Suite à la rupture du lien conjugal et de la communauté, liée à un divorce ou à un décès, il y a lieu de procéder à un compte de liquidation - partage qui interviendra entre époux, ou, entre les héritiers du défunt et le conjoint survivant en cas de décès.
Le régime matrimonial, sera la première chose qui sera à considérer.
° Soit, les époux étaient mariés sous un régime séparatiste, ce qui suppose une distinction entre deux types de biens ; ceux qui leurs seront personnels ( sur lesquels aucune revendication ne sera possible) et ceux acquis en indivision ( achetés ensemble avec une certaine répartition envisagée ou la quote-part de l’indivision).
° Soit, ils seront soumis à un régime communautaire, ce qui sera la majorité des cas, de façon tacite, lorsque les époux, n’auront souscrits aucun contrat de mariage. Ils seront alors soumis au régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts ( c'est-à-dire biens acquis durant le mariage).
Sauf cas de régime de la communauté universelle, où tous les biens seront mis en communs, même ceux acquis avant le mariage ; il y aura lieu d’apprécier et de distinguer après la « reprise » des biens propres 3 sortes de patrimoines.
- Les biens propres de chaque époux (ceux leur appartenant à titre personnel), étant précisé que dans le régime légal tous biens possédés avant le mariage ou reçus par donation ou succession sont des biens propres.
-Les biens communs, constitués des gains et salaires des époux, ceux acquis durant le mariage.
C’est dans ce cadre précis, que les mouvements effectués entre les divers patrimoines seront envisagés afin d’évaluer les indemnités ou « récompenses » au sein de cette communauté. Leur définition et les circonstances de mise en oeuvre seront envisagées.
Définition:
Il s'agit d'une indemnité destinée à maintenir l’équilibre des patrimoines due au profit des époux ou de la communauté elle-même.
La récompense peut être définie comme une indemnité due lors de la dissolution du régime matrimonial à la communauté lorsque le patrimoine personnel d’un époux s’est enrichi au détriment de celle-ci ou à l’époux si la communauté s’est enrichie à son détriment.
ce procédé technique est destiné à maintenir, l'équilibre des patrimoines propres des époux et de leur patrimoine commun, pour éviter que la masse de biens commune ne se trouve, au moment du partage, augmentée ou diminuée au détriment, ou au profit du patrimoine propre de l'un des époux.
I- les récompenses dues par l'un des époux
A) Les textes
L’article 1468 du code civil dispose « Il est établi, au nom de chaque époux, un compte des récompenses que la communauté lui doit et des récompenses qu'il doit à la communauté …. »
Analysons ces mouvements de patrimoine.
Article 1437 du code civil « Toutes les fois qu'il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l'un des époux, telles que le prix ou partie du prix d'un bien à lui propre ou le rachat des services fonciers, soit pour le recouvrement, la conservation ou l'amélioration de ses biens personnels, et généralement toutes les fois que l'un des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense »
Il appert que lorsqu’un époux aura pris une somme à la communauté pour s’acquitter d’une dette personnelle qui serait antérieure au mariage avec les fonds communs. Il devra une « récompense ».
De même s’il prend un bien à la communauté pour consentir une donation à titre personnel, ou s’il prive la communauté de revenus…
Prenons 3 exemples concrets :
1 er cas : Un époux cède un bien propre d'une valeur de 200.000 euros pour en acheter un autre d’une valeur de 500 000 euros avec « clause de remploi ». (Clause qui permet à l’époux qui vend un de ses biens propres en vue d’effectuer un autre achat, de démontrer que ce nouveau bien reste un bien propre puisque acquis avec des fonds propres issus de cette vente).
De ce fait, au regard de la déclaration portée dans l’acte notarié;il sera, certes propriétaire du nouveau bien, mais redevable d’une somme de 300. 000 euros à la communauté.
2 ème cas : Un époux, propriétaire d’un terrain y fait construire une maison, au moyen de fonds communs. Cet immeuble restera son bien propre en vertu de la règle de « l’accessoire suit le principal. », mais il devra une récompense à la communauté.
En revanche si le terrain appartient par moitié aux époux, en vertu de l'acte notarié , les époux seront propriétaires de la maison par moitié, déduction des apports de biens propres...
3ème cas : Un couple qui finance l'acquisition de fournitures destinées à un fonds de commerce propre à l’un d’eux, rendra son propriétaire, tenu de rembourser l'achat desdites fournitures à la communauté.
B) La jurisprudence a été amenée à préciser les contours, face à la complexité du code civil et des diverses situations.
1ère Civ 14 novembre 2007, pourvoi n° 05-18.570
« La cour d’appel a retenu à bon droit que les soldes débiteurs des comptes bancaires professionnels du mari avaient été apurés à l’aide de deniers communs afin d’éviter la disparition du fonds artisanal ; elle en a exactement déduit que Monsieur X était redevable envers la communauté d’une récompense à raison de la dépense faite pour la conservation d’un bien lui appartenant en propre.
1ère Civ, 28 février 2006, pourvoi n° 03-16-887
Il résulte de l’article 1437 du code civil (précité) qu'un époux ne doit récompense à la communauté que lorsqu'il est pris une somme sur celle-ci ou, plus généralement, lorsque l'époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté. Il s'ensuit que la plus-value procurée par l'activité d'un époux ayant réalisé lui-même certains travaux sur un bien qui lui est propre, tels ceux effectués grâce à son travail personnel durant ses moments de loisirs, ne donne pas lieu à récompense au profit de la communauté. »
1ère Civ, 8 novembre 2005 (BICC n°634 du 1er février 2006) a jugé que:
« les époux ne sont pas tenus à récompenses envers la communauté, l'un pour les pensions alimentaires versées, pendant la durée du mariage à ses filles nées d'une précédente union, l'autre pour les pensions de même nature servies, pendant le mariage, à sa fille issue d'une précédente union et à son père, alors que ces dettes constituent un passif définitif de la communauté »
II- les récompenses dues par la communauté à l’un des époux
L’article 1433 du code civil précise « La communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit des biens propres.
Il en est ainsi, notamment, quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d'un propre, sans qu'il en ait été fait emploi ou remploi.
Si une contestation est élevée, la preuve que la communauté a tiré profit de biens propres peut être administrée par tous moyens, même par témoignage et présomption".
Rappel : La déclaration d’emploi suppose une utilisation de fonds propres,alors que le remploi permet à l’époux qui vend un de ses biens propres en vue d’effectuer un autre achat, de démontrer que ce nouveau bien reste un bien propre puisque acquis avec des fonds propres issus de cette vente.
Prenons deux exemples concrets :
1 er cas : La communauté qui finance des travaux d’entretien d’un logement appartenant en propre à un époux (domicile conjugal par exemple), rend ce dernier redevable d’une récompense, lors de la liquidation du régime matrimonial suite à divorce.
2 ème cas : Un mari, vend un immeuble lui appartenant en propre, pour acquérir un fonds de commerce qui devient un bien commun. Dans la mesure où il aura enrichi la communauté, celle-ci lui devra récompense.
1ère Civ, 22 novembre 2005, pourvoi n° 02-19.283
A droit à récompense, à la charge de la communauté, l'épouse qui a perçu des sommes dans le cadre de la succession de son père, lesquelles ont été encaissées sur les comptes de la communauté. Cela supposera que la preuve des sommes héritées a été rapportée.
Dans un prochain article, j'envisagerai la liberté dans la preuve des biens propres et des récompenses.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Cordialement
Maître HADDAD Sabine
Avocat au barreau de Paris