La 1ere Civ, 12 février 2014 pourvoi N°13-13.873 a rendu un arrêt qui touche à la notion de communauté de vie.
La communauté de vie doit s’apprécier aussi au regard des motifs d’ordre professionnel, en respect des dispositions de l’article 108 du code civil.
Pour de tels motifs, les époux peuvent avoir un domicile distinct, sans qu’il soit pour autant porté atteinte à la communauté de vie.
Cette notion se retrouve en matière d’obligations aux devoirs du mariage ou en droit des étrangers ( titre de séjour, ou nationalité).
La communauté de vie peut permettre l’obtention d’un titre ou d’une nationalité, mais aussi de contrecarrer certains griefs dans le divorce ou de diminuer les prestations sociales d'où une fraude accrue aux personnes qui se déclarent isolées.
I- Les domaines de la "communauté de vie"
- La contrainte textuelle
1°- en droit de la famille
article 215 al 1 du code civil
Le devoir de communauté de vie est visé par ce texte dans le cadre du mariage
« Les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie.
La résidence de la famille est au lieu qu'ils choisissent d'un commun accord… »
De ce fait l’abandon du domicile conjugal sera constitutif d’une violation à l’obligation de communauté de vie, et aux devoirs du mariage, à mettre en avant comme grief lors d’un divorce
Ainsi des absences systématiques du conjoint le week-end, qui ne seraient pas imposées par la nécessité, porteraient atteinte à l'obligation de communauté de vie et justifieraient un divorce aux torts partagés ou/exclusifs.
Pour être fautif, l'abandon doit réunir deux conditions posées par l'article 242 du Code Civil
- Une violation grave ou renouvelée des droits et devoir du mariage
- Rendre intolérable le maintien de la vie commune
2°- en droit des prestations sociales
Selon l'article L.262-9 du Code de l’action sociale et de la famille
Est considérée comme isolée une personne veuve, divorcée, séparée ou célibataire, qui ne vit pas en couple de manière notoire et permanente et qui notamment ne met pas en commun avec un conjoint, concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité ses ressources et ses charges. Lorsque l'un des membres du couple réside à l'étranger, n'est pas considéré comme isolé celui qui réside en France ».
Une personne qui se déclare isolée ne doit avoir ni domicile commun, ni ressources communes avec une autre personne, ces derniers critères étant alternatifs
« la vie maritale suppose donc une permanence certaine, et une participation pécuniaire ou matérielle effective du tiers.
Le fait pour un allocataire de cohabiter momentanément avec un tiers, dans un autre but que de fonder un couple stable ne saurait répondre à la définition de la vie maritale.
3°- en droit des étrangers
- article L 313-11-4° du CESEDA
Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :
4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ;
- Article L 314-9-3°)
La carte de résident peut être accordée :
3° A l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition qu'il séjourne régulièrement en France, que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français.
- article 21-2 du code civil
L’'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.
Le délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l'étranger, au moment de la déclaration, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n'est pas en mesure d'apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l'étranger au registre des Français établis hors de France. En outre, le mariage célébré à l'étranger doit avoir fait l'objet d'une transcription préalable sur les registres de l'état civil français.
Le conjoint étranger doit également justifier d'une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française, dont le niveau et les modalités d'évaluation sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
- La définition
1°-Article 108 du code civil
Le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu'il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie.
Toute notification faite à un époux, même séparé de corps, en matière d'état et de capacité des personnes, doit également être adressée à son conjoint, sous peine de nullité.
2°-1ere Civ, de 12 février 2014 pourvoi N°13-13.873
Au visa des articles 21-2, 108 et 215 du code civil ;
Attendu que, pour constater l’extranéité de Mme Y..., l’arrêt retient que les époux n’ont plus habité ensemble depuis le 24 avril 2006, date de prise de fonctions de la femme en région parisienne, le mari restant vivre dans la Creuse, que les époux ont choisi de vivre séparés la plupart du temps et ont accepté ce mode de vie résultant selon eux de l’impossibilité de trouver un travail à proximité, mais que cette pratique ne correspond pas à la communauté de vie « tant affective que matérielle » et ininterrompue exigée par la loi, distincte de la seule obligation mutuelle du mariage ;
Qu’en statuant ainsi, alors que, pour des motifs d’ordre professionnel, les époux peuvent avoir un domicile distinct, sans qu’il soit pour autant porté atteinte à la communauté de vie, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
II Présentation de 1ere Civ, de 12 février 2014 pourvoi N°13-13.873
Cassation
Sur le moyen unique :
Vu les articles 21-2, 108 et 215 du code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme Y..., de nationalité algérienne, s’est mariée le 5 mars 2005 avec M. X..., de nationalité française ; que le 12 juin 2009, Mme Y... a souscrit une déclaration de nationalité française sur le fondement de l’article 21-2 du code civil, en sa qualité de conjoint d’un ressortissant français, qui a été rejetée le 3 novembre 2009 au motif que la preuve de la communauté de vie tant matérielle qu’affective des deux époux n’était pas établie, l’épouse travaillant en région parisienne alors que son mari habite dans la Creuse ; que par acte délivré le 28 avril 2010, M. et Mme X... ont assigné le ministère public aux fins de contester le refus d’enregistrement de la déclaration de l’épouse ;
Attendu que, pour constater l’extranéité de Mme Y..., l’arrêt retient que les époux n’ont plus habité ensemble depuis le 24 avril 2006, date de prise de fonctions de la femme en région parisienne, le mari restant vivre dans la Creuse, que les époux ont choisi de vivre séparés la plupart du temps et ont accepté ce mode de vie résultant selon eux de l’impossibilité de trouver un travail à proximité, mais que cette pratique ne correspond pas à la communauté de vie « tant affective que matérielle » et ininterrompue exigée par la loi, distincte de la seule obligation mutuelle du mariage ;
Qu’en statuant ainsi, alors que, pour des motifs d’ordre professionnel, les époux peuvent avoir un domicile distinct, sans qu’il soit pour autant porté atteinte à la communauté de vie, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 8 janvier 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions par le biais des consultations en ligne.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris