Le démembrement du droit de propriété ( usufruit+ nu propriété) peut résulter d’une vente, d’un testament ou d’une, donation : un ascendant donnant tout ou partie de son patrimoine à ses héritiers mais conserve l’usufruit d’un bien pour pouvoir continuer à l’utiliser ou à l’habiter, ou pour en percevoir les loyers ou les fermages s’il est loué. La question récurrente qui nous est posée vise les travaux sur le bien, qui doit faire quoi ? et comment contraindre l’autre ? La réponse, légale et jurisprudentielle démontre qu’en cette matière le nu propriétaire qui ne perçoit aucun revenus, a une position confortable.
Je n'aborderai pas le paiement des charges ici,juste les travaux.
S'agissant des définitions, je me permets de renvoyer le lecteur à mes précédents articles consacrés à:
I-L'usufruitier: une qualité qui le contraint aux réparations d’entretien et de conservation de la chose
A) l’usufruitier doit se comporter comme un propriétaire soigneux, diligent et attentif.
1°- en respect de la destination faite au bien.
Ainsi, il ne pourrait donner un bail avec une destination différente que celle qui lui est attribuée.
Si un bien est déterioré,voir détruit suite à un incendie, il devra établir son absence de faute .
2°- sans détruire, dégrader le bien grevé d’usufruit.
B) frais, charges d’entretien et de réparation courantes
1°- un principe léga tiré de l'article 605 du code civil
« L’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien. Les grosses réparations demeurent à la charge du nu-propriétaire, à moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu ».
Ainsi, il reste tenu des charges et réparations d'entretien assimilables aux réparations locatives, les grosses réparations étant à la charge du nu-propriétaire.
Il doit conserver et prendre toutes mesures conservatoires nécessaires, accomplir les actes matériels.
Cela peut aller de la réfection de la peinture, des portes et fenêtres, des façades, au remplacement de la chaudière, d’un ballon d’eau chaude, d'escaliers, de l’installation électrique des portes et des fenêtres, des réparations indispensables, du remplacement des volets, des gouttières, l’enlèvement des mousses sur les toitures et la révision de la couverture…. dans leur ensemble, la substitution d’un mode de chauffage à un autre, du cloisonnement, d’installations électriques, sanitaires...
L’intérêt de cette distinction est fiscal, et jouera à la fin de l'usufruit temporaire pour obtenir un dédommagement des travaux effectués par l’usufruitier...
2°-… un principe légal qui peut être écarté si l’usufruit résulte d’une convention des parties librement consentie
Exemple en cas de vente, de donation, les parties peuvent valablement convenir d’une répartition des charges différente de celle prévue par la loi; Cass. 1re civ., 3 juin 1997 : Défrénois 1997, p. 1321, Cass. civ. 9 oct. 1985 : Bull. civ. III, n° 119 ;
II Nu-propriétaire: une qualité qui lui imputent les grosses réparations en théorie, mais sans contrainte efficace en pratique.
A) La théorie de l’article 606 du code civil
1°- Le texte
« les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières ; celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d’entretien».
Le nu-propriétaire devra effectuer les réparations liées aux dégradations portant atteinte à la stabilité de l’immeuble ou à la durabilité de la construction ou de l’ouvrage.
Les gros travaux, concernant les gros murs et voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, les digues et les murs de clôture lui incombent.
2°- La jurisprudence
-la reconstitution d’un vignoble détruit par le phylloxéra , les réparations sur un gros mur « dès lors que des lézardes compromettent l’aplomb du mur » , le renouvellement intégral des zingueries d’une toiture (Cassation, 2 février 1955) ; les éléments de colombage ; des travaux de charpente et de couverture, de consolidation des murs et des planchers ...
B) Une distinction toute relative ,en pratique inefficace.
1°- Pourquoi ?
Si le nu propriétaire peut contraindre l’usufruitier à réparer ,entretenir et conserver le bien, la réciproque n’est pas possible puisque les tribunaux ne donnent durant la vie de l’usufruit aucune action juridique à l’usufruitier contre le nu propriétaire pour effectuer les grosses réparations
2°- Les raisons du privilège condédé au nu-propriétaire
Sont liées au pouvoir limité du nu propriétaire sur le bien, qui ne doit pas conduire pour les tribunaux à lui imposer de lourdes charges, pendant que l’usufruitier a le droit d’utiliser le bien ou d’en percevoir les fruits (loyers, intérêts).
Les droits du nu-propriétaire, rappelons-le se limitent à disposer de sa nue-propriété du bien, et à pouvoir s’opposer (sauf autorisation judiciaire) à la vente ou à la location de la pleine propriété du bien.
3°- Les conséquences du privilège
Le nu propriétaire qui ne jouit pas du bien, a une position confortable.
En effet, l'usufruitier devra exécuter lui-même les grosses réparations.Il ne pourra agir au mieux qu’en fin d’usufruit.
Le risque de voir les usufruitiers laisser le bien dépérir, n'est pas négiligeable,ce qui diminuera fortement la valeur de l'immeuble.
A l'extinction de l'usufruit, le nu-propriétaire se retrouve avec un bien ayant diminué de valeur
Vous l'aurez compris, quid de l'usufrutier en viager ?
L’usufruitier devra effectuer les grosses réparations nécessaires voire urgentes,
Son locataire pourrait l’y contraindre puisque l’usufruitier a seul la qualité de bailleur.
Pour aller plus loin sur ce thème, je renvoie le lecteur aux articles précedemment publiés:
DROIT D'USAGE ET D'HABITATION: RIEN A VOIR AVEC L'USUFRUIT
De quelques rappels sur la valeur de l'usufruit
Les droits et devoirs de l'usufruitier
LES OBLIGATIONS DECOULANT DU DROIT D'USAGE ET D'HABITATION.(II)
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris