
A compter de la décision de justice qui fixe le préjudice.
-- En matière d'assurance :
1ère Civ 28 Avril 1998, pourvoi n°96-14.762 (Axa/ Pacte Sécurité) :
Cet arrêt de principe a fixé le point de départ des intérêts mis à la charge d'un assureur de responsabilité à une date antérieure à la décision judiciaire fixant le préjudice.
Ces intérêts alloués à une victime en application de l'article 1153-1 du code civil pour une période antérieure à la date de la décision qui fixe l'indemnité ont nécessairement un caractère moratoire et leur point de départ peut être fixé discrétionnairement par le juge du fond, notamment à la date de l'assignation. Ils pourraient de ce fait dépasser le plafond de garantie de la Police.
-- Le point de départ des intérêts envisagé dans la loi
Prenons 3 exemples
a- la non-restitution de la caution
l'article 22 alinéa 5 de la loi du 6 juillet 1989 énonce que "à défaut de restitution dans le délai prévu (2mois), le solde du dépôt de garantie restant dû au locataire après arrêté des comptes, produit intérêt au taux légal au profit du locataire".
b-L'offre tardive de l’assureur suite à un accident de la circulation
Article L 211-13 du code des assurances
Lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.
c- L'absence de versement du capital d'assurance vie dans le mois de dépôt d'un dossier complet
Au-delà du délai d'un mois, le capital non versé produit de plein droit intérêt au taux légal majoré de moitié pendant 2 mois puis à l'expiration de ce délai de 2 mois, au double du taux légal.
III- La nécessité de notifier la décision revêtue de la formule exécutoire (grosse) pour exécuter et majorer les intérêts.
A) pour exécuter
Article 502 du NCPC
Nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n'en dispose autrement.
Article 503 du NCPC : " Les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire. En cas d'exécution au seul vu de la minute, la présentation de celle-ci vaut notification.".
L’huissier du ressort du lieu de domiciliation ou de résidence de l’adversaire sera compétent.
Il y aura nécessité de porter le Jugement à la connaissance de l’adversaire. On parle de signification laquelle permettra de porter à la connaissance la décision, fera courir les délais de recours ( en cas de décision non exécutoire de droit ou par décision du juge)
Le jugement devient définitif s'il n'est pas frappé d'appel dans le mois à compter de la signification du jugement (art.538 du NCPC).
Attention une décision rendue par défaut ou réputée contradictoire non signifiée dans les 6 mois serait caduque.
Article 478 du NCPC Le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date. La procédure peut être reprise après réitération de la citation primitive.
L’importance de la signification sera triple
- Information de l’adversaire
- Décompte des délais de recours
- Point de départ des intérêts majorés lorsque la décision est exécutoire
B) pour majorer les intérêts
L'article L 313-2 du code monétaire et financier, qui a repris l'article 1er modifié de la loi n° 75-619 du 11 juillet 1975 fixe le taux de l’intérêt annuel classique.
Selon l'article 3 de la loi du 11 juillet 1975 :
" En cas de condamnation, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fusse par provision.
Ce texte a été repris dans l’article L 313-3 du code monétaire et financier
"en cas de condamnation, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision".
Le risque concret :
Imaginons une décision exécutoire, signifiée, dont appel est interjeté
En cas d'arrêt de réformation, les intérêts majorés courent à compter du jour de l'arrêt, mais en cas de confirmation partielle ou totale, la majoration s'applique à la condamnation prononcée par le premier juge dans la mesure où elle est confirmée par la Cour.
Ex le demandeur avait gagné 10.000 euros en première instance, et obtient le double devant la cour.
La majoration de cinq points courra deux mois après la décision confirmée pour les premiers 10.000 euros s'ils n'ont pas été réglés, et deux mois après l'arrêt pour les autres 10.000 euros (Cass.com. 18 décembre 1990).
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au Barreau de Paris