I- Le remboursement du prêt indivis au regard de la capacité des époux
A) Les textes
L’article 214 du code civil dispose :
Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.
Si l'un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l'autre dans les formes prévues au code de procédure civile
Article 1537 du code civil
Les époux contribuent aux charges du mariage suivant les conventions contenues en leur contrat ; et, s'il n'en existe point à cet égard, dans la proportion déterminée à l'article 214.
Les biens achetés ensemble par les époux sont soumis au régime de l’indivision Chacun est propriétaire d’une part des droits normalement indiquée dans l’acte notarié.
A défaut, ils sont présumés propriétaires par moitié.
Toutes charges, et frais liés au bien indivis doivent être payés en proportion des parts de chacun.
B) Les tribunaux prendront en compte les capacités respectives des époux à rembourser leur part du prêt et leur attitude au regard du remboursement des charges du ménage.
Autrement dit, l’époux qui aurait payé plus, pourra être débouté de sa demande de remboursement au-delà de sa part.
Ainsi si chacun alimente le compte joint au prorata de ses revenus (65 % et 35%) pour faire face aux dépenses courantes et aux modalités de versement de l’emprunt indivis, pas d’indemnité !
Même analyse pour une situation, lorsque les emprunts sont payés uniquement sur le compte du mari alimenté par lui seul, alors que l’épouse justifie avoir payé d’autres dépenses d’entretien du ménage et d’éducation des enfants
L’idéal serait d’envisager dans l’acte d’achat la proportion de remboursement de chacun des époux pour éviter des difficultés
Dans le cadre d’une indivision 50/50, le mari avait remboursé 80% du prêt, il peut être admis au cas par cas que le conjoint sera " récompensé" du montant financé en sus de sa part.
Si un conjoint paye le prêt alors que son conjoint ne travaille pas pour s’occuper des enfants, où commence la contribution aux charges du ménage et où se finit-elle ?
(Cour d'Appel de Amiens, 16 mars 2011, pourvoi N°09-04586) a pris en compte la durée des années de mariage en considérant que le mari avait respecté ses obligations découlant du mariage en payant les charges foncières et la valeur locative du logement familial durant les années de vies communes, et que toutes sommes versées au-delà de la vie commune devaient être restituées ( ex moitié des taxes foncières ne relevant pas des dépenses du ménage
II- Créances entre époux mariés sous le régime séparatiste
A) Un conjoint ayant participé directement ou indirectement à l'enrichissement de l'autre sans contrepartie peut exiger une indemnité.
Celles-ci compenseront des mouvements de valeurs entre les patrimoines propres des époux, c'est-à-dire dont il est résulté l'enrichissement du patrimoine propre de l'un des époux et l'appauvrissement corrélatif du patrimoine propre de son conjoint.
Les créances entre époux obéissent en principe aux règles de droit commun des créances, pour ce qui est du moment et de l'objet de leur paiement.
Elles ne portent donc, normalement, intérêt que du jour de la sommation (article 1479, al 1 du code civil) et sont exigibles dès leur naissance, à l'inverse des récompenses.
Les créances entre époux peuvent donc être recouvrées pendant le mariage, tant que le divorce des époux n'a pas été prononcé par une décision irrévocable
Ainsi si une épouse participe bénévolement à l'activité professionnelle de son mari et que sa participation dépasse la contribution normale aux charges du mariage, en tant que conjoint lésé, elle peut prétendre à une indemnité qui prendra en compte d'une part la rémunération qu'elle aurait pu obtenir et d'autre part l'accroissement du patrimoine de l'autre.
Le conjoint bénéficiaire peut également faire valoir le caractère indemnitaire du financement par son conjoint lorsque son activité au foyer dépasse nettement la contribution aux charges du mariage (1re Civ, 3 Juillet 1996, pourvoi N° 94-11.990 il faut alors caractériser la « suractivité ménagère » du conjoint).
Il pourrait aussi invoquer ses sacrifices professionnels, s'il a renoncé à sa propre carrière pour se consacrer à la gestion des ressources du ménage, à savoir une créance rémunératoire, qui empêcherait l'autre de lui demander le remboursement de sommes payées pour son compte par exemple.
De même le conjoint qui participe financièrement à l'acquisition d'un bien propre à l'autre conjoint peut exiger une compensation lors de la liquidation du régime.
Mais la propriété du bien lui-même ne sera pas remise en cause.
B) L'analyse de la situation
Dans tous les cas lorsque l'acquisition par l'un des époux d'un bien ou de droits indivis sera réalisée au moyen de deniers fournis par son conjoint en partie ou en totalité, il conviendra de se demander à quel titre a eu lieu cette remise d'argent :
Est-ce une qualification juridique au titre d'un prêt, d'une libéralité ou d'une créance rémunératoire ? ( lorsque le conjoint bénéficiaire du transfert a collaboré à la profession de l'époux qui a fourni les fonds, dans la mesure où cette activité a excédé la contribution normale aux charges du mariage.)
La détermination de l'intention des époux relève de l'interprétation souveraine des juges du fond, au même titre que le calcul de la créance due entre époux,de son évaluation ou de sa réévaluation en cas de conflits.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris