AVIS AUX LECTEURS : Maître HADDAD Sabine a l'honneur d'informer ses nombreux lecteurs que son article publié sur ce blog intitulé "le préjudice des proches: Une douleur qui n'a pas de prix" a été sélectionné et sera reproduit en partie dans les ouvrages scolaires destinés aux lycéens des classes de terminale STG, édités dès 2013/2014 par les éditions Nathan, avec un renvoi à ce blog... Je suis heureuse de pouvoir contribuer à son humble niveau à transmettre dans un langage accessible des notions juridiques souvent complexes. en tentant de me mettre à la place du lecteur profane. Cet article doit permettre d'engendrer une réelle réflexion autour du prix des larmes; du tarif de la douleur et de l'affection: ce que l'on dénomme le préjudice moral.
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ARTICLE
Suite au décès d’un membre de la famille, issu d’un accident, quelque soit le prix versé, celui-ci ne saurait jamais compenser ou soulager la douleur des proches. Comme si leur souffrance était chiffrable ! Comme si la perte d’un être cher était monnayable ! Comme si l’amour se comptabilisait ! ... La vie, n’a pas de prix, le chagrin aussi.
Pourtant, les victimes proches, celles qui restent, les plus malheureuses, auront des droits à faire valoir à l’encontre du coupable ou/ et du responsable, et leur préjudice moral, analysé comme le prix des larmes suite à la perte de l'être cher, sera recevable ...
Ainsi les ascendants, les descendants, les collatéraux ,et plus généralement toutes victimes ayant un réel et intense lien d'affection peuvent prétendre une indemnisation de leurs préjudices.
J’aborderai ici les postes des préjudices indemnisables. Il conviendra aussi de conserver toutes preuves en relation directe avec la tragédie (factures, frais de transports....)
Quels postes indemniseront l’assureur d’un responsable ? Quel sens trouvera ici le principe de la réparation intégrale :Tout le préjudice, rien que le préjudice ? L’indemnisation de l’apaisement des ayants droits, mais aussi de ceux qui avaient un réel lien affectif. Le prix du chagrin !
Plusieurs groupes de travail dirigés par Madame le professeur Y. LAMBERT-FAIVRE , Monsieur le Président JP. DINTILHAC de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation, ont œuvré pour nous proposer une nomenclature (2005) portant définition plus précise des différents postes de préjudice victimes directes qu'indirectes ( les proches ) en cas de décès. Cette nomenclature constitue une référence en la matière, que les tribunaux appliquent. Elle a permis la mise en oeuvre de la Loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007.
Quelque soit la victime, la division portera sur les préjudices patrimoniaux (perte d’argent et manque à gagner) et extra patrimoniaux ou personnels. Un recours poste par poste, mais aussi le droit préférentiel de la victime ont été mis en avant...
Les préjudices corporels des victimes « indirectes », par ricochet en cas de décès d’une victime directe. De quoi s’agit-il ? 5 postes ont été déterminées, dans ce dernier cas.
I- Les préjudices patrimoniaux
A) Les frais « habituels » d'obsèques et de sépulture sur présentation d’une facture
Dans certains cas, il peut arriver que la famille ne dispose pas de caveau dans un cimetière.
L'assurance doit prendre en charge les frais financiers correspondants à l'achat de la concession, la restauration du caveau existant ou la construction d'une nouvelle sépulture.
A noter que les compagnies d'assurance, ne pourront déduire de la facture d'obsèques la somme versée par les organismes sociaux au titre du « capital décès ».
- Crim 24 juin 2008 : « conformément à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale résultant de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, la somme versée par la C.P.A.M. aux parents d'une victime décédée, au titre du « capital décès » ne peut être déduite des sommes exposées au titre des frais d'obsèques remboursées par la compagnie d'assurance, comme le prétendait cette dernière ».
Toute diminution du montant de la facture des obsèques et de toute somme provenant d'un capital décès par l’assureur serait illégale.
B) La perte des revenus liées à l’interruption du travail par des proches afin d’accompagner la victime directe dans les derniers jours précédant son décès.
Il convient de réparer, au titre de ce poste , la perte ou la diminution de revenus subie par les proches de la victime, lorsqu'ils sont obligés d'assurer jusqu'au décès de celle-ci une présence constante et d'abandonner temporairement leur emploi.
C) La perte ou la baisse de revenus des proches du défunt.
Le décès de la victime directe va engendrer des pertes ou des diminutions de revenus pour le conjoint ou le concubin, mais aussi pour les enfants à charge.
Ces pertes ou baisses de revenus s’entendent de ce qui est exclusivement lié directement au décès et non des pertes de revenus conséquences indirectes du décès.
Pour déterminer ce préjudice économique, un examen des ressources du foyer sera nécessaire et particulièrement des revenus du ménage.
Il convient de prendre comme point de référence, le revenu annuel du foyer avant le dommage, conséquence du décès de la victime, en tenant compte de sa part d'autoconsommation et le salaire perçu par son conjoint.
D) Les frais divers des proches
Ce poste vise à indemniser les frais divers exposés par les proches à l’occasion d'un décès Ce sont principalement les frais de transports, d’hébergement et de restauration, lesquels peuvent être conséquents, notamment si la victime directe séjourne dans un établissement éloigné de la résidence de sa famille et venait la voir régulièrement.
Ces frais de transport, de repas , ou même de courts séjours passé à l’extérieur de la résidence habituelle de la victime sont indemnisables.
E) Le droit à réparation de la victime directe transmis aux héritiers par voie successorale
Les préjudices personnels que la victime avait acquis de son vivant ceux-ci, nés dans son patrimoine sont transmis à ses héritiers par voie successorale.
De ce fait, les préjudices fonctionnel, sexuel, d’agrément, de gêne dans la vie courante, les souffrances endurées par la victime elle-même de son vivant, esthétique...pourront être indemnisés au profit des ayants droit lorsque la victime décède.
Une perte de chance de passer un examen, de bénéficier d’une promotion peut s'envisager... voire II-C
II- Les Préjudices extra-patrimoniaux
A) Le préjudice d’accompagnement : le préjudice de la proximité affective
Il s’agit ici de réparer un préjudice moral des proches subi pendant le traumatisme de celle-ci jusqu’au décès.
Les bouleversements que le décès de la victime directe entraîne sur le mode de vie de ses proches au quotidien est pris en compte.
Il se traduit par les troubles dans les conditions d’existence d’un proche, qui partageait habituellement une communauté de vie effective avec la personne décédée à la suite du dommage.
Il vise des conditions d’existence liées à la communauté de vie à domicile ou la constance de visites fréquentes en milieu hospitalier, pour tenter d'apporter réconfort par une présence affectueuse.
B) Le préjudice d’affection ou moral : un préjudice automatique pour les parents les plus proches, mais aussi affectif pour ceux qui justifient par tous moyens avoir eu un réel lien affectif ...
Il s’agit d’un préjudice moral subi par certains proches (parents,) à la vue de la douleur, de la déchéance et de la souffrance de la victime directe, et de la perte. Le prix du chagrin.
Les Tribunaux allouent, en moyenne, ici, sans expertise en cas de décès, à titre d'indemnisation du préjudice moral, des sommes, communiquées ici uniquement à titre de fourchettes indicatives étant precisé que le quantum variera, selon le lien de parenté, (parents, grands-parents, frères, cousins, neveux...), mais aussi selon que la victime cohabitait ou non avec le proche.
- Décès du conjoint,du partenaire pacsé ou du concubin : de 5.000 à 25.000 euros
- Décès d’un enfant : de 5.000 à 25.000 euros
- Décès d’un père ou d’une mère : de 5.000 à 25.000 euros
- Décès d’un frère ou d’une sœur : de 6.000 à 12.000 euros
- Dèces d'un grand-parent: de 6.000 à 9.000 euros
- Décès d'une tante ou d'un oncle: de 1.500 à 3.000 euros
- Décès d'autres personnes sur justification de 1.500 euros à 3.000 euros
Le concubinage à la condition que celui-ci présente un caractère de stabilité sera indemnisé.
On peut aussi envisager d'indemniser des personnes dépourvues de lien de parenté, si elles peuvent établir, par tout moyen, avoir entretenu un lien affectif réel avec la victime décédée. Ainsi pour un fiancé suite à l’accident qui a causé le décès de l’autre, l’action en responsabilité civile contre le tiers ayant causé le décès sera envisageable (Ch. mixte, 27 février 1970, dalloz, 1970, p. 201 s.).
C) Un nouveau préjudice : Le droit à réparation du dommage résultant de la souffrance morale éprouvée par la victime avant son décès, en raison d’une perte de chance de survie.
Hors nomenclature DINTILHAC, la « perte de chance de voir sa vie prolongée conformément à l’espérance de vie d’une personne de son âge » est indemnisable pour les héritiers. Il s’agit du « préjudice de vie perdue ou abrégée » « de la souffrance morale de la victime du fait de la prise de conscience de la vie abrégée »....
L’âge de la victime et son espérance de vie, seront considérés.
Ce droit étant né dans le patrimoine de la victime, il se transmet à son décès à ses héritiers.
- 1ère Civ 13 mars 2007, a reconnu qu'une jeune victime décédée à la suite d'une erreur médicale devait être indemnisée au titre de « la perte de chance de n'avoir pas vécu plus longtemps ».
Ainsi l’espérance de vie, les années d’épanouissement physique, professionnel ou intellectuel perdues sont des éléments essentiels.
Les tribunaux pourront relever le parfait état de santé et l’âge d’une victime avant l'accident, son état de conscience lié à la gravité de son état et le caractère inéluctable de son décès ». Les tribunaux considèrent qu'il n'est pas possible « d'exclure toute conscience chez une personne, même dans le coma ».
Le Tribunal analysera le moment entre l'accident et le décès pour constater un préjudice actuel, certain et direct indemnisable .Une indemnisation de 10.000 à 30.000 euros pourrait être octroyée.
ex : décès quelques heures après l’accident. Le Tribunal envisagera les intenses douleurs physiques et morales consécutives aux blessures de la victime et à la représentation, fût-ce t-elle temporaire, d'avoir vu ses espoirs de vie brutalement réduits et anéantis.
Le Fonds de Garantie est amené à indemniser les victimes dans certaines conditions , saisi dans les 3 ans de l’accident, il intervient quand le responsable sera non assuré, non identifié ou insolvable.
Il adressera aux ayants droits une offre d’indemnisation sur la base des préjudices moraux des justificatifs des frais d'obsèques, ceux restés à charge et des pertes de revenus sous déduction de la créance des organismes sociaux. En cas de refus, le montant de l’indemnité est alors déterminé judiciairement avec mise en cause du Fonds de Garantie.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Maître Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris
Ex-enseignante à l'Université de Paris XII et Formatrice d'avocats stagiaires